Mali: un colonel nouvel homme fort à Bamako après le coup d’Etat dénoncé à l’étranger
Un colonel de l’armée malienne, Assimi Goita, s’est présenté mercredi comme le nouvel homme fort à Bamako, au lendemain du coup d’Etat ayant renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, un putsch unanimement condamné à l’étranger.
Je me présente: je suis le colonel Assimi Goita, le président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) », a déclaré à la presse cet officier supérieur qui était apparu dans la nuit de mardi à mercredi à la télévision nationale aux côtés d’autres militaires, sans prendre la parole.
Il a estimé que son pays se trouvait « dans une situation de crise socio-politique, sécuritaire » et n’avait « plus le droit à l’erreur ».
Le colonel Goita ne pourra pas compter sur la moindre indulgence de la communauté internationale qui a unanimement condamné le putsch, réclament le retour à l’ordre constitutionnel et la libération du président Keïta arrêté mardi par les militaires.
Les pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont demandé la libération « immédiate » du président renversé et « souligné la nécessité pressante de rétablir l’Etat de droit et d’aller vers un retour de l’ordre constitutionnel ».
Fortement engagée au Sahel où elle combat les groupes jihadistes qui ont contribué à déstabiliser le Mali, la France a, par la voix du président Emmanuel Macron, a estimé que « la lutte contre les groupes terroristes et la défense de la démocratie et de l’Etat de droit sont indissociables ».
« En sortir, c’est provoquer l’instabilité et affaiblir notre combat. Ce n’est pas acceptable », a-t-il poursuivi sur Twitter, en appelant à ce que le pouvoir soit « rendu aux civils ».
L’UA a de son côté suspendu le Mali « jusqu’au retour de l’ordre constitutionnel » et demandé « la libération du président (…) du Premier ministre et des autres responsables du gouvernement arrêtés par la force par l’armée ».
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a tenté sans succès de résoudre la crise qui frappe le Mali depuis juin, a également suspendu ce pays avant une réunion jeudi en visioconférence.
L’UE a réclamé la libération « immédiate » des dirigeants arrêtés et un « retour immédiat de l’état de droit ». « La stabilité de la région et du Mali, la lutte contre le terrorisme doivent demeurer des priorités absolues », selon elle.
Washington a aussi « fermement » condamné « la mutinerie » et exigé que la « liberté et la sécurité » des dirigeants maliens et de leurs familles soient « assurées ».
L’Algérie, qui partage 1.400 km de frontières avec le Mali et a joué un rôle important dans les pourparlers de paix dans ce pays, « réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement ».
Autre pays du Maghreb partenaire du Mali, le Maroc a appelé à une « transition civile pacifique, permettant un retour rapide et encadré à l’ordre constitutionnel ».
Halte au « vandalisme »
Ces condamnations n’ont pas dissuadé le colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole du (CNSP), de demander à ses compatriotes de « vaquer librement à leurs occupations ». Il a aussi demandé « d’arrêter immédiatement les actes de vandalisme et de destruction des édifices publics ». Des manifestants ont incendié mardi le cabinet d’avocat de l’ex-ministre de la Justice Kassim Tapo.
Ismaël Wagué n’a en revanche rien dit sur le président Keïta, dit IBK, ni le chef du gouvernement, Boubou Cissé, toujours au camp militaire de Kati, le quartier général des auteurs du coup d’Etat près de Bamako.
Le calme a régné mercredi dans la capitale, qui portait encore les stigmates des incidents ayant ponctué ce renversement de pouvoir, en particulier l’incendie du cabinet d’avocats de M. Tapo.
Les habitants de Bamako ont vaqué à leurs occupations, mais les administrations et les banques étaient fermées.
Le président Keïta, élu en 2013 puis réélu en 2018 pour cinq ans, a annoncé à la télévision publique sa démission dans la nuit de mardi à mercredi, puis la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, a ensuite annoncé la création du CNSP, expliquant que les militaires avaient « décidé de prendre (leurs) responsabilités » face au chaos et à l’insécurité.
Les militaires ont dit vouloir « une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles » dans un « délai raisonnable ».
Ils ont annoncé la fermeture des frontières et l’instauration d’un couvre-feu.
Respect des accords passés
« Tous les accords passés » seront respectés, a affirmé le colonel Wagué.
« La (mission de l’ONU) Minusma, la force (anti-jihadiste française) Barkhane, le G5 Sahel (qui regroupe cinq pays de la région), la force Takuba (un groupement de forces spéciales européennes censées accompagner les Maliens au combat) demeurent nos partenaires », a-t-il assuré, en ajoutant que les militaires étaient « attachés au processus d’Alger », l’accord de paix signé en 2015 entre Bamako et les groupes armés du nord du pays.
Le coup d’Etat prolonge la crise socio-politique à laquelle est confronté le Mali depuis plusieurs mois et que la médiation de la Cédéao n’a pas pu résoudre.
Une coalition hétéroclite d’opposants politiques, de guides religieux et de membres de la société civile a multiplié les manifestations pour réclamer le départ du président Keïta, accusé de mauvaise gestion.
Mercredi soir, ni le M5, ni la figure de proue de la contestation, l’influent imam Mahmoud Dicko, n’avaient encore fait part de leurs intentions après le renversement de leur bête noire.
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