Ce que l’on sait de la situation à Tchernobyl, privé d’électricité
Après la centrale nucléaire de Zaporojie, c’est au tour de Tchernobyl de concentrer les inquiétudes en Ukraine. Selon les experts toutefois, la coupure d’électricité annoncée mercredi ne pose « pas de risque majeur sur la sécurité ». La situation serait en revanche bien plus grave si ce scénario se produisait dans l’une des quatre centrales en activité du pays.
Que s’est-il passé?
D’après l’opérateur ukrainien Ukrenergo, l’alimentation électrique du site de Tchernobyl a été « complètement déconnectée du réseau, en raison des actions militaires de l’occupant russe ». « Une provocation » des Ukrainiens, a accusé Moscou. Des générateurs diesel de secours ont pris le relais et « seront en mesure d’assurer l’activité vitale du site pendant un maximum de 48 heures », a rapporté le régulateur. « Après cela, les systèmes de refroidissement du combustible entreposé vont s’arrêter », a averti le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba.
La centrale de Tchernobyl, lieu de la pire catastrophe nucléaire civile de l’histoire en 1986, comprend des réacteurs qui ont été déclassés, dont le numéro 4 recouvert d’un sarcophage, et des dépôts de déchets radioactifs. Les communications téléphoniques sont par ailleurs interrompues sur le site, où sont bloqués depuis le 24 février plus de 200 techniciens et gardiens. Ils opèrent désormais sous commandement russe.
Quel est le risque?
Le réacteur accidenté lui-même ne pose pas de problème, a expliqué à l’AFP Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Car « le coeur fondu n’a pas besoin de système de refroidissement ». Mais qu’en est-il des 20.000 assemblages combustibles stockés dans la piscine?
Compte tenu du temps qui s’est écoulé depuis l’accident de 1986, « la charge thermique de la piscine et le volume de l’eau de refroidissement sont suffisants pour assurer une évacuation efficace de chaleur sans électricité », a estimé l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). « L’AIEA ne voit pas d’impact majeur sur la sécurité », a ajouté le gendarme onusien du nucléaire, tout en déplorant dans un communiqué cette « nouvelle dégradation » de la situation et « un stress supplémentaire » pour le personnel.
Ces assemblages anciens « sont relativement froids », et même si l’électricité n’est pas rétablie après 48 heures, « il n’y a pas de danger de rejets radioactifs selon ce que l’on sait des installations », confirme Mme Herviou. Dans un tel cas, des études réalisées après l’accident de la centrale de Fukushima au Japon en mars 2011 « montrent une montée lente en température de l’ordre de jusqu’à 60°C mais pas de dénoyage des assemblages ». « L’eau va se réchauffer progressivement mais ne va pas être portée à ébullition », explique-t-elle.
Quid des centrales en activité?
Une coupure de courant « poserait plus de problèmes » dans les quatre centrales en fonctionnement du pays, « où il faut absolument assurer un refroidissement du combustible présent », estime la responsable de l’IRSN. « La chaleur à évacuer y est beaucoup plus importante » qu’à Tchernobyl. Des groupes électrogènes pourraient « alimenter les systèmes de refroidissement « pendant 7 à 10 jours ». Mais au-delà, sans électricité, « surviendrait un scénario de type Fukushima avec un risque de fusion du coeur du réacteur ».
Dans la centrale de Zaporojie, occupée par les Russes, les générateurs sont prêts si nécessaire, a écrit mercredi soir l’AIEA, indiquant que deux des quatre sources d’alimentation électrique externes ont apparemment été « endommagées ». Le directeur général de l’Agence, Rafael Grossi, s’est par ailleurs dit « préoccupé par la soudaine interruption des transmissions de données vers le siège à Vienne », au lendemain d’un problème similaire à Tchernobyl. « La raison n’est pas claire dans l’immédiat », a souligné l’instance onusienne. Ces systèmes, qui lui permettent de surveiller à distance les matières nucléaires et les activités sur place, continuaient à fonctionner normalement dans les trois autres centrales.
Depuis le début de l’invasion russe, M. Grossi met en garde contre les dangers du conflit, le premier à se dérouler dans un pays doté d’un vaste programme nucléaire. « Cette fois, si un accident survient, la cause ne sera pas un tsunami causé par Mère nature mais le résultat de l’incapacité humaine à agir au moment où nous savions que nous le pouvions et le devions », avait-il lancé en début de semaine.
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