Que se passe-t-il à la frontière Pologne-Bélarus ?
L’afflux de migrants et de demandeurs d’asile à la frontière entre la Pologne et le Bélarus a provoqué une crise diplomatique entre ces deux pays et l’inquiétude de l’Europe. Le point en cinq questions pour mieux comprendre.
Comprendre la crise à la frontière Pologne-Bélarus en cinq questions
L’afflux de migrants et de demandeurs d’asile à la frontière entre la Pologne et le Bélarus a provoqué une crise diplomatique entre ces deux pays et l’inquiétude de l’Europe.
La situation est des plus complexe. Tentative d’explication en cinq questions.
Que se passe-t-il sur le terrain ?
Plusieurs milliers de migrants et demandeurs d’asile voulant gagner l’Europe sont bloqués le long des quelque 400 kilomètres de frontière entre le Bélarus et la Pologne, dont plus de 2.000 dans un camp de fortune face au village polonais de Kuznica. Ces personnes, parmi lesquelles se trouvent des enfants et des femmes, vivotent dans des conditions difficiles. La nuit, les températures descendent sous zéro degré Celsius.
D’après les autorités polonaises, des groupes ont tenté mardi et mercredi de forcer la frontière en plusieurs points. Des vidéos publiées par les autorités polonaises montrent certains migrants utilisant des troncs d’arbres comme béliers pour abattre la clôture surmontée de fils de fer barbelé érigée par Varsovie à la frontière. Au moins dix personnes sont mortes ces dernières semaines, dont sept sur le sol polonais, selon le quotidien Gazeta Wyborcza.
D’où viennent les migrants ?
Il s’agit principalement de personnes qui ont fui des conflits ou la misère au Proche-Orient ou en Afrique. Beaucoup sont acheminées à Minsk par charters affrétés par des compagnies aériennes de ces paysUn grand nombre d’entre elles sont des Kurdes du nord de l’Irak. Ces trois derniers mois, 1.600 personnes ont rallié le B. élarus grâce à un visa de tourisme depuis le Kurdistan irakien, selon l’Association des réfugiés du Kurdistan.
Des personnes venant de Syrie, pays en guerre depuis dix ans, sont également présentes à la frontière.Une Polonaise qui vient en aide aux migrants sur place a également dit à l’AFP avoir vu des ressortissants du Yémen, de Côte d’Ivoire et, même, de Cuba.
Pourquoi l’UE accuse-t-elle le Bélarus?
L’UE accuse l’autoritaire président bélarusse Alexandre Loukachenko d’avoir orchestré cette crise migratoire pour se venger des sanctions occidentales imposées à son régime pour la brutale répression de manifestations l’an dernier. M. Loukachenko, qui dirige d’une main de fer le Bélarus depuis 1994, réfute ces accusations. Mais, fin mai, il avait prévenu les Européens que le Bélarus ne stopperait plus « les drogues et les migrants » en route pour l’Europe. Varsovie accuse Minsk de délivrer des visas de transit aux ressortissants de plusieurs pays afin d’attirer les candidats à l’exil, de les acheminer jusqu’à la frontière et même de leur fournir des outils pour découper la clôture.
M. Loukachenko est accusé de jouer sur la peur de l’Europe d’un afflux massif de migrants, très vive depuis la crise de l’été 2015 lors de laquelle plusieurs centaines de milliers de personnes avaient gagné la Grèce depuis la Turquie voisine. Début 2020, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait lui aussi joué sur cette crainte en laissant passer des dizaines de milliers de migrants vers la frontière grecque.
Comment réagit la Pologne ?
Face à l’afflux de migrants, Varsovie a dénoncé une « attaque » de Minsk, musclé son dispositif à la frontière, où elle a déployé quelque 15.000 militaires, et décidé de construire un mur. La Pologne a aussi imposé l’état d’urgence dans la zone frontalière et autorisé ses forces de sécurité à refouler les migrants, ce qu’interdit le droit international à l’asile. Les agences humanitaires de l’Onu et les journalistes n’ont pas accès à cette zone frontalière.
L’une des interrogations concerne la coopération entre la Pologne et l’Union européenne, dont les relations sont très tendues, Bruxelles s’inquiétant de la situation de l’État de droit dans ce pays membre. Contrairement à la Lettonie et la Lituanie voisines, aussi confrontées à cette pression migratoire, la Pologne n’accepte pas l’aide de Frontex, l’agence européenne de gardes-frontières. Le président du Conseil européen Charles Michel s’est rendu mercredi à Varsovie pour s’entretenir avec le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
La Russie, solution ou problème ?
Accusée par la Pologne d’être la « commanditaire » de cette crise, la Russie, principal soutien du Bélarus, est restée relativement discrète jusque-là. Conscientes de l’influence de Moscou sur Minsk, l’UE et l’Allemagne ont appelé mercredi le président russe Vladimir Poutine à intervenir pour faire cesser la crise. Fragilisé par les sanctions occidentales, le régime de M. Loukachenko est fortement dépendant du soutien financier et politico-militaire de la Russie.
Mais M. Poutine, qui s’efforce depuis plusieurs mois d’obtenir de Berlin la mise en service d’un nouveau gazoduc, fait pour l’instant la sourde oreille, se bornant à appeler au dialogue. Moscou a aussi invité l’Europe à apporter une aide financière à Minsk pour prendre en charge les migrants.
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