Gérald Papy
C’est la hess par Gérald Papy: le chemin étroit de Xavier Bertrand (chronique)
Xavier Bertrand est-il crédible en « candidat des oubliés et des invisibles »?
Le peuple. Que n’a-t-on pas, dans la période récente, invoqué cet agrégat pour soutenir une ambition politique auprès d’aspirants électeurs? En France en particulier car, comme l’énonce Déborah Cohen, maîtresse de conférence en histoire à l’université de Rouen, dans Peuple (éd. Anamosa, 2019, 78 p.), « ce qui fait tenir cette obsession (du populisme), c’est […] le fétichisme ou la nostalgie du peuple, dont le mot sert à tout mais n’était plus nulle part avant que les gilets jaunes ne le réactualisent. » C’est inspiré par ce retour de tendance que le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a inscrit sa candidature à l’élection présidentielle de 2022, dévoilée le 25 mars, en miroir des attentes supposées des citoyens.
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« Je viens du peuple. […] Je n’oublie pas d’où je viens. Agent d’assurances à Flavy-le-Martel, ce n’est pas la même chose que banquier d’affaires à Paris ou héritière », a osé Xavier Bertrand dans l’interview à l’hebdomadaire Le Point qui a confirmé sa prétention. La fonction de banquier renvoie à l’actuel président et candidat putatif à l’élection de 2022 qui, en dépassant le clivage gauche-droite lors de la campagne il y a cinq ans, avait prétendu redonner au peuple l’envie de l’engagement. L’héritière, celle de son père, fait allusion à Marine Le Pen, l’autre promise au duel final, qui a pris pour slogan de campagne « Au nom du peuple ». « Ce n’est pas d’hier bien sûr que l’extrême droite joue avec le mot peuple: dans les années 1990, le père disait déjà « Le Pen, le peuple » », souligne dans son essai Déborah Cohen. Néanmoins, l’empreinte du mouvement des gilets jaunes a dû influencer quelques communicants au Rassemblement national.
Si la figure de personnalité issue du peuple est surjouée par le président de la Région Hauts-de-France dont les plus fins connaisseurs n’ont jamais associé le parcours à la France d’en bas, celle de candidat en délicatesse avec une certaine élite française est sans doute plus fondée. Il n’est pas sorti d’une des grandes écoles qui produisent le vivier des prétendants aux plus hautes fonctions dans l’Hexagone. Il aurait souffert du mépris de classe affiché par ses collègues, élus de droite, qui l’avaient surnommé, lui le novice, « flic floc » en raison du bruit de ses chaussures sur le carrelage de l’Assemblée nationale. Et il ferait montre d’une empathie non feinte à l’égard du Français moyen, mangeant en bon frontalier de la Belgique « des frites avec les doigts », comme le rapporte la journaliste du Point Nathalie Schuck, dans une région où la notion de classe ouvrière a encore un sens.
Mais face à l’extrême droite et au « en même temps » macronien qui, pour une grande part du mandat, a basculé à droite, Xavier Bertrand, crédible ou pas dans son image de « candidat des oubliés et des invisibles », est sans doute conscient de l’étroitesse du chemin qui pourrait le mener en douze mois à l’Elysée. Ce parcours du combattant passera d’abord par une victoire aux élections régionales, en juin ou à l’automne selon les conditions sanitaires, et par une reconduction à la tête des Hauts-de-France. Un terrain sur lequel il peut se targuer d’avoir déjà défait Marine Le Pen en 2015, celle-là même contre laquelle les sondages lui prédisent un succès plus grand que si elle était confrontée à Emmanuel Macron lors d’un deuxième tour de présidentielle en 2022. De quoi faire rêver à Flavy-le-Martel.
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