L’opposant russe Navalny condamné à 9 ans de prison: « Poutine a peur de la vérité »
L’opposant le plus célèbre de Russie, Alexeï Navalny, a été condamné mardi à neuf ans de prison pour « escroquerie » et « outrage à magistrat », ont constaté les journalistes de l’AFP présents à l’audience.
La juge Margarita Kotova a indiqué ajouter à cette peine un an et demi de liberté surveillée et 1,2 million de roubles d’amende, soit environ 10.000 euros au taux du jour, alors que le détracteur du Kremlin est déjà emprisonné depuis plus d’un an.
Le parquet avait requis la semaine passée que la peine de deux ans et demi de détention, qu’Alexeï Navalny purge depuis un peu plus d’un an, soit portée à 13 années d’emprisonnement. Le charismatique militant anticorruption et ancien avocat, âgé de 45 ans, est jugé depuis mi-février derrière les murs de sa colonie pénitentiaire, à 100 km à l’Est de Moscou, dans un tribunal improvisé. Il est apparu mardi à l’audience vêtu de son uniforme de bagnard, le visage amaigri, écoutant l’énoncé du verdict les mains dans les poches, entre deux rires et discussions avec ses avocats, selon une journaliste de l’AFP sur place. La juge Margarita Kotova, sans surprise, l’a reconnu coupable dès le début de la lecture du jugement qui pourrait durer plusieurs heures jusqu’à l’annonce de la peine. « Navalny a commis une escroquerie, soit le vol de biens d’autrui par un groupe organisé », a déclaré Mme Kotova, d’une voix rapide et mécanique. « Navalny a fait preuve d’irrespect au tribunal, en insultant une juge », a-t-elle ajouté, quelques minutes plus tard.
Les avocats de l’opposant russe Navalny interpellés après son procès
Les avocats de l’opposant russe Alexeï Navalny ont été arrêtés mardi devant la colonie pénitentiaire dans laquelle il avait été condamné quelques minutes auparavant à 9 années de prison, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Olga Mikhaïlova et Vadim Kobzev ont été interpellés au motif, semble-t-il, qu’ils gênaient la circulation automobile devant la prison en parlant avec la presse. Le principal opposant du pays, qui purge déjà une peine pour « fraude », avait été reconnu coupable d' »escroquerie » et « outrage à magistrat », autant d’accusations qu’il dénonce comme politiques.
A l’issue du verdict, Alexeï Navalny pourrait être transféré, à la demande du Parquet, dans une prison dite à « régime sévère » bien plus éloignée de Moscou et où les conditions de détention sont beaucoup plus dures. Environ une centaine de journalistes assistent à une retransmission vidéo de l’audience dans une salle de presse aménagée dans la colonie pénitentiaire. Aucun soutien de l’opposant n’était présent, si ce n’est ses deux avocats, en pleine vague d’intimidation contre les voix critiques du Kremlin.
Répression décomplexée
Dans l’affaire jugée mardi, les enquêteurs accusent Alexeï Navalny d’avoir détourné des millions de roubles de dons versés à ses organisations de lutte contre la corruption et d' »outrage au tribunal » au cours d’un précèdent procès. Lui dénonce ces accusations comme fictives et commandées par le Kremlin pour le maintenir en prison le plus longtemps possible. Militant réputé pour ses enquêtes cinglantes sur la corruption et le train de vie des élites en Russie, Alexeï Navalny subit depuis plus de deux ans une répression décomplexée du pouvoir.
Lire aussi: Navalny: l’obsession du pouvoir russe
En août 2020, il était tombé gravement malade en Sibérie, victime d’un empoisonnement à un agent neurotoxique commandité, selon lui, par le président russe en personne. Le Kremlin dément, mais les autorités russes n’ont jamais enquêté sur cette tentative d’assassinat présumée. Dès son retour en Russie en janvier 2021, après cinq mois de convalescence, il a été arrêté puis condamné à deux ans et demi de prison pour une affaire de « fraudes » remontant à 2014 et impliquant l’entreprise française Yves Rocher.
« Poutine a peur de la vérité », dit Navalny après sa condamnation
L’opposant russe Alexeï Navalny a promis mardi de poursuivre sa lutte contre le Kremlin et estimé que Vladimir Poutine avait « peur de la vérité », dans une série de tweets publiés juste après sa condamnation à neuf ans de prison.
« Poutine a peur de la vérité, je l’ai toujours dit. La lutte contre la censure, amener la vérité aux habitants de la Russie, restent notre priorité », a-t-il écrit.
En juin 2021, ses organisations, qui militaient depuis des années dans toute la Russie, sont désignées « extrémistes » et interdites sur le champ, poussant à l’exil de nombreux militants pour éviter des poursuites. D’autres ont été arrêtés et risquent de lourdes peines de prison. Cette répression inlassable, qui s’est accompagnée de l’interdiction des derniers médias et ONG critiques du Kremlin, a suscité un tollé en Occident et des sanctions contre Moscou.
Non au conflit en Ukraine
Même depuis sa colonie pénitentiaire, Alexeï Navalny continue de transmettre des messages fustigeant le pouvoir de Vladimir Poutine. Depuis l’offensive en Ukraine, il s’est fermement prononcé contre les combats. Il n’a cessé d’appeler à manifester contre le conflit malgré les risques encourus, les autorités ayant encore renforcé leur arsenal juridique, avec de lourdes peines de prison à la clé, pour étouffer toute critique de l’armée russe. Malgré tout, plus de 15.000 personnes ont été interpellées en Russie en près d’un mois pour avoir manifesté contre l’offensive, selon l’ONG spécialisée OVD-Info. Parallèlement, le pouvoir a aussi renforcé son emprise sur la diffusion d’informations sur le conflit, en bloquant en Russie l’accès à des dizaines de médias locaux et étrangers. Lundi, la justice russe a par ailleurs interdit les populaires réseaux sociaux américains Instagram et Facebook, accusés, comme Navalny, « d’extrémisme ». Ceux-ci sont déjà bloqués en Russie, tout comme Twitter et TikTok.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici