Ebrahim Raïssi. © iStock

Iran: la presse conservatrice loue Raïssi, désormais attendu sur ses actes

Le Vif

La presse conservatrice de Téhéran a salué dimanche l’élection à la présidence d’Ebrahim Raïssi, qui va devoir s’atteler à la tâche de relever une économie nationale minée par les sanctions américaines.

Chef de l’Autorité judiciaire, M. Raïssi, ultraconservateur âgé de 60 ans, a été proclamé vainqueur samedi de la présidentielle, avec près de 62% des voix.

Le scrutin qui s’est tenu vendredi a été marqué par une abstention record pour une présidentielle iranienne. La participation a été de 48,8%, selon les résultats officiels, contre 73% il y a quatre ans.

Pour le quotidien conservateur Ressalat, l’élection de M. Raïssi marque rien moins que « l’aube d’une ère nouvelle ».

Hodjatoleslam (rang inférieur à ayatollah dans la hiérarchie du clergé chiite), M. Raïssi faisait figure d’archifavori, faute de concurrence réelle après la disqualification de ses principaux adversaires.

Le gagnant de la présidentielle, qui doit succéder au modéré Hassan Rohani en août, hérite d’un pays en proie à une grave crise économique, conséquence des sanctions imposées par Washington contre l’Iran après la décision de l’ancien président américain, Donald Trump, de dénoncer en 2018 l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 à Vienne.

Mobilisation « épique »

Pour le journal ultraconservateur Javan, le niveau de la participation à la présidentielle est « acceptable et logique ».

La mobilisation a même été « épique », estime Kayhan, autre quotidien ultra, vu les difficultés quotidiennes de la population et la « propagande ennemie », référence à une campagne d’appel au boycottage du scrutin lancée par l’opposition en exil.

Arman-é Melli, journal réformateur, appelle lui M. Raïssi à « gagner la confiance de ces 70% » d’électeurs qui n’ont pas voté pour lui.

Au bazar de Molavi, quartier défavorisé du Sud de Téhéran, on affiche volontiers sa sympathie pour M. Raïssi, qui s’est présenté comme le champion de la lutte contre la corruption et le défenseur des classes populaires.

Mais on ne cache pas non plus qu’on le jugera sur ses résultats.

« Nous espérons qu’il sera capable de réaliser ses promesses, sinon nous ne voterons pas pour lui dans quatre ans », dit à l’AFP Mehdi Rahmati, commerçant âgé de 65 ans.

Mme Achouri, enseignante en retraite accuse « les négociants et les rentiers [de mettre] beaucoup de pression sur la vie » des gens. Si M. Raïssi « peut [leur] couper les mains […] cela améliorera certainement les conditions de vie de la population », dit-elle à l’AFP.

« M. Raïssi a dit qu’il améliorerait la situation […] mais est-ce qu’il pourra lever les sanctions ? » s’interroge Mohammad-Hossein, vendeur de thé de 32 ans.

A l’étranger, le futur président a été félicité par Moscou, le dirigeant syrien Bachar al-Assad, le Qatar et les Emirats arabes unis, ainsi que par le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi.

Il a aussi reçu les encouragements du mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, et du mouvement chiite libanais Hezbollah, deux alliés de Téhéran.

A l’inverse, Washington a regretté que « les Iraniens [aient] été privés de leur droit à choisir leurs propres dirigeants à travers un processus électoral libre et honnête »

Et le Premier ministre israélien, Naftali Bennett, a estimé que M. Raïssi n’avait « pas été choisi par le peuple iranien mais par (l’ayatollah) Khamenei« .

« Signal »

Selon lui, ce « choix » devrait « être un signal pour que les puissances se réveillent […] avant de revenir sur l’accord sur le nucléaire ».

Israël accuse Téhéran de chercher à se doter de l’arme nucléaire en secret, ce que la République islamique a toujours nié.

Bien qu’issu d’un courant politique se caractérisant par l’antiaméricanisme, M. Raïssi a rappelé pendant la campagne que la priorité du pays — conformément à la ligne fixée par M. Khamenei — était d’obtenir la levée des sanctions américaines imposées à l’Iran sous la présidence Trump pour sortir le pays de l’ornière.

Son élection ne devrait donc pas avoir d’effet sur les négociations en cours pour sauver l’accord de Vienne en y réintégrant les Etats-Unis.

La solution passe a priori par un allègement des sanctions américaines en échange du retour de Téhéran à une application stricte de l’accord, la République islamique ayant abandonné en riposte au blocus américain la plupart des garde-fous à ses activités nucléaires controversées qu’elle avait acceptés à Vienne.

Une nouveau cycle de négociations s’est achevé dimanche à Vienne, sur le constat de progrès dans les discussions mais aussi de l’existence d’importants désaccords restants à aplanir.

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