Les racines multiples de la Turquie
La Turquie est un pays aux racines plurielles, avec une des sociétés civiles les plus vibrionnantes du monde musulman.
Loin d’être un monolithe islamiste tout acquis à la cause du président Erdogan, la Turquie est un pays aux racines plurielles, avec une des sociétés civiles les plus vibrionnantes du monde musulman.
En remontant le fil d’une histoire aussi turque qu’universelle, le Belgo-Turc Bahar Kimyongür retrace dans Percligia (1) une révolte de derviches utopistes qui a réussi à mettre en déroute la redoutable armée du sultan Mehmed Ier dans l’empire ottoman du XVe siècle. L’auteur s’est penché sur trois acteurs de cette insurrection, dont le plus connu s’appelle Beurkludjè Mustafa.
Appelé « Percligia » dans les vieilles encyclopédies françaises, ce paysan de culture chrétienne a milité pour l’avènement d’une religion rassemblant chrétiens, musulmans et juifs. Les deux autres protagonistes sont un juge militaire acquis au soufisme panthéiste, Bedreddin de Simavna, et un mystique d’origine juive, Kemal Torlak.
La révolte fut finalement matée et Percligia crucifié, mais leurs noms sont restés vivaces dans la mémoire collective. En 1936, le poète Nâzim Hikmet a consacré une épopée à cette lutte qui a ensuite été reprise par de grands noms de la chanson turque. Si Bahar Kimyongür, opposant notoire, s’est attelé à cet aride travail de documentation, c’est pour souligner que la laïcité populaire turque s’enracine dans un métissage entre des cultures nomades préislamiques et des civilisations égéennes, anatoliennes, mésopotamiennes, mais aussi pour témoigner de l’ancienneté du combat démocratique en Turquie.
(1) Percligia. Dissidence théologique et révolte sociale dans l’empire ottoman du XVe siècle, par Bahar Kimyongür, Les Indes savantes, 101 p.
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