Municipales au Brésil: le centre droit grand vainqueur, déroute pour Bolsonaro
Le centre droit est le grand vainqueur des municipales de dimanche au Brésil, qui ont vu la déroute des candidats soutenus par le président Jair Bolsonaro, à deux ans de la présidentielle, et de la gauche.
Dans les deux plus grandes villes du pays, Sao Paulo et Rio, le maire sortant Bruno Covas et l’ex-maire Eduardo Paes, tous deux de centre droit, ont été élus dans un fauteuil. A Sao Paulo, ville de 12,5 millions d’habitants et la plus riche du pays, M. Covas, 40 ans, du PSDB, a remporté 59,38% des suffrages contre 40,62% à celui qui portait les espoirs de la gauche, Guilherme Boulos (Psol).
M. Covas lutte depuis sa mairie contre un cancer de l’appareil digestif et a comme mentor le gouverneur de Sao Paulo, Joao Doria, probable adversaire de M. Bolsonaro à la présidentielle de 2022. « Il est possible de faire de la politique sans haine et en disant la vérité », a lancé M. Covas, apparemment à l’attention du président d’extrême droite.
A Rio, M. Paes (Démocrates) a été élu avec 64,07% des voix, infligeant une défaite aussi cinglante qu’annoncée à l’impopulaire maire sortant Marcelo Crivella (35,93%). « Rio est le lieu de la diversité », et « nous allons gouverner (…) pour toutes les croyances, orientations et religions », a lancé M. Paes, qui a déja été maire de Rio de 2008 à 2016, en fustigeant M. Crivella.
Pour ce dernier, un ex-pasteur évangélique, il n’y a pas eu de miracle. Il figure parmi les 13 candidats soutenus par Jair Bolsonaro dont 11 ont été battus, y compris Capitao Wagner, dimanche à Fortaleza (nord-est). « C’est la confirmation d’une déroute du bolsonarisme qu’on avait vu poindre » au 1er tour du 15 novembre, a estimé pour l’AFP Leonardo Avritzer, analyste politique à l’Université fédérale du Minas Gerais (UFMG).
Ces municipales, qui signent apparemment le reflux de la vague de l’extrémisme qui avait porté Jair Bolsonaro au pouvoir en 2018, ne sont pas de bon augure pour le chef de l’Etat, sans parti depuis un an, et à deux ans de la présidentielle. Mais « cela ne signifie pas qu’il ne s’alliera pas en 2022 avec les partis de droite », estime Flavia Biroli, politologue à l’Université de Brasilia.
Echec de la gauche
Les municipales ont également représenté une grande déception pour la gauche. « La gauche continue d’avoir d’énormes difficultés dans le sud et le sud-est », a estimé M. Avritzer, de l’UFMG. A Porto Alegre (sud), le centriste Sebastiao Melo l’a emporté sur Manuela d’Avila, figure montante à 39 ans du Parti communiste du Brésil, alliée au Parti des travailleurs (PT).
Pour la première fois depuis le retour de la démocratie au Brésil (1985), le PT de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva n’a pas réussi à remporter une seule capitale des 26 Etats de la fédération. Le PT n’a pas pu arracher, dans le Pernambouc (nord-est), Recife, bastion de la gauche et la seule capitale qui était à sa portée.
Joao Campos, 26 ans, du Parti socialiste brésilien (PSB, centre gauche), a grillé la politesse à sa cousine Marilia Arraes (PT), 36 ans, à l’issue d’un violent psychodrame familial. Toutefois, malgré sa défaite à Sao Paulo, la qualification de M. Boulos pour le 2e tour aura donné une dimension nationale à cet homme jeune (38 ans), qui est le nouveau visage d’une gauche en rénovation.
Récession et chômage
Le scrutin a été assombri par la pandémie de coronavirus qui a fait plus de 172.000 morts au Brésil en huit mois. Les électeurs avaient été encouragés à apporter leur propre stylo et ont dû voter masqués, et en observant la distanciation dans les files d’attente.
Quelque 38 millions de Brésiliens — un quart du corps électoral — avaient été appelés à élire pour quatre ans les maires et conseillers municipaux de 57 villes, dont 18 des 26 capitales d’Etat. Le plus grand pays d’Amérique latine voit arriver une deuxième vague de coronavirus, après avoir été plongé dans la récession et avoir enregistré un niveau record de chômage, avec 14 millions de sans-emploi.
Les villes brésiliennes sont confrontées au manque de moyens dans la santé – particulièrement criant avec la pandémie – l’éducation, les transports publics ou le logement, mais aussi à l’endettement, la corruption et la violence. « On demande plus de sécurité dans les favelas et plus de travail, avec tout ce chômage », a expliqué un électeur dans la grande favela de Rocinha, Antonio Reinaldo.
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