Oskar Gröning, ancien comptable d’Auschwitz, demande « pardon »
Oskar Gröning, l’ancien comptable d’Auschwitz jugé en Allemagne pour « complicité de 300.000 meurtres aggravés », a demandé « pardon aux victimes » du camp de concentration, à l’ouverture de son procès mardi à Lunebourg (ouest).
« Pour moi, il ne fait aucun doute que je partage une culpabilité morale », a déclaré l’ancien SS, âgé de 93 ans. « Je demande pardon », a-t-il ajouté. « Concernant la question de la responsabilité pénale c’est à vous de décider », a-t-il dit à ses juges, alors qu’il encourt 3 à 15 ans de prison.
Septante ans après la libération des camps de concentration, le procès d’Oskar Gröning, l’ancien comptable d’Auschwitz, s’est ouvert mardi matin à Lunebourg, dans le nord de l’Allemagne. Il pourrait être le dernier d’un ancien nazi. Oskar Gröning, veuf de 93 ans, est accusé d’avoir contribué à la mort dans les chambres à gaz de 300.000 juifs hongrois déportés entre mai et juillet 1944 vers le camp d’Auschwitz, en Pologne occupée, devenu le symbole mondial de la Shoah. Le nonagénaire a prévu de s’exprimer durant son procès, selon son avocat Hans Holtermann. Devant l’affluence médiatique et le nombre de parties civiles – une soixantaine de médias accrédités et 67 rescapés et descendants de victimes défendus par 14 avocats -, l’audience se tient dans un bâtiment loué pour l’occasion. Elle se poursuivra au moins jusqu’au 29 juillet.
Son procès est le dernier prévu d’un ancien nazi
Oskar Gröning encourt 3 à 15 ans de prison. Certaines parties civiles ont fait connaître leur préférence pour une peine plus adaptée à son âge, comme des « travaux d’intérêt général pour raconter son passé dans les écoles ». Son procès est le dernier prévu d’un ancien nazi. Une douzaine d’enquêtes préliminaires sont en cours en Allemagne mais leurs chances d’aboutir sont compromises par l’âge des suspects. Au-delà de son sort, l’enjeu « est de fixer une norme juridique, qui est aussi morale et politique: qu’est-ce qui est permis et qu’est-ce qui est interdit? », estime l’historien Andreas Sander, du musée de la Topographie de la Terreur à Berlin. Pour la justice allemande, accusée d’avoir faiblement sanctionné les criminels nazis, il s’agit de réfléchir aux « marges de manoeuvre » que conservaient les agents d’un régime totalitaire, analyse l’historien. « Ce que j’espère entendre, c’est qu’avoir contribué à une machine de mort (…) est un crime. Ainsi, à l’avenir, plus personne ne pourra faire ce qu’il a fait en se prétendant innocent », confie Hedy Bohm, survivante d’Auschwitz venue de Toronto, au Canada.
Il jure n’avoir « jamais donné une gifle » à quiconque
Engagé dans les Waffen SS en 1941, transféré dans l’administration d’Auschwitz en 1942, Oskar Gröning jure n’avoir « jamais donné une gifle » à quiconque. L’accusation ne lui reproche d’ailleurs aucune violence directe, mais le dépeint en « rouage » de l’extermination. On lui reproche d’avoir trié les devises des déportés pour les envoyer à Berlin et d’avoir assisté au moins une fois à la « sélection » séparant, à l’entrée du camp, les déportés jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués. En « gardant les bagages » du précédent convoi pour les soustraire aux yeux des nouveaux arrivants, le jeune sergent a évité un mouvement de panique et sciemment favorisé une mise à mort sans heurts, selon le parquet. Revenu vivre en Allemagne après la guerre, l’ancien comptable ne s’est jamais caché. Avant d’être rattrapé par la justice, il a même longuement raconté dans la presse et à la télévision son passé à Auschwitz, expliquant vouloir « combattre le négationnisme ».