Guerre en Ukraine : l’Occident de plus en plus déterminé contre Moscou
De plus en plus désinhibé dans son soutien à l’Ukraine, l’Occident affiche clairement depuis cette semaine son souhait de voir Moscou mordre la poussière, semblant assumer le risque d’escalade et de dérapage vers la guerre.
« Nous voulons voir la Russie affaiblie à un degré tel qu’elle ne puisse pas faire le même genre de choses que l’invasion de l’Ukraine » a déclaré lundi le chef du Pentagone Lloyd Austin. On ne peut pas faire plus clair. Washington a ensuite réuni mardi une quarantaine de pays, dont toute l’Otan, à Ramstein en Allemagne pour organiser un soutien de grande ampleur à l’Ukraine.
Mercredi, c’est la cheffe de la diplomatie britannique Liz Truss qui a appelé à « redoubler » le « soutien », en donnant « armes lourdes, chars, avions », et souhaitant « pousser la Russie hors de toute l’Ukraine », donc y compris de la Crimée annexée depuis 2014.
« Unité dans la fermeté »
« L’unité dans la fermeté prévaut desormais », analyse pour l’AFP Jean-Sylvestre Mongrenier, de l’institut franco-belge Thomas More. « Les Etats-Unis prennent ainsi la direction d’une nouvelle coalition, où comme à chaque fois ils fournissent 70% des moyens », estime sur twitter l’analyste et ancien militaire Michel Goya. Non pas en militaires sur le terrain comme en Aghanistan ou en Irak, mais en moyens militaires. « Avec la guerre ouverte comme seule limite », souligne M. Goya.
Les Occidentaux ont basculé dans « un second temps de la guerre », analyse Florent Parmentier, enseignant à Sciences-Po à Paris. « Il y a une forme de changement, on parle de plus en plus d’encourager l’Ukraine sur le chemin de la victoire » maintenant que Kiev a prouvé sa capacité à résister jusque là, dit-il à l’AFP. « Les Occidentaux s’inscrivent dans la perspective d’une guerre qui va durer », estime pour l’AFP Marie Dumoulin, ancienne diplomate et directrice du programme Europe élargie à l’European Council for Foreign Relations (ECFR), qui voit elle une « continuité » dans l’action des Occidentaux.
Pour M. Mongrenier, le changement vient aussi d’une évolution dans l’appréhension des motivations russes. L’Europe « semble avoir compris que l’avenir du continent (…) se jouera dans le bassin du Don » pour contrer le projet géopolitique russe de « négocier un nouveau Yalta » lui restituant « les Etats post-soviétiques ».
Face à ce changement de rythme, la Russie répond sur le terrain militaire, en frappant des voies de communication, des entrepôts, pour limiter l’efficacité du soutien occidental, mais aussi sur le terrain sémantique. Risque de « 3e guerre mondiale » pour le ministre des Affaires étrangères Sergei Lavrov, menace de riposte « rapide et foudroyante » en cas d’ingérence de la part de Vladimir Poutine, ou encore commentaire du Kremlin estimant que les livraisons d’armes « menacent la sécurité » européenne. La Russie « considère tout simplement qu’à partir du moment où il y a des livraisons d’armes de plus en plus importantes, la différence entre les belligérants et la non intervention deviendra de plus en plus fine », estime M. Parmentier.
« Franchise » russe
« Si demain la Russie considère que l’Otan est cobelligérant, ou qu’un des pays en fait beaucoup en matière de livraison d’armes, il ne serait pas surprenant de voir des frappes militaires de plus en plus près des frontières de manière à faire passer ce message, il faut reconnaître aux dirigeants russes une certaine forme de franchise », selon lui. D’ailleurs, les frappes russes sur le pont de l’estuaire du Dniestr, et par lequel transitait de l’aide en provenance de Roumanie, s’inscrit dans ce cadre.
Pour M. Mongrenier, il ne faut pas « inverser les responsabilités » d’un éventuel embrasement, car c’est la Russie de Vladimir Poutine « engagée dans une +marche à rebours+, pour appliquer sur le terrain ses fantasmagories géopolitiques, qui a relancé la guerre contre l’Ukraine, sur une plus vaste échelle encore, et qui menace de fait tous les équilibres en Europe ».
Dans un tel cadre, « il faut se demander » si des déclarations comme celles de M. Austin, « c’est contribuer à une désescalade ou c’est nourrir les plus véhéments du côté de Moscou. C’est là qu’il y a un jeu subtil d’équilibre », pour M. Parmentier. Les déclarations russes relèvent « de l’intimidation à laquelle il ne faut pas céder », a estimé jeudi le ministre français des Affaires Jean-Yves Le Drian, répétant que la France n’est « pas en guerre contre la Russie ».
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