L’Iran soutient-il vraiment les rebelles Houthis au Yémen ?
L’Iran soutient-il vraiment activement les rebelles Houthis au Yémen comme l’affirment l’Arabie saoudite et les États-Unis, qui accusent Téhéran d’armer ces miliciens ? Le point en quatre questions.
De quoi Ryad et Washington accusent-ils l’Iran ?
Les États-Unis et leur allié saoudien accusent depuis des mois l’Iran d’armer les rebelles Houthis. Ces combattants ont pris le contrôle de Sanaa fin 2014. Depuis mars 2015, l’Arabie saoudite est engagée dans la guerre au Yémen contre les Houthis à la tête d’une coalition arabe. Elle y mène des frappes aériennes avec des avions et des armes « made in USA » et un soutien en renseignement fourni par Washington.
Les Houthis, issus d’une minorité longtemps marginalisée, pratiquent le zaïdisme, branche du chiisme qui se distingue du chiisme duodécimain, religion officielle de l’Iran.
Alors que la coalition militaire arabe dirigée par les Saoudiens apparaît enlisée au Yémen, où l’ONU décrit régulièrement une situation humanitaire catastrophique, Ryad et Washington ont intensifié leurs accusations à l’égard de l’Iran en particulier après deux tirs de missiles par les Houthis en direction de Ryad, le 4 novembre et le 19 décembre. Ces tirs n’ont fait aucune victime. Pour les Américains et les Saoudiens, ces fusées sont fabriquées en Iran et envoyées par Téhéran aux Houthis, avec d’autres armes.
Que répond Téhéran ?
Engagée dans une lutte d’influence régionale avec l’Arabie saoudite, monarchie sunnite, la République islamique d’Iran, répète que les rebelles Houthis « défendent leur pays » contre une agression extérieure et ne cesse de réfuter ces allégations.
Pour Téhéran, les accusations américano-saoudiennes sont des « mensonges », l’Iran n’envoie pas d’armes au Yémen, le voudrait-il que ce serait impossible compte-tenu du blocus imposé par l’Arabie saoudite, et le ferait-il qu’il aurait le « courage de l’annoncer ».
Existe-t-il des preuves incriminant l’Iran ?
Le 14 décembre, parlant devant ce qu’elle a présenté comme les restes du missile tiré par les Houthis début novembre, la représentante permanente des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, a affirmé que celui-ci était « irréfutablement » de conception iranienne mais n’a pas été en mesure de dire à quelle date il aurait été livré par Téhéran aux Houthis.
Nettement plus circonspecte, l’ONU a indiqué mardi ne pas être « en mesure de confirmer » l’origine iranienne des missiles ayant visé l’Arabie saoudite. Des alliés européens de Washington comme la France et le Royaume-Uni observent la même prudence. Et le Pentagone s’est abstenu de montrer l’Iran du doigt après le nouveau tir de missile mardi.
L’ONU a émis à plusieurs reprise des soupçons à l’égard de l’Iran, estimant qu’il pourrait avoir violé l’embargo sur les armes à destination des Houthis décrété par le Conseil de sécurité en 2015. Mais dans leur dernier rapport, publié en janvier 2017, les experts onusiens chargés de surveiller l’application de cet embargo notaient n’avoir pas « vu suffisamment de preuves permettant de confirmer la moindre fourniture directe et à grande échelle d’armes par le gouvernement de la République islamique d’Iran » aux Houthis.
Pour Clément Therme, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS), « le pays d’origine des armes n’est qu’un élément parmi d’autres nécessaire pour connaître avec certitude l’identité du fournisseur », ce qui est « très difficile à ce stade ».
Quelle « politique yéménite » pour l’Iran ?
On peine à trouver trace dans les déclarations officielles iraniennes d’un soutien appuyé au combat des Houthis semblable à celui qu’affiche en toutes circonstances la République islamique en faveur de la cause palestinienne. Quand ils s’expriment sur le Yémen, les dirigeants iraniens mettent l’accent sur les accusations à l’égard de l’Arabie saoudite, qui tue des « musulmans » par ses bombardements « incessants ».
Pour M. Therme, « le Yémen n’est pas une priorité dans la stratégie iranienne au Moyen-Orient », Téhéran s’efforçant davantage « de construire ‘un axe de la résistance’ pour jouer un rôle dans le conflit israélo-palestinien ». En revanche, dit-il, il y a « instrumentalisation, par la propagande iranienne » du conflit yéménite « pour affaiblir un allié des États-Unis, l’Arabie saoudite » et dénoncer l’alliance entre Ryad et Washington.
Dans un rapport sur « la politique étrangère et de défense de l’Iran » publié en septembre, le Congressional Research Service, centre de recherche chargé d’éclairer les choix des élus du Congrès américain, note que « de nombreux observateurs estiment que l’influence de l’Iran sur les Houthis est limitée, que l’insurrection des Houthis n’a pas été provoquée par l’Iran et que le soutien iranien aux Houthis est très modéré ».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici