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Hong Kong : les véritables enjeux derrière la crise

Marie Gathon Journaliste Levif.be

À Hong Kong, la situation devient plus violente de jour en jour. Dans la population hongkongaise, des tensions apparaissent et se font ressentir au sein même des familles, alors que la menace d’une intervention de l’armée chinoise n’a jamais été aussi présente.

Il y a six mois, les manifestations pacifistes pour demander plus de démocratie et d’indépendance vis-à-vis de la Chine se sont transformées en affrontements entre la police et la population hongkongaise, principalement les jeunes. Cette crise est profonde et a commencé il y a des décennies, affirme Paul Adams, qui s’est rendu sur place pour la BBC.

Hong Kong est une ancienne colonie britannique. Dans les années 80, alors que la Chine revendique l’île comme faisant partie de son territoire, des discussions sont entamées avec le Royaume-Uni. Le 19 décembre 1984, une déclaration commune sino-britannique sur la question de Hong Kong sera signée par les gouvernements chinois et britanniques. Aux termes de cet accord, Hong Kong cessera d’être une colonie britannique le 1er juillet 1997 et deviendra une Région administrative spéciale (SAR) de la République populaire de Chine, à cause de son économie de marché difficilement assimilable.

Un fossé de génération

Aujourd’hui, les désaccords politiques ont fait imploser certaines familles hongkongaises. Les parents qui ont vécu la fin de la colonie britannique et se sentent chinois sont en désaccord avec leurs enfants qui revendiquent l’indépendance de Hong Kong. Jenny est née à Hong Kong, mais se revendique Chinoise. Pourtant, ses trois fils ont pris part aux protestations en juin dernier. Deux d’entre eux ne lui parlent plus. « Avant les manifestations, avant le mouvement, nous étions une famille très proche […] », confie-t-elle à la BBC. « J’ai le coeur brisé. Je suppose que mes fils comprennent ce que je ressens et j’espère aussi que la crise va bientôt se terminer ».

L’exception hongkongaise

Lorsque le Royaume-Uni a cédé Hong Kong à la Chine, celle-ci a accepté que la vie s’y déroule globalement de la même manière pendant 50 ans (donc jusqu’en 2047). Pour les Hongkongais, cela signifie de garder tous les droits dont ils ont bénéficié sous le gouvernement britannique. Pékin a donc inventé une formule pour désigner cette particularité : « Un pays, deux systèmes ». Mais comment un tel système peut-il perdurer ?

Hong Kong est une grande et impressionnante métropole, mais lorsque l’on prend un peu de recul, elle n’est plus qu’un minuscule point sur une carte, au bord de l’immense territoire chinois.

Deux cultures, deux langues

La pression de la Chine sur l’île est énorme. Chaque jour, 150 Chinois du continent reçoivent l’autorisation de vivre à Hong Kong. Cela représente plus d’un million de nouveaux arrivants depuis 1997.

Les Hongkongais parlent le dialecte cantonnais, alors que les Chinois venus du continent parlent le Mandarin. Ces deux dialectes sont très différents. Résultat, de plus en plus d’écoles à Hong Kong enseignent le Mandarin.

« J’ai l’impression que c’est bénéfique uniquement pour les enfants qui viennent du continent », confie une mère de famille hongkongaise. « Parfois, à l’école je dois même parler aux enseignants en Mandarin. Mais son Mandarin (celui de son fils) n’est pas aussi bon. Donc j’ai l’impression qu’il est coincé au milieu de nulle part », déplore-t-elle.

Lorsque le journaliste de la BBC lui demande ce qu’elle pense des immigrants chinois, elle affirme qu’ils posent parfois des difficultés de comportement, notamment concernant leur gestion des déchets. Les propos envers les continentaux sont aussi parfois xénophobes, selon le journaliste. Les Hongkongais les surnomment « criquet ».

Une pression chinoise grandissante

L’hostilité envers la Chine s’est construite au fil des années dans la métropole. L’immigration et les problèmes de langue ont joué un rôle, mais c’est aussi parce que les Hongkongais ressentent que la Chine essaye de leur imposer sa volonté.

« La Chine essaye d’imposer son impérialisme », affirme Baggio Leung, activiste pro-indépendance. »Qu’on le veuille ou non, nous sommes maintenant sur la frontière entre le monde libre et la plus grande dictature du monde. »

En 2003 déjà, des protestations ont eu lieu contre un projet de loi qui aurait menacé la liberté d’expression. En 2012 encore, d’autres manifestations ont eu lieu lorsque le gouvernement chinois a essayé de changer le programme scolaire. En 2014, les Hongkongais sont retournés dans la rue pour s’opposer à l’influence de la Chine sur les élections. En 2019, c’est une loi qui aurait permis d’extrader les criminels vers le continent qui a poussé les Hongkongais à se rassembler à nouveau.

Un sentiment d’identité renforcé

Selon la BBC, ces vingt années de conflits permanents avec la Chine ont changé l’identité de Hong Kong. Depuis un moment, de plus en plus de personnes se sentaient Chinoises. Mais depuis dix ans, la tendance s’est inversée, surtout chez les jeunes.

Des jeunes qui descendent dans les rues et semblent n’avoir rien à perdre. Mis face à la brutalité excessive de la police, ils sont de plus en plus enclins à utiliser la violence. « Protéger notre culture est le plus important pour nous », affirme une jeune protestataire, même s’il est conscient que ces manifestations portent préjudice à l’île et à son économie. « C’est un peu la route de la mort, dit-il, mais il faut bien mourir pour pouvoir renaitre, non ? »

Ces étudiants auront la cinquantaine lorsque l’accord sino-britannique prendra fin en 1947. Ils pensent probablement à leurs propres enfants, seront-ils aussi sur les barricades ou la Chine aura-t-elle gagné cette bataille inégale pour conquérir l’âme et le coeur de Hong Kong ?

Quoiqu’il advienne, au milieu de cette crise, un profond sentiment d’identité hongkongais est en train de se forger et cela va sans doute poser des problèmes à la Chine dans les années à venir.

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