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Les républicains en ont-ils assez de Trump ?

Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

Où en sont les relations entre Donald Trump et le parti républicain ? Le président sortant est assis sur une montagne d’argent qu’il compte bien mettre à profit pour maintenir les élus républicains dans le droit chemin. Mais derrière la façade, les fêlures au sein du parti sont de plus en plus béantes.

Deux événements majeurs ont eu lieu simultanément cette semaine et pourraient sonner le glas de règne de Trump sur le parti républicain: d’un côté des émeutiers pro-Trump ont envahi le Capitole et de l’autre, en Géorgie les républicains ont dû encaisser une défaite historique avec l’élection des démocrates Jon Ossoff et Raphael Warnock.

Ossoff, qui n’a jamais occupé de fonction politique auparavant, renverse l’équilibre au Sénat avec son élection. Pourtant, jusqu’à récemment, la Géorgie votait irrémédiablement républicain. Tous les mandats qui comptent tombaient entre les mains des républicains. Mais en novembre tombe le premier coup de semonce puisque l’État a fini dans l’escarcelle de Joe Biden.

Et ce mercredi, la Géorgie envoie deux sénateurs démocrates à Washington. Une défaite qui peut sans trop de doutes être attribuée au président Trump. En novembre, les candidats républicains au Sénat ont obtenu environ 100 000 voix de plus, ce qui devait être plus que suffisant que pour être élus au second tour. Mais lors des réunions du second tour des élections sénatoriales en Géorgie, Trump s’est concentré sur ses griefs contre l’establishment républicain dans l’État et n’a accordé que peu d’importance aux candidats républicains au Sénat. En insistant sans cesse sur les théories de conspiration entourant les élections présidentielles « volées » et en semant le doute sur les procédures électorales, il a surtout découragé les électeurs républicains. En conséquence, les électeurs démocrates ont été plus nombreux et ont fait pencher la balance de leur côté.

Le principal argument des républicains en faveur de Trump, soit le fait qu’il mobilise les électeurs et parvient ainsi à gagner, s’est donc effondré depuis novembre. Ailleurs aux États-Unis, une petite, mais non négligeable, partie de la population a ainsi encore voté pour d’autres républicains, mais plus pour le président.

Licenciement sur le tarmac

Les républicains, c’est le parti de Donald Trump. Mais il ne l’est pas devenu d’un coup. Lorsque Trump présente sa candidature à la présidence en 2015, il va être ridiculisé par l’establishment du parti. Ils l’ont pris pour un clown inoffensif qui disparaîtrait vite du devant de la scène. Comme on a pu le constater, les choses se sont passées différemment. Depuis qu’il est devenu président, le parti est tellement à la botte de Trump que cela en devient gênant.

Comme le cas de Reince Priebus. C’était l’un des pontes du parti et il sera son premier chef d’état-major. Il va être licencié au bout de six mois d’une manière qui allait se révéler typique pour la présidence : A travers un tweet présidentiel envoyé depuis Air Force One. Priebus va être largué sur une piste d’atterrissage sous une pluie battante.

Reince Priebus avec Trump
Reince Priebus avec Trump© Belga

Un autre cas révélateur est Paul Ryan. Il était le chef des républicains à la Chambre des représentants, et un bon ami de Priebus. Il va parvenir à faire approuver une réduction d’impôts par le Parlement. S’il grince souvent des dents, il ne fera pourtant jamais de commentaires en public. Lorsqu’il finit par quitter son poste, il sera remplacé par Kevin McCarthy, qui ne cachera lui jamais son amour pour Trump.

Le sommet du parti ne mouftera pas plus quand, après les émeutes meurtrières de Charlottesville, Trump va défendre les participants à une manifestation néonazie. Ou lorsqu’il va croire Poutine au mot plutôt que des informations provenant de ses propres services de renseignement.

En réalité Trump dirigeait le parti d’une main de fer. Quiconque ne lui plaisait pas devait soit affronter un candidat adverse, soit être mis plus bas que terre par un Tweet. En revanche, ceux qui le soutenaient aveuglément pouvaient compter sur un soutien sans faille.

Les quelques voix dissonantes venaient uniquement de sénateurs qui étaient au début de leur mandat de six ans et qui n’avaient pas immédiatement à convaincre les électeurs où de ceux qui n’avaient plus d’ambitions politiques comme l’ancien candidat à la présidence Mitt Romney ou le défunt John McCain.

Quelques conservateurs anti-Trumpiens, en particulier des néoconservateurs non élus ont aussi émis des critiques, mais depuis la marge. Certains ont quitté le parti et certains ont même rejoint les démocrates. C’est de ces quelques anti-Trumpiens qu’est né le Lincoln Group. Un groupe qui a lancé des spots anti-Trump à l’approche de l’élection présidentielle et a essayé de convaincre les électeurs républicains traditionnels qu’un vote pour Trump était un vote pour un régime autoritaire.

« Le Roi Lear de Mar-a-Lago »

Depuis les élections présidentielles, il semble qu’une partie des conservateurs ait du mal à soutenir ouvertement le président dans sa démarche de contester les élections. Des plaintes qui ont, rappelons-le- depuis été rejetées par 61 tribunaux.

Un autre signe de grogne est paru Le 27 décembre. Ce jour-là le New York Post a publié une critique enflammée du président. Ce tabloïd est la propriété de la famille de Rupert Murdoch qui soutient pourtant le président depuis des années. Dans cet édito assassin, le quotidien le décrit comme « le roi Lear de Mar-a-Lago », une référence à la résidence officielle du président. « Si vous persistez et utilisez vos derniers jours de présidence pour menacer de tout brûler, on se souviendra de vous non pas comme d’un révolutionnaire, mais comme de l’anarchiste qui tenait l’allumette ».

Dans un autre bastion de la famille Murdoch, Fox News, et bien que les commentateurs pro-Trump dominent toujours les programmes les plus regardés, les critiques se font aussi de moins en moins discrètes. Cette critique de Trump a même entraîné une baisse de l’audience de Fox News. Mais il semble que selon les sondages (d’avant mercredi), ce serait la base même de soutien du président qui s’effrite: depuis l’élection, sa popularité aurait chuté d’environ 7 %, pour atteindre 38 %.

Ailleurs, des commentateurs conservateurs du Washington Post et du New York Times rêvent à voix haute d’une scission du parti républicain où l’on retrouverait d’un côté les populistes de Trump et de l’autre les adeptes d’un « parti vraiment conservateur » dans la lignée de Lincoln. On ne sait pas très bien dans quelle mesure cette utopie est viable. De plus en plus de gens parlent de cette possibilité, mais il n’existe encore rien de concret.

Les conséquences de l’invasion du Capitole

La docilité servile de la plupart des élus républicains a été fortement ébranlée depuis les évènements de cette semaine. Avant même le début de l’invasion, le président s’était déjà heurté à la résistance de son fidèle vice-président Mike Pence et de Mitch McConnell. Pence va refuser, malgré la demande explicite et répétée du président, d’interrompre la procédure d’investiture de Joe Biden et Kamala Harris.

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Mitch McConnell, en réalisant qu’il avait perdu sa majorité au Sénat en partie à cause de Trump, va lui dézinguer Trump dans un discours prononcé au début de la session. « Le résultat de l’élection présidentielle n’est pas exceptionnellement serré », a-t-il fait valoir. « De nombreux juges ont rejeté les objections du président parce qu’aucune preuve n’a été présentée. Rejeter un résultat d’élection basé sur rien de plus que des allégations du camp des perdants » mettra « la démocratie américaine dans une spirale mortelle » précise McConnell.

Après l’invasion du Capitole, un certain nombre de députés républicains qui avaient voulu s’opposer à l’investiture ont également démissionné.

Pour de nombreux membres du parti, l’incapacité du président à critiquer ses partisans va être la goutte de trop. Certains républicains, pour la plupart officieusement, parlent même d’empêcher le président.

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L’ancien ministre de la justice Bill Barr, qui a démissionné fin décembre après avoir déclaré publiquement qu’aucune fraude massive n’avait été observée lors des élections présidentielles, a qualifié le comportement du président mercredi de « trahison de sa fonction et de ses partisans ». « Une foule qui fait pression sur le Congrès ne peut être excusée. »

Certains ministres ont démissionné, peut-être pour éviter de discuter d’une procédure d’impeachment de Trump par le biais du 25e amendement, mais aussi des employés de la Maison Blanche ont également démissionné. Au-delà des politiques, c’est aussi la garde rapprochée qui s’effrite.

Mais la résistance républicaine contre Trump ne doit pas être surestimée pour l’instant. À la Chambre des représentants, une majorité de représentants républicains ont tout de même voté contre la candidature de Biden-Harris, ce qui est tout à fait conforme aux théories de conspiration de Trump. Certains ont également rapidement commencé à suggérer, pour dédouaner Trump et contre toute évidence, que l’occupation du Capitole pourrait être l’oeuvre de l’Antifa de gauche.

Par ailleurs, si Trump n’est peut-être plus en mesure de gagner des élections, il a toujours un grand pouvoir de nuisance. Il peut ainsi demander à ses partisans de ne pas voter pour les membres du parti qui lui sont infidèles. Ainsi le président a annoncé qu’il soutiendrait les candidats des principaux républicains de Géorgie, le gouverneur Brian Kemp et le ministre de l’intérieur Brad Raffensperger. Et, grâce à une collecte de fonds acharnée auprès de ses partisans dans les mois qui ont suivi l’élection présidentielle, il dispose d’une montagne d’argent pour soutenir des candidats bien intentionnés (et pour assurer son salaire et celui de sa famille). La question est de savoir combien de républicains oseront défier les partisans et l’argent de Trump.

Président Ivanka

Que sera l’avenir de Trump et du parti ?

A l’heure actuelle, il est difficile de faire des prédictions sur les événements qui se profilent à l’horizon et encore moins à plus long terme.

Que fera Trump ? Des amis et le biographe Michael D’Antonio (livre : « Never enough ») doutent qu’il fasse lui-même un nouveau mandat. Ils pensent par contre qu’il pourrait annoncer sa candidature pour rendre les autres candidatures plus difficiles. D’Antonio considère qu’une candidature de Donald Trump Jr. ou de sa fille Ivanka est le plus probable, avec le père Trump comme patron de sa propre chaîne de propagande. Ce qui détruirait immédiatement les ambitions présidentielles de collègues de parti comme Ted Cruz.

Trump s’inquiète aussi de son avenir juridique. Il n’est pas certain qu’il puisse s’autogracier pour des crimes fédéraux. Il pourrait démissionner un jour plus tôt et demander à Mike Pence de le gracier. Mais là aussi on ignore si Pence a encore très envie de le faire suite aux évènements récents. D’autant plus qu’une telle grâce ne fonctionne que dans les tribunaux fédéraux, tandis que les procès les plus dangereux contre le président devraient avoir lieu à New York, soit à un niveau étatique. Selon les spécialistes, Trump est également assis sur une colossale montagne de dettes.

Enfin, on peut tout de même prédire une chose sans boule de cristal : Trump restera dans l’actualité encore un certain temps.

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