En Inde, le mystère de la faible mortalité du coronavirus
L’Inde, avec son 1,3 milliard d’habitants, a franchi dimanche le seuil des sept millions de cas de contamination au coronavirus, deuxième pays au monde en nombre de cas derrière les Etats-Unis, mais compte pourtant moins de morts que d’autres pays très touchés.
Ces données étonnent les experts et l’AFP a examiné certaines des questions et hypothèses qu’elles soulèvent.
Quels sont les chiffres?
L’Inde a enregistré 7,05 millions de cas et 108.334 morts de la maladie Covid-19 depuis le premier décès enregistré mi-mars.
Deuxième pays le plus peuplé au monde, elle compte le plus faible nombre de morts pour 100 cas confirmés (ratio de létalité apparent) au sein des 20 pays les plus touchés, avec 1,5%, selon les données de l’Université Johns Hopkins.
Les Etats-Unis, deuxième pays en nombre de contaminations dans le monde, enregistrent un ratio de létalité apparent de 2,8%.
En termes de mortalité par rapport à la population, le nombre de morts du coronavirus en Inde pour 100.000 personnes s’établit à 7,73 comparé à 64,74 aux Etats-Unis.
Une population plus jeune
L’Inde a une population jeune, avec un âge médian de 28,4, selon le rapport de l’ONU sur la population mondiale.
Par comparaison, l’âge médian en France est de 42,3 et ce pays a rapporté près de 700.000 cas et plus de 32.000 décès avec un ratio de létalité apparent de 4,7%.
Les experts estiment que les personnes plus âgées, également plus susceptibles d’avoir des facteurs de comorbidité comme le diabète ou l’hypertension, sont plus exposées à mourir de la maladie infectieuse.
Démarrage tardif, confinement strict
Selon le gouvernement indien, le premier cas a été détecté dans le pays le 30 janvier et le nombre de cas a franchi mi-mars la barre des 100.
Au même moment, la pandémie se répandait déjà dans toute l’Europe, avec plus de 24.000 cas et quelque 2.000 décès en Italie, environ 5.500 cas et 150 décès en France.
Le Premier ministre Narendra Modi a décrété à partir du 25 mars un confinement national qui a fortement limité les déplacements. L’Inde a ainsi eu le temps, selon des experts, de se préparer à l’arrivée de la pandémie et les médecins de tirer les leçons d’expériences d’autres pays.
« Beaucoup des protocoles de soins étaient bien mieux stabilisés (à ce moment-là) qu’il s’agisse de l’utilisation d’oxygène ou de celle des soins intensifs », explique à l’AFP Anand Krishnan, professeur à l’All India Institute of Medical Sciences (AIIMS) de Delhi.
Immunité naturelle
Le virologue T. Jacob John et d’autres experts ont dit à l’AFP qu’il est possible que des maladies infectieuses antérieures comme la dengue, endémique en Inde, aient donné à la population un certain niveau d’anticorps pour se protéger du coronavirus.
D’autres jugent également plausible que l’exposition à d’autres coronavirus moins virulents ait donné à la population une certaine immunité croisée.
Mais tous les experts estiment nécessaires de plus amples recherches sur la question.
Sous-évaluation
Tous les décès et toutes les causes des décès ne sont pas habituellement décomptés en Inde. Un problème, particulièrement en zones rurales où vit 70% de la population. Beaucoup de décès dans ces zones ne sont pas enregistrés sauf s’il y a eu hospitalisation.
Durant la pandémie, ce phénomène s’est accentué : dans plusieurs villes, les bilans fournis par les municipalités et ceux des cimetières et crématoriums ne correspondent pas. Des critiques accusent certains Etats d’avoir délibérément incriminé d’autres maladies pour des décès du Covid-19.
« Notre système insuffisant de surveillance des décès (…) oublie déjà de nombreux décès au départ. Un sur cinq décès seulement est enregistré avec une cause déterminée », dit à l’AFP Hemant Shewade, expert en santé publique à Bangalore. Il estime probable que de nombreux décès liés au Covid-19 n’aient pas été enregistrés.
Des études gouvernementales utilisant des tests sérologiques montrent que le nombre de personnes infectées est dix fois supérieur aux chiffres officiels ce qui signifie que les morts de la maladie pourraient avoir été sous-déclarés, ajoute-t-il.
Plus de précision
Une plus grande précision des bilans est possible en augmentant les tests, en enregistrant mieux les décès et les autopsies de victimes présumées, selon les experts.
Suivre la sur-mortalité –le nombre de décès par rapport aux chiffres « normaux »– ainsi que les décès à domicile pourrait également être utile, pense M. Shewade.
A Bombay, ville indienne la plus frappée par la pandémie, la municipalité a ainsi découvert qu’en mars-juillet le nombre de décès a dépassé de 13.000 celui de la même période l’an dernier, soit deux fois le nombre officiel de décès liés au coronavirus sur la période, selon le quotidien The Indian Express.
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