Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer © AFP

Écriture inclusive: la France interdit, la Belgique encourage

L’écriture inclusive a été proscrite hier en France par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Relançant un débat complexe entre les militants féministes et l’Etat français. Qu’en est-il en Belgique?

Ne plus dire « Les Droits de l’Homme » mais les « Droits Humains », ne dites plus les « enseignants » mais les « enseignant.e.s »: assurer une représentation égale entre les femmes et les hommes dans la langue française, c’est ce que propose l’écriture inclusive, via l’utilisation des attentions graphiques et syntaxiques. Réformer la langue française en ce sens est loin de faire l’unanimité : pour ses détracteurs, l’écriture inclusive serait trop compliquée, pour ses défenseurs, cela serait une manière de rétablir l’égalité entre les genres.

En France, Jean Michel Blanquer a interdit l’écriture inclusive dans l’Éducation nationale, via une circulaire publiée 6 mai au Bulletin Officiel. Le ministre de l’Education nationale affirme que cette forme d’écriture serait « nuisible à la pratique et à l’intelligibilité de la langue française« . Les débats ont commencé en 2017 en France, après la publication d’un manuel scolaire qui utilisait l’écriture inclusive, reprenant un ensemble de recommandations pédagogiques, ce qui apparaît comme une forme de militantisme féministe en France. Jean-Michel Blanquer répond « Notre langue est un trésor précieux que nous avons vocation à faire partager à tous nos élèves, dans sa beauté et sa fluidité, sans querelle et sans instrumentalisation« . Cette écriture se traduit par la fragmentation des mots et des accords, utilisant, entre autres, le point médian pour caractériser les formes masculines et féminines d’un mot. Dans le circulaire de l’Éducation nationale, le ministre insiste, « une telle écriture constitue un obstacle pour l’accès à la langue d’enfants confrontés à certains handicap ou troubles des apprentissage « . L’Académie française, tout aussi opposée à cette réforme que le gouvernement, affirme que la France se montre plus réfractaire aux modifications de la langue de Molière.

Les encouragements belges

La Belgique a toujours été plus « progresiste »en matière de l’usage de français. Et l’on encourage plutôt la pratique de cette écriture inclusive. Un décret impose aux autorités publiques francophones de féminiser les textes officiels depuis 1993. L’égalité des genres est encouragée par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a rédigé, en 2014, un guide d’écriture inclusive. La ville de Namur, a voulu montrer l’exemple aussi, en 2019, en appliquant l’écriture inclusive dans tous les documents émis par l’administration, et ce sur recommandation proposée par le réseau OPALE (Organisme francophones de politique et d’aménagement linguistique, regroupant plusieurs pays francophones dont la Fédération Wallonie-Bruxelles fait partie).

Bref, le débat semble plus avancé en Belgique, bien qu’il n’y ait pas de circulaire ministeriel se prononçant sur la pratique de l’écriture inclusive dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans l’enseignement supérieur, la liberté académique est de mise: l’Université de Louvain entre autres, a publié un rappel rapide sur l’utilisation de l’écriture inclusive au sein de l’administration et du corps enseignant, rédigé par Michel Francard, professeur émérite de la Faculté de philosophie, arts et lettres de l’UCL et éminent linguiste.

Ce dernier souligne que l’écriture inclusive » se démarque d’une tradition grammaticale « sexiste », à remettre en question dans une société qui refuse de minoriser les femmes. Il y a là un choix idéologique qui ne peut être confondu avec des prescriptions grammaticales. »Selon Francart, le contexte français, est bien différent de celui de la Belgique: « En tant que linguiste, je constate que l’écriture inclusive – qui est loin de se réduire au point médian – fait partie de l’usage contemporain des francophones, même si ce sujet suscite de nombreuses polémiques. Peser sur cet usage en interdisant telle ou telle pratique révèle une vision de la langue qui se régenterait par décret, fantasme contredit par ce que nous savons de l’histoire du français et d’autres langues« .

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