Les médias luttent pour occuper notre temps disponible © iStock

La lutte des médias pour attirer notre attention

Les médias sont présents partout et tout le temps. En faisant partie de notre quotidien, le monde de l’image habitue notre cerveau à être stimulé de tous les côtés et nous fait perdre notre capacité à fixer notre attention sur un fait en particulier.

Jamais dans l’histoire, nous n’avons eu autant de temps libre. Les médias qui luttent pour occuper notre temps disponible sont en rivalité constante pour obtenir notre attention. À force d’être stimulé dans tous les sens, notre cerveau rencontre de plus en plus de difficultés à attribuer son attention à une tâche particulière.

Le Belge passe en moyenne 4h46 par jour à consommer des contenus vidéo, quel que soit le type d’écran. Quand il ne regarde pas la télévision (28% du temps), il regarde des vidéos sur YouTube (9%), sur les réseaux sociaux (5%) ou regarde des films sur Netflix (7%).

La relation entre télévision et attention prend appui sur un double système attentionnel. En effet, le monde extérieur vient stimuler mécaniquement l’attention en dehors de tout effort conscient et maintient l’attention sur un élément pertinent de l’environnement. Le problème est le suivant: en étant soumis à une information continue, le cerveau apprend à modifier ses focalisations cognitives et ses engagements intellectuels. Il prend donc l’habitude de compter sur des sollicitations pour maintenir son intérêt et devient donc incapable de rester concentré sans une aide extérieure. Selon une étude réalisée par l’équipe de Carl Landhuis à l’Université de Dunedin en Nouvelle-Zélande, chaque heure passée devant le petit écran pour les enfants de 5 à 11 ans augmenterait le risque d’apparition de troubles de l’attention de 50%.

Yves Citton, professeur de littérature et média à l’Université de Paris 8 a écrit un livre intitulé « Pour une écologie de l’attention ». Dans son livre, l’auteur s’interroge sur les effets de la lutte des médias pour attirer notre attention. Il considère que les désirs des individus ne sont pas naturels, mais que ceux-ci sont le résultat de l’environnement qui nous entoure. Selon lui, les gens veulent une chose en particulier parce qu’ils ont été amenés à la trouver intéressante.

Les spécialistes caractérisent le fait de vouloir à tout prix obtenir l’attention d’ « économie de l’attention ». En réponse à cette expression, Yves Citton a écrit le livre « l’écologie de l’attention », qui s’interroge sur la raison et la manière dont notre attention est captée par les différents médias. Pour expliquer le nom de son livre, le professeur fait un parallèle avec le climat. Selon lui, notre modèle économique est rentable à court et moyen terme, mais ne l’est pas à long terme à cause d’externalités comme la pollution et la dégradation de l’écosystème. Il explique que l’écologie est le fait d’inclure les externalités dans la façon dont nous valorisons nos modes de vie. « Parler d’écologie de l’attention, c’est ne pas considérer comme naturels les désirs des individus, mais comme la résultante d’environnements », dit-il.

Lors d’une interview pour 20minutes, Yves Citton explique que l’accès à autant d’information et de divertissement est une bonne chose, mais que le problème vient du modèle dominant de la commercialisation de notre attention. Selon lui, le problème est issu de la manière dont les médias sont financés et de leur logique de vente de l’attention. « Nos vies sont conditionnées par les orientations de nos attentions décidées dans les bourses et à Wall Street », exprime-t-il. Il explique que l’attention est traitée comme une marchandise et que c’est la manière dont elle est abordée qui introduit la pression. Prenons un exemple. Pour diffuser une série, il faut de l’argent. Pour obtenir des gains, il faut générer des revenus grâce à la publicité. Cette vente de publicité fonctionne grâce à l’attention du public, on peut donc grossièrement résumer que l’attention, c’est de l’argent.

Flaubert dit : « pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps ». Nous pensons regarder quelque chose parce qu’elle nous intéresse et que nous l’avons choisie, mais en réalité, nos désirs se créent en fonction de ce à quoi nous portons attention. Dans le monde actuel, les médias constituent nos environnements de valeurs et de cultures, essayant tant bien que mal de conditionner nos envies. C’est pourquoi nous avons chacun la responsabilité individuelle et collective de faire attention à la manière dont nous programmons les environnements qui conditionnent nos attentions, afin de reprendre le contrôle de nos choix.

Auteure: Margaux Glamocic

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire