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Coronavirus aux États-Unis : pourquoi y a-t-il si peu de morts alors que le nombre de cas flambe ?

Marie Gathon Journaliste Levif.be

Le nombre de cas de coronavirus aux États-Unis est en augmentation depuis plusieurs semaines alors que le nombre de décès semble avoir atteint un palier. Comment expliquer un taux de mortalité si bas outre-Atlantique ?

Lors des dernières 24 heures, les États-Unis ont enregistré près de 60.000 nouveaux cas de coronavirus, selon les chiffres officiels. Le nombre total de cas recensés dans le pays depuis le début de la pandémie dépasse désormais 3,36 millions.

Plusieurs États américains, dont l’Arizona et la Floride, comptent actuellement plus de cas confirmés par habitant que tout autre pays du monde.

Le Covid-19 a, par ailleurs, fait aux États-Unis 411 nouvelles victimes en 24 heures, portant le bilan total à 135.582 décès. La moyenne hebdomadaire a largement plafonné au cours des deux dernières semaines. En effet, le nombre moyen de décès quotidiens est en baisse de 75 % par rapport au pic atteint en avril.

Cet écart entre le nombre de cas et le nombre de décès, Donal Trump s’en sert pour ne pas agir contre l’épidémie. « 99 % des cas [COVID-19] sont totalement inoffensifs », a-t-il récemment déclaré. Dans le brouillard de la pandémie, chaque statistique raconte une histoire différente, mais aucune ne dit toute la vérité.

Voici cinq explications possibles à l’écart entre les cas et les décès. Selon The Atlantic, il s’agit de théories complémentaires, plutôt que concurrentes.

1. Le décompte des morts arrive avec du retard

On sait que l’on ne meurt pas du Covid-19 de manière rapide et qu’il faut un certain laps de temps entre l’infection, l’incubation du virus et l’arrivée des premiers symptômes. Il est donc logique d’observer un certain décalage entre l’augmentation du nombre de cas et l’augmentation du nombre de décès.

De plus, il peut également y avoir un décalage entre la date de décès d’une personne et la date de délivrance du certificat de décès, ainsi qu’un autre délai avant que celui-ci ne soit signalé à l’État et au gouvernement fédéral. La déclaration officielle d’un décès COVID-19 peut accuser un retard allant jusqu’à un mois par rapport à l’exposition au Covid-19. Cela suggère que la hausse des décès est imminente aux États-Unis, selon The Atlantic.

En Arizona, en Floride et au Texas, la hausse des décès est d’ailleurs déjà en train de se produire. Depuis le 7 juin, la moyenne des décès sur sept jours dans ces États chauds a augmenté de 69 %.

Ce décalage est probablement la chose la plus importante à comprendre pour évaluer l’écart entre les cas et les décès. Mais il n’explique pas tout.

En Floride.
En Floride.© Belga

2. Les tests élargis permettent de trouver plus de cas, des cas moins graves et des cas plus précoces

Le président Donal Trump parle souvent des dépistages de manière simpliste. Selon lui, les cas augmentent uniquement parce que le nombre de tests est en hausse. Ce n’est pas correct. Depuis début juin, la part des tests Covid-19 qui sont revenus positifs est passée de 4,5 % à 8 %. Les hospitalisations montent en flèche dans le Sud et l’Ouest. Ce sont là les signes clairs d’une épidémie sous-jacente.

L’augmentation du nombre de tests pratiqués peut également brouiller l’interprétation des résultats dans un premier temps. En mars et avril, comme en Europe, les tests étaient rares aux États-Unis, et les prestataires médicaux s’en sont servi uniquement pour les personnes très malades. Maintenant que les tests se sont étendus à toutes les communautés, les résultats peuvent faire apparaître des cas moins graves, voire asymptomatiques.

Le but des tests est de trouver des cas, de retracer les contacts proches des patients et d’isoler les malades. Mais notre capacité de test supérieure rend difficile la comparaison entre le moment où on testait peu et aujourd’hui où les tests se font massivement.

Selon l’épidémiologiste Ellie Murray, la détection plus rapide du Covid-19 chez les patients peut également faire augmenter le délai entre le diagnostic et le décès du patient.

3. Le patient typique du COVID-19 est de plus en plus jeune

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Une autre variable à prendre en compte également est le rajeunissement des malades. En Floride, l’âge médian des nouveaux cas de Covid-19 est passé de 65 ans en mars à 35 ans en juin. En Arizona, au Texas et en Californie, ce sont les jeunes adultes malades qui sont à l’origine de cette augmentation.

Cela expliquerait en partie la baisse du nombre de décès. Les jeunes sont beaucoup moins susceptibles de mourir de cette maladie, même s’ils sont confrontés à d’autres risques sanitaires. Les données internationales de la Corée du Sud, de l’Espagne, de la Chine et de l’Italie suggèrent que le taux de létalité de la Covid-19 chez les personnes de plus de 70 ans est plus de 100 fois supérieur à celui des personnes de moins de 40 ans.

Le changement de génération semble réel, mais il est difficile de dire ce qui se cache derrière. Les Américains plus âgés sont peut-être plus prudents et évitent les espaces intérieurs bondés. Peut-être aussi les jeunes qui s’entassent dans les bars expliquent la flambée de cas. Ou peut-être que les gouvernements des États qui se sont empressés de relancer l’économie ont poussé les jeunes dans des environnements de travail qui les ont rendus malades. « Les gens qui travaillent dans les services et le commerce de détail sont généralement jeunes et ne peuvent pas travailler à distance », explique Natalie Dean, professeur adjointe à l’université de Floride.

Quelle qu’en soit la cause, interpréter cette augmentation chez les jeunes comme une bonne nouvelle serait une erreur. Les jeunes infectés par le COVID-19 représentent un réel danger pour leurs proches et leur communauté.

« Nous voyons des personnes dans la vingtaine et la trentaine dans nos unités de soins intensifs qui ont le souffle coupé parce qu’elles sont infectées par le Covid-19 », a déclaré James McDeavitt, le doyen des affaires cliniques du Baylor College of Medicine, au Wall Street Journal. Les jeunes qui se sentent bien peuvent aussi avoir des séquelles à long terme, en particulier au niveau des poumons. Ils peuvent transmettre la maladie à des personnes plus vulnérables, qui se trouvent à l’hôpital. Une augmentation des cas chez les jeunes pourrait facilement se traduire par une hausse encore plus importante dans quelques semaines. Et l’ampleur même de la vague de jeunes pourrait contraindre des entreprises à fermer leurs portes, jetant des millions de personnes supplémentaires dans la précarité.

4. Les patients hospitalisés meurent moins souvent, même sans traitement à domicile

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Un chiffre mérite également une analyse : celui de l’écart entre le nombre d’hospitalisations et de décès. Les hospitalisations et les décès ont évolué en même temps avant juin. Après juin, ils ont divergé. Les hospitalisations nationales sont en hausse, mais pas les décès.

Les données sur les hospitalisations et les décès ne sont pas assez bonnes ou opportunes pour être définitives, selon The Atlantic. Mais les chiffres suggèrent quand même une bonne nouvelle : les patients hospitalisés meurent moins.

Une étude menée dans un hôpital de Milan a révélé que de mars à mai, le taux de mortalité de ses patients Covid-19 a diminué de 24 % à 2 % – « sans changement significatif de l’âge des patients ». Les hôpitaux britanniques ont constaté que leur taux de mortalité hospitalière a diminué chaque mois depuis avril.

Que se passe-t-il donc ?

Au début de l’année, le Covid-19 était un virus inconnu et les médecins ne savaient pas à quoi s’attendre. Les professionnels de la santé ont d’abord été choqués par le fait que ce qu’ils supposaient être une maladie respiratoire provoquait des caillots sanguins, des thromboses microvasculaires et des lésions d’organes. Mais des millions de cas plus tard, nous en savons plus. Les médecins savent par exemple qu’il faut prescrire le stéroïde pour freiner les réactions immunitaires incontrôlées qui détruisent les organes des patients.

Enfin, il est à noter que la mortalité a diminué dans les hôpitaux italiens et britanniques lorsqu’ils n’étaient plus débordés. C’est une autre raison pour laquelle l’aplatissement de la courbe n’est pas seulement un slogan, mais une question de vie ou de mort.

5. L’été pourrait être utile

L’arrivée de l’été a peut-être éradiqué d’autres maladies qui affaiblissaient notre système immunitaire. Les habitants de l’hémisphère nord absorbent davantage de vitamine D en été, ce qui pourrait atténuer la mortalité due à la Covid-19. Le virus pourrait aussi avoir muté pour devenir plus contagieux, mais pas plus mortel.

Enfin, comme de plus en plus de personnes portent des masques et déplacent leurs activités à l’extérieur en été, elles pourraient entrer en contact avec « de plus petites doses » infectantes de Covid-19. Certains épidémiologistes ont affirmé qu’il existe une relation entre la charge virale et la gravité des symptômes. Avec plus de masques et plus d’interactions à l’extérieur, il est possible que la récente poussée soit en partie due à une augmentation de ces cas « à faible dose ».

En Floride.
En Floride.© belga

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