En pleine crise avec l’Europe, Londres conclut un accord post-Brexit avec Tokyo
Le Royaume-Uni a arraché vendredi auprès du Japon son premier accord commercial « majeur » depuis le Brexit, à l’issue d’une semaine d’intenses frictions avec l’Union européenne qui fait craindre un échec des tractations avec le bloc des 27, à haut risque pour l’économie.
Londres s’est félicité de ce « moment historique » au moment où ses relations avec Bruxelles sont au plus mal, plombées par des divergences chroniques sur les modalités de leur future coopération et surtout la volonté britannique de revenir sur l’accord de divorce, en violation assumée du droit international.
L’accord de libre-échange avec le Japon constitue le premier accord majeur obtenu par le Royaume-Uni comme « nation indépendante sur le plan commercial », a souligné le ministère britannique du Commerce international.
Le compromis, qui fait l’objet d’un « accord de principe », doit augmenter les échanges commerciaux avec le Japon d’environ 15,2 milliards de livres.
« Nous avons repris le contrôle de notre politique commerciale et nous continuerons à prospérer comme nation commerçante en dehors de l’UE », s’est réjoui le Premier ministre britannique, le conservateur Boris Johnson, sur Twitter.
« Négociations vraiment difficiles »
Censé entrer en vigueur le 1er janvier, le texte permettra aux entreprises britanniques d’échapper aux droits de douane sur 99% de leurs exportations vers le Japon. Il bénéficiera notamment à l’industrie, aux secteurs agroalimentaire et technologique.
Il « va bien plus loin que l’accord existant avec l’UE », a souligné la ministre britannique du Commerce international, Liz Truss.
L’accord entre l’UE et le Japon, le plus large accord commercial bilatéral jamais conclu, est entré en vigueur en 2019 et s’applique également pour le moment au Royaume-Uni, qui reste soumis aux règles européennes durant une période de transition courant jusqu’à fin décembre.
« C’étaient des négociations vraiment difficiles, mais nous sommes parvenus à un accord de principe en trois mois environ, un rythme inhabituellement rapide », a souligné le chef de la diplomatie japonaise Toshimitsu Motegi, disant avoir « amélioré » l’accès de son pays « au marché britannique pour les wagons et certaines pièces automobiles ».
La CBI, la principale organisation patronale, a estimé que « l’accord avec le Japon peut être le premier d’une longue série ».
Sorti de l’Union européenne le 31 janvier, trois ans et demi après le référendum actant la fin d’un mariage houleux de près d’un demi-siècle, le Royaume-Uni veut devenir le champion du libre-échange, avec des accords couvrant 80% de son commerce extérieur d’ici à 2022. Il cherche à remplacer ceux passés entre l’UE et d’autres pays dans le monde.
Il s’est déjà entendu avec la Corée du Sud, le Chili, la Suisse, l’Islande ou la Norvège pour maintenir après le Brexit les conditions régissant les échanges avec ces pays.
Il ambitionne de signer avant la fin de l’année un accord avec les Etats-Unis, mais surtout avec le bloc européen, qui pèse près de la moitié de son commerce extérieur.
Profondes divergences
Mais la défiance est à son paroxysme avec les 27, Londres ayant refusé jeudi l’ultimatum des Européens de revenir avant fin septembre sur son intention de faire adopter un projet de loi contredisant en partie l’accord encadrant la sortie de l’UE.
Le gouvernement compte lancer l’adoption du texte controversé dès la semaine prochaine, mais il devra affronter la rébellion d’une partie de son propre camp, qui s’inquiète d’un coup porté à la crédibilité britannique sur la scène internationale.
Cette discorde a envenimé une nouvelle semaine de négociations contre-la-montre sur leur relation future qui s’est soldée par un constat d’échec jeudi, chacun se rejetant la responsabilité de l’absence de progrès.
« En plus de 30 ans de diplomatie, je n’ai jamais expérimenté une négociation se détériorant aussi rapidement, de manière intentionnelle et profonde », a commenté sur Twitter l’ambassadeur d’Allemagne au Royaume-Uni, Andreas Michaelis.
Les anciens partenaires se disent toutefois « déterminés » à aboutir à un accord de libre-échange évitant quotas et droits de douanes, et les discussions doivent reprendre la semaine prochaine à Bruxelles.
A défaut de compromis au 1er janvier, les règles plus désavantageuses de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec des droits de douanes élevés, s’appliqueront. Une telle rupture dans leurs échanges risque d’affaiblir une économie déjà en proie à une crise historique en raison de la crise sanitaire.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici