Ce que l’on sait sur l’inquiétant nouveau virus chinois
L’Asie est désormais en « alerte maximale ». De nombreux pays d’Asie ont renforcé leurs contrôles face à la propagation du nouveau virus semblable au Sras. Il a déjà provoqué la mort de six personnes en Chine et fait craindre une crise sanitaire mondiale. Le point.
De Bangkok à Hong Kong, de Singapour à Sydney, les autorités procèdent à des contrôles systématiques à l’arrivée des vols en provenance des zones à risques, après que Pékin a confirmé que ce nouveau coronavirus était transmissible entre humains. La Chine a recensé mardi 77 nouveaux cas, portant le total à près de 300, alors que la maladie a fait trois nouvelles victimes à Wuhan (centre), l’épicentre de l’épidémie qui a contaminé plusieurs autres personnes au Japon, en Corée du sud et en Thaïlande. Et 922 patients restaient en observation dans les hôpitaux chinois, selon les chiffres communiqués par les autorités sanitaires. Un premier cas a aussi été enregistré à Taïwan. Il s’agirait d’une Taïwanaise retournée la veille dans son pays qui vit à Wuhan, la ville du centre de la Chine où la maladie a été la première fois signalée en décembre.
Quel virus, quels effets?
Le virus semble être un nouveau type de coronavirus, famille comptant un grand nombre de virus. Ils peuvent provoquer des maladies bénignes chez l’homme, comme un rhume, mais aussi d’autres plus graves comme le Sras (Syndrome respiratoire aigü sévère).Ce virus est proche de celui qui avait provoqué l’épidémie de Sras en 2002-2003. Elle avait fait 774 morts dans le monde (dont 349 en Chine continentale et 299 à Hong Kong) sur 8.096 cas, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Du point de vue génétique, il y a « 80% de similarités » entre les deux virus, a expliqué à l’AFP le professeur Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur à Paris. Tous deux entraînent des pneumopathies (maladies respiratoires). Comparés à ceux du Sras, les symptômes semblent moins agressifs. « La gravité semble plus faible que le Sras », juge le Pr Fontanet. La Chine a déjà partagé avec la communauté scientifique internationale le séquençage génomique du nouveau coronavirus pour le moment intitulé « 2019-nCoV ».
C’est le « septième coronavirus capable de donner des manifestations cliniques chez l’humain », explique à l’AFP Arnaud Fontanet, responsable de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur à Paris.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) se réunira mercredi pour déterminer s’il convient de déclarer une « urgence de santé publique de portée internationale ». Les autorités thaïlandaises ont mis en place des détections thermiques obligatoires dans les aéroports de Bangkok, Chiang Mai, Phuket et Krabi, pour les passagers en provenance des zones chinoises à risques.
Dans un communiqué, le ministre thaïlandais de la Santé, Anutin Charnvirakul, a annoncé que ces passagers étaient contrôlés « sans exception », et placés sous observation en quarantaine pendant 24 heures s’ils présentent des signes de fièvre.
Quelle transmission d’humain à humain ?
C’est la question centrale, sur laquelle on manque encore de certitudes même si on commence à y voir plus clair. Lundi, un scientifique chinois renommé de la Commission nationale de la santé, Zhong Nanshan, a déclaré à la télévision d’Etat CCTV que la transmission du virus entre personnes était « avérée ». Reste toutefois à connaître l’intensité de cette transmission et le degré de contagiosité du virus, dont dépendra l’ampleur de l’épidémie dans les jours et les semaines à venir. De ce point de vue-là, la donne a changé ces derniers jours. Limité à une quarantaine avant le week-end, le nombre de cas connus en Chine est désormais officiellement évalué à 300. Et des scientifiques pensent que ce nombre est largement sous-évalué: des chercheurs de l’Imperial College de Londres chiffrent à plus de 1.700 le nombre probable de cas à Wuhan depuis le 12 janvier, en se basant sur des estimations statistiques. « Il est possible que certains malades n’aient que peu voire pas de symptômes, ce qui masquerait le nombre réel de personnes infectées et donc l’étendue de la transmission entre humains », juge le Dr Jeremy Farrar, de la fondation de recherche britannique Wellcome. Pour le docteur Nathalie MacDermott du King’s College de Londres, il est vraisemblable que le virus se répande via des gouttelettes dans l’air lors d’éternuements ou de quintes de toux.
– ‘Alerte maximale’ –
La Thaïlande accueille à elle seule un quart des vols internationaux au départ de Wuhan, ville de 11 millions d’habitants où la maladie a été détectée pour la première fois en décembre sur un marché. A l’occasion du Nouvel An chinois, qui commence ce week-end, autour de 1.300 passagers devraient emprunter chaque jour ce trajet et le royaume tient à éviter tout risque d’épidémie alors que la saison touristique bat son plein.
Les Chinois refusent de céder à la panique
Malgré la propagation rapide d’un mystérieux virus en Chine, une relative insouciance est de mise dans les gares bondées, en plein chassé-croisé du Nouvel An chinois. La Fête du Printemps, célébrée pendant quinze jours à grand renfort de festivités et de réunions entre proches, est la date la plus importante du calendrier chinois. Cette période, la plus chargée de l’année dans les transports, fait craindre une propagation plus rapide du virus qui, parti de Chine, a gagné un troisième pays asiatique, la Corée du Sud, après le Japon et la Thaïlande. Depuis le début des grands mouvements de population il y a dix jours, plus de 100 millions de trajets en train ont déjà été effectués, selon la société de chemins de fer nationale. Pour autant, aucun dispositif de prévention particulier n’a été mis en place dans les gares pékinoises. Et peu de voyageurs semblent préoccupés à la gare Hongqiao de Shanghai. La métropole de 25 millions d’habitants n’a pour l’heure décelé aucun cas du mystérieux virus.
Les voyageurs rencontrés par l’AFP à la gare centrale de Pékin ne semblaient d’ailleurs pas inquiets outre mesure, la tête visiblement déjà aux vacances alors que des centaines de millions de personnes s’apprêtent à rentrer dans leur famille pour le Nouvel An chinois qui tombe samedi. « Il est difficile de se prémunir contre un tel virus », explique Li Yang, une chargée de clientèle. La jeune femme âgée de 28 ans, originaire de Mongolie-intérieure (nord), assure ne pas avoir pris de mesures de précaution particulières autre que le « port du masque habituel », très répandu dans les rues de la capitale chinoise quand l’air est pollué. « J’ai vu les infos mais hormis un masque, je ne sais pas comment me protéger autrement », se désole Guo, 26 ans, qui ne souhaite pas donner son nom complet. Elle assure néanmoins « faire attention » et éviter la foule, même si cela relève d’une mission quasi impossible en Chine au moment des grands départs. « Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre? On doit bien rentrer pour le Nouvel An chinois », ajoute la jeune femme.
A Hong Kong, les autorités se disent elles aussi en « alerte maximale », alors que le souvenir de l’épidémie de Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) qui y avait fait plusieurs centaines de morts en 2002-2003 hante toujours les esprits. « Nous sommes prêts pour le pire. Nous n’avons pas baissé la garde », a déclaré à la presse Matthew Cheung, numéro deux de l’exécutif hongkongais. L’aéroport de la ville, l’un des plus fréquentés du monde, procède déjà en temps normal au contrôle thermique de tous les passagers. Ceux qui arrivent de Wuhan doivent également remplir un formulaire. Ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison en cas de mensonge.
Un danger comparable au Sras ?
« La gravité semble plus faible que le Sras », juge le Pr Fontanet. Mais cela pourrait changer. « On n’a pas vraiment d’argument pour dire que ce virus va muter, mais c’est ce qui s’était passé avec le Sras », dont le virus avait évolué après son apparition pour devenir « plus transmissible et plus virulent », selon le spécialiste français. Toutefois, envisager un même scénario pour le nouveau virus reste pour l’instant « purement spéculatif », souligne-t-il. « On a appris les leçons du Sras: on est mieux armé, plus réactif », estime le Pr Fontanet. Selon lui, les autorités sanitaires chinoises ont accompli « un tour de force » en repérant qu’un « problème anormal était en cours » au moment des premiers diagnostics mi-décembre, puis en faisant la relation entre ces patients et le marché. En outre, la Chine a « rapidement réalisé et partagé avec le reste du monde la séquence génétique de ce nouveau coronavirus », ajoute le Pr Adam Kamradt-Scott, de l’Université de Sydney. Cela a permis de mettre sur pied un test spécifique pour identifier les cas. « Par rapport au Sras, l’une des premières différences, c’est la transparence (de la Chine) vis-à-vis de l’OMS », conclut le Pr Fontanet, puisqu’en 2002-2003, « l’histoire avait été cachée » pendant plusieurs mois.
Les vastes frontières terrestres de la Chine font également l’objet d’un examen minutieux. Au Vietnam, le ministère de la Santé a proclamé un « risque d’infection élevé » et ordonné des contrôles renforcés à sa frontière nord, intense lieu de passage entre les deux pays.
La souche incriminée est un nouveau type de coronavirus, une famille comptant un grand nombre de virus. Ils peuvent provoquer des maladies bénignes chez l’homme (comme un rhume) mais aussi d’autres plus graves comme le Sras.
– Isolement, quarantaine –
Zhong Nanshan, un scientifique chinois de la Commission nationale de la santé, a déclaré lundi soir que la transmission par contagion entre personnes était « avérée ». C’était la première fois qu’une telle affirmation était faite publiquement. L’OMS estime pour sa part que l’animal semble être « la source primaire la plus vraisemblable », avec « une transmission limitée d’humain à humain par contact étroit ».
Sur 8.096 cas, le virus du Sras avait fait 774 morts dans le monde, dont 349 en Chine continentale et 299 à Hong Kong, selon l’OMS. L’organisation internationale avait à l’époque vivement critiqué Pékin pour avoir tardé à donner l’alerte et tenté de dissimuler l’ampleur de l’épidémie. En plein chassé-croisé dans les transports avant le Nouvel an chinois samedi, qui fait craindre une accélération des contaminations, le président Xi Jinping a appelé lundi à enrayer l’épidémie.
Les consignes n’ont pas tardé à être appliquées. Pékin a annoncé mardi qu’il classait l’épidémie dans la même catégorie que le Sras. L’isolement devient ainsi obligatoire pour les personnes chez qui la maladie a été diagnostiquée. Des mesures de quarantaine peuvent être décrétées.
Les étapes de l’expansion du nouveau virus en Chine
De son émergence dans la ville chinoise de Wuhan (centre) à son apparition dans plusieurs pays d’Asie, voici les étapes de l’expansion du nouveau virus chinois, proche du Sras.
– Première alerte –
La première alerte est reçue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 31 décembre 2019. Les autorités chinoises préviennent de l’émergence dans la ville de Wuhan, qui compte 11 millions d’habitants, d’une série de cas de pneumonies d’origine inconnue.
Des mesures d’isolement des patients sont prises et un travail pour identifier l’origine des pneumonies est entrepris. L’organisme américain de surveillance et prévention des maladies (CDC) indique de son côté qu’un important marché aux poissons à Wuhan, semblant lié aux premières infections, a été fermé le 1er janvier.
– Nouveau coronavirus –
Ces pneumonies sont dues à un nouveau coronavirus, selon les premières analyses de séquençage du virus conduites par des équipes chinoises, annoncent le 9 janvier l’OMS et les autorités chinoises. A cette date, le bilan officiel de l’épidémie de Wuhan comptabilise 59 personnes atteintes, dont sept dans un état grave.
– Premier décès –
Les autorités sanitaires chinoises annoncent un premier décès le 11 janvier parmi les patients atteints par le nouveau virus et révisent à la baisse le nombre des malades à Wuhan avec 41 patients.
– Premier cas étranger –
Un premier cas d’une personnes infectée en dehors de la Chine, en Thaïlande, est signalé le 13 janvier par l’OMS. Il s’agit d’une femme soufrant d’une pneumonie légère qui revenait d’un voyage à Wuhan. Le risque d’une transmission du nouveau virus entre humains est « faible » mais n’est « pas exclu », affirment le 15 janvier les autorités sanitaires chinoises. Le lendemain, le ministère japonais de la Santé annonce que la maladie a été détectée chez un Japonais ayant séjourné début janvier à Wuhan.
– Contrôle aux USA –
La pneumonie virale fait un deuxième mort chez un patient de 69 ans, à Wuhan, annoncent le 17 janvier les autorités chinoises. Le même jour, aux Etats-Unis, l’organisme sanitaire CDC prévient de la mise en place de dépistages dans trois grands aéroports américains dont New York, sur les vols en provenance de Wuhan.
– Transmission humaine « avérée » –
Le 20 janvier, un troisième mort et plus d’une centaine de nouveaux cas sont annoncés en Chine, ce qui alimente l’inquiétude à quelques jours d’une période traditionnelle de voyages pour fêter le Nouvel An chinois (25 janvier). La maladie est désormais présente à Pékin au nord, Shanghai à l’est et Shenzhen au sud. Un nouveau bilan fait état de 218 cas. Le virus est détecté en Corée du Sud chez une Chinoise arrivée par avion de Wuhan. Le président chinois Xi Jinping donne le signal de la mobilisation pour enrayer « résolument » la propagation du nouveau virus. La transmission par contagion entre personnes est « avérée », déclare un scientifique chinois renommé, Zhong Nanshan, à la chaîne de télévision d’Etat CCTV.
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