L’antisémitisme lié à un rejet d’Israël particulièrement marqué en Belgique (enquête)
L’antisémitisme porté par un sentiment de rejet d’Israël est particulièrement marqué en Belgique, ressort-il d’une enquête menée dans 16 pays européens par l’association Action and Protection League (APL) et présentée mardi lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
L’enquête, menée fin 2019 et début 2020 auprès de 16.000 Européens, dont un millier en Belgique, a été réalisée sur base d’une septantaine de questions permettant notamment de mesurer l’antisémitisme primaire, secondaire ou encore lié à Israël.
Concernant la première catégorie, qui regroupe les vieux stéréotypes (« les juifs constituent un réseau secret qui influence le monde »…) et l’aspect affectif (« seriez-vous content ou non d’avoir un voisin juif? »…), les pires résultats ont été enregistrés en Hongrie, en Pologne, en Grèce, en Roumanie et en Slovaquie. Avec 19% d’avis négatifs, la Belgique se situe juste sous la moyenne (20%).
Les résultats sont beaucoup plus homogènes dans la deuxième catégorie, qui recouvre la relativisation de l’Holocauste (« les juifs en parlent trop, en exagèrent les conséquences dans leur intérêt »…), et où la moyenne atteint 39%. Avec 34%, la Belgique se trouve dans un groupe proche de la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
Pour ce qui est de l’hostilité vis-à-vis de l’État hébreu (« j’aime moins les juifs à cause de la politique d’Israël, ils se comportent vis-à-vis des Palestiniens comme les nazis, leur politique justifie un boycott mondial »…), la Belgique figure ici dans le peloton de tête avec 62%, seulement devancée par l’Autriche, la Pologne et la Grèce, et nettement au-dessus de la moyenne (49%).
L’APL est née en 2012 en Hongrie à la suite de l’accession au Parlement d’un parti ouvertement antisémite. Son objectif, via cette première enquête croisée avec des chiffres de violences physiques ou verbales, est d’alimenter une carte du continent donnant un indice de « dangerosité » pour les juifs et de peser sur les législateurs.
« Les résultats sont variés et complexes. Il est donc difficile de tirer des constats généraux par pays », reconnaît le rabbin Shlomo Koves, fondateur de l’APL. « D’autant qu’une quinzaine de pays européens ne recensent toujours pas les actes antisémites. On remarque cependant que dans l’ensemble des pays, les juifs se sentent de moins en moins en sécurité depuis cinq ans », a-t-il déploré.
Régine Suchowolski-Sluszny, présidente du Forum der Joodse Organisaties, n’a elle jamais ressenti de peur en Belgique. « Mais quand j’ouvre mon ordinateur, je vois des choses horribles », ajoute-t-elle.
Concernant Israël, Mme Suchowolski-Sluszny constate une « importation » du conflit qui serait principalement le fait des jeunes. Elle estime que les pouvoirs publics n’ont font pas suffisamment pour protéger les juifs, notamment ceux qui sont plus « visibles » comme à Anvers. Elle regrette le retrait des militaires qui veillaient sur différents lieux, tels que les écoles.
La présidente du Forum craint également de nouvelles évolutions législatives comme l’interdiction de la circoncision, ce qu’elle considèrerait comme une nouvelle attaque contre sa communauté, après la fin de l’abattage rituel.
« Il y a désormais un combat permanent en Europe pour le respect de nos traditions, un manque de soutien des associations de la part des autorités, ce n’est pas normal », juge lui aussi Joël Mergui, président du consistoire de Paris, première communauté juive d’Europe.
Il se félicite cependant qu’il y ait une « reconnaissance publique d’une hausse de l’antisémitisme », bien que celle-ci ne soit survenue qu’après les attentats de Toulouse et Montauban en 2012. « Tant que l’islamisme radical ne s’attaquait qu’aux juifs, on se contentait de dire que c’était une importation du conflit israélo-palestinien. »