Anne-Sophie Bailly
Pandora Papers: bloquez une route fiscale, il en naîtra deux nouvelles (édito)
Ce n’est qu’avec des accords internationaux, comme celui, en gestation, de taxation minimale des entreprises, que la lutte contre les sociétés écrans de ces grandes fortunes, personnalités politiques, membres du show-bizz, mais aussi criminels, trafiquants d’armes ou de drogue pourrait s’avérer un peu plus égale. L’édito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif.
Une nouvelle fuite massive de documents a été exploitée par le Consortium international pour le journalisme d’investigation (ICIJ) pour révéler le recours régulier par des grandes fortunes à des sociétés offshore dans des paradis fiscaux, avec la volonté manifeste d’éluder l’impôt dans leur pays.
Des avancées contre l’évasion
Ces Pandora Papers succèdent à d’autres mégaenquêtes du genre, comme les Panama Papers, les Dubaï Papers ou les Lux Leaks. La révélation de ces pratiques fiscales douteuses revêt une utilité certaine puisque ces enquêtes ont permis des avancées nationales et internationales dans le combat contre l’évasion fiscale.
Citons, pêle mêle, la récupération des sommes dues par les Etats, l’instauration de la taxe Caïman et du registre UBO (qui recense tous les bénéficiaires effectifs d’une société), un accord pour faciliter l’échange automatique de données ou encore la mise en chantier d’un projet d’imposition minimal des sociétés.
En même temps, ces divulgations à répétition montrent combien la lutte contre l’évasion fiscale est complexe. Un combat d’Hercule contre l’Hydre de Lerne. Bloquez une route fiscale, il en naîtra deux nouvelles dans la foulée. Et cela, grâce à la créativité de certains intermédiaires financiers – consultants, avocats, fiscalistes – qui flirtent légalement avec la ligne rouge qui sépare la voie la moins imposée de la fraude fiscale ou la franchissent illégalement.
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Lutte inégale
A ce niveau également, des projets existent, notamment en Europe, pour sanctionner plus lourdement ces intermédiaires pas toujours scrupuleux. Mais une nouvelle fois, faute de moyens, comme de volonté politique, le combat s’avère inégal.
Dans le cas des Panama Papers, un seul cabinet d’avocats, Mossack Fonseca, concentrait toutes les créations de ces sociétés offshore. Avec les Pandora Papers, on parle de quatorze intermédiaires de ce type, tous dédiés à l’optimisation de ces constructions fiscales. Or, on n’entend parler ni de projet concret d’accord international de lutte contre ces sociétés offshore ni d’octroyer davan tage de moyens à la justice financière internationale, alors que ceux consacrés à l’ingénierie fiscale sont, eux, colossaux. C’est pourtant avec des accords internationaux, comme celui, en gestation, de taxation minimale des entreprises, que la lutte contre les sociétés écrans de ces grandes fortunes, personnalités politiques, membres du show-bizz, mais aussi crimi nels, trafiquants d’armes ou de drogue pourrait s’avérer un peu plus égale. Hercule n’est pas venu à bout de l’Hydre en s’y attaquant seul.
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