Qatar 2022: Amnesty dénonce les conditions de travail des agents de sécurité, « travailleurs de l’ombre »
L’association Amnesty International a publié un rapport faisant état des mauvaises conditions de travail des agents de sécurité au Qatar, « y compris dans des projets liés à la Coupe du monde de football 2022 ». Selon l’ONG, ces travailleurs de l’ombre sont oubliés.
« Ils nous prennent pour des machines »: le nom du rapport d’Amnesty International parle de lui-même. L’association a récolté 34 témoignages d’employés de sociétés de sécurité privée au Qatar. Tous sont migrants, venus au Qatar pour trouver un emploi et démarrer une nouvelle vie. Le poste d’agent de sécurité paraissait attrayant, mais la réalité les a vite rattrapés. 12 heures par jour, sept jours sur sept, aucun repos: ce sont les conditions que la plupart des employés ont révélées à Amnesty. Selon des travailleurs, ils n’avaient pas droit à leurs jours de congé, normalement prévus par la loi, au risque d’avoir des répercussions sur leurs salaires.
Certains témoignages concernent des sociétés ayant déjà travaillé pour la Coupe du monde des clubs 2020 et la Coupe arabe, organisées par la FIFA. L’ONG a conclu que ces conditions s’apparentaient à du travail forcé et interpelle la fédération sportive, qui doit faire appel à de nombreux agents de sécurité pour son tournoi international, la Coupe du monde 2022.
Au-delà du secteur de la construction
Ces nouvelles révélations font écho aux conditions des travailleurs migrants dans le secteur de la construction au Qatar, déjà connues depuis longtemps. Amnesty avait déjà interpellé le pays et l’organisation sportive au sujet de la construction des stades. Mais pour Steve Cockbrun, responsable de la justice économique et sociale à Amnesty International, il faut davantage mettre en avant les travailleurs de l’ombre comme le personnel d’entretien, d’hôtel et les agents de sécurité. « Ces personnes sont tout aussi importantes lors de la Coupe du monde », insiste-t-il. Pourtant, l’ONG regrette que les initiatives de la FIFA se concentrent uniquement sur le secteur de la construction.
Steve Cockburn explique que le rapport a été envoyé au préalable au Qatar et la FIFA. La fédération a pris le rapport au sérieux, et s’est désengagée de deux sociétés qataries mises en cause. Mais le responsable se demande si cela va suffir, à seulement 7 mois du lancement du tournoi. Le Qatar se défend en assurant avoir entrepris de grandes réformes depuis plusieurs années, mais que celles-ci prennent du temps.
« C’est vrai qu’il y a eu des progrès, mais le problème reste le contexte d’impunité qui existe dans le pays », selon Steve Cockburn. Des lois existent depuis 2004, mais rien ne se passe lorsqu’elles sont enfreintes. En 2017, le Qatar a mis en place un salaire minimum et un meilleur accès à la justice. Toutefois, le rapport fait état d’un déséquilibre de pouvoir entre employeurs et travailleurs migrants, ce qui prouve que l’application du droit au travail n’est pas encore effective. Les agents, se sentant impuissants, continuent d’aller travailler par peur des représailles. Selon Amnesty, il y a des avancées mais pas assez parce que trop peu de moyens sont mis en place. « Ce qui me frustre c’est que le Qatar est l’un des pays les plus riches, et la FIFA est l’une des organisations de sport les plus riches », insiste Steve Cockburn.
Amnesty International appelle le Qatar à enquêter sur ces conditions de travail, et à prendre des mesures urgentes pour les agents de sécurité. Concernant la FIFA, l’ONG espère qu’elle accordera une plus grande attention à ce secteur.
Sarah Duchêne
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