Fusillade dans le Thalys: qui est Ayoub El Khazzani ?
L’auteur de l’attaque déjouée du Thalys, un jeune ressortissant marocain établi depuis peu en Belgique et qui serait passé par la Syrie, avait été repéré par les radars de plusieurs services antiterroristes européens, sans être pour autant surveillé.
Ayoub El Khazzani, qui aura 26 ans le 3 septembre, a été signalé par les autorités espagnoles aux services de renseignement français en février 2014 du fait de son appartenance à la mouvance islamiste radicale.
C’est ce signalement qui a conduit la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à émettre une fiche « S » à son encontre « afin de pouvoir le repérer dans le cas de son éventuelle venue sur le territoire national », a relaté le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Cet homme, dont les enquêteurs cherchent à retracer le parcours, « a résidé en 2014 en Espagne puis en 2015 en Belgique ».
« Ce monsieur vivait en Belgique, est monté dans un train en Belgique avec des armes sans doute acquises en Belgique. Et il avait des papiers délivrés en Espagne », a résumé une source proche du dossier. Avec sa carte de séjour, le jeune homme pouvait ainsi « se déplacer librement dans l’espace Schengen ». Lors de ses différents déplacements, il avait attiré l’attention de plusieurs services de renseignement. L’Espagne d’abord, qui l’avait repéré pour « des discours durs légitimant le jihad dans des mosquées d’Algésiras », ville du sud de l’Espagne, dans la région de Gibraltar, en face du Maroc. Il était également connu pour « trafic de drogues ». Selon une source de l’antiterrorisme espagnol à l’AFP, le suspect avait vécu « sept ans en Espagne, d’abord à Madrid et ensuite à Algesiras, entre 2007 et mars 2014 avant de déménager en France ».
‘Pas très très fort’
« Une fois en France, il s’est déplacé en Syrie, avant de rentrer en France », a-t-elle précisé, sans que l’on sache la durée de ce séjour. Début 2014, Madrid prévient le renseignement français d’une éventuelle arrivée de El-Khazzani sur le territoire, mais l’homme n’est pas localisé. Les Français « n’entendent plus parler de rien jusqu’au 10 mai », selon une source proche du dossier. Ce jour-là, ils apprennent par leurs homologues allemands qu’il est sur le point de quitter Berlin pour s’envoler vers Istanbul, selon une source du renseignement français à l’AFP. Les autorités espagnoles indiquent alors peu après aux services français que cet homme est désormais installé en Belgique où il était « connu par nos services » selon le ministre de la Justice Koen Geens. « Il n’y avait pas d’élément matériel ou concret permettant de le localiser, de savoir à quel moment précisément il aurait peut-être résidé en Belgique. Il semblerait que c’était quelqu’un qui manifestement voyageait à l’intérieur de l’Europe », a déclaré samedi Charles Michel.
L’homme « petit, mince, pas très très fort », selon le portrait dressé par le Britannique Chris Norman, un des passagers ayant contribué à le neutraliser, a été arrêté vendredi en gare d’Arras (Pas de Calais), torse nu, en possession d’un impressionnant arsenal. Outre un fusil d’assaut kalachnikov et 9 chargeurs garnis, il était muni d’un pistolet automatique Luger, d’un chargeur 9 mm et d’un cutter.
Neuf chargeurs
Vendredi, l’homme est monté dans le Thalys 9364 à Bruxelles. Armé d’un fusil d’assaut kalachnikov avec neuf chargeurs, d’un pistolet automatique Luger et d’un cutter, il a ouvert le feu à 17h50, peu après le passage de la frontière française.
Un premier voyageur français, âgé de 28 ans et employé dans une banque aux Pays-Bas, a tenté de le désarmer alors qu’il sortait des toilettes. Le suspect a réussi à lui échapper et plusieurs coups de feu ont été tirés, une balle atteignant un passager, de nationalité franco-américaine. Trois jeunes Américains, Alek Skarlatos, Spencer Stone et Anthony Sadler (respectivement 22, 23 et 23 ans) aidés d’un sexagénaire britannique, Chris Norman, sont parvenus à neutraliser le suspect. « On a entendu un coup de feu et du verre brisé. J’ai vu un type avec une AK (kalachnikov), » a raconté Alek Skarlatos, membre de la Garde nationale de l’Oregon. « Mon ami (Spencer Stone, autre militaire américain) et moi on s’est baiss et puis on s’est dit +on y va+ (…) On l’a frappé à la tête jusqu’à ce qu’il perde connaissance ».
Dans la bagarre, M. Stone a été blessé au cutter au cou et à la main par l’agresseur, qui n’a pas fait usage de sa kalachnikov, vraisemblablement enrayée. Sorti de l’hôpital samedi, il a été entendu, ainsi que ses deux amis au commissariat d’Arras. Chris Norman, le passager britannique, commençait samedi à se rendre compte de ce à quoi ils avaient tous échappé. Après une nuit blanche, « maintenant, je veux juste rentrer à la maison », a-t-il raconté.
Avant de retrouver l’anonymat, les héros du Thalys seront reçus lundi matin à l’Elysée. François Hollande a « remercié chaleureusement » Barack Obama pour « la conduite exemplaire » des passagers américains qui ont neutralisé l’assaillant et le président américain a tenu à appeler ses trois compatriotes pour les féliciter.
Enfermés dans la motrice
Autre passager du train, l’acteur Jean-Hugues Anglade, légèrement blessé en actionnant le signal d’alarme, a accusé les agents du Thalys de s’être enfermés dans la voiture motrice puis d’avoir refusé d’ouvrir aux passagers. Thalys a en réponse apporté son soutien à l’agent mis en cause, et le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, va rencontrer l’acteur.
Deux enquêtes sont menées : l’une par le parquet antiterroriste de Paris, dont la compétence est nationale, et l’autre par le parquet fédéral belge. La Belgique a renforcé la sécurité dans les gares et les trains et la SNCF a décidé pour sa part mettre en place « un numéro national de signalement des situations anormales ».
Cette nouvelle attaque survient huit mois après les sanglants attentats de janvier contre le journal satirique Charlie Hebdo et un supermarché cacher de Paris. Depuis lors, plusieurs tentatives d’attentats jihadistes ont été déjouées en France.
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