Black Friday: comment le boycott s’intensifie
Le » Black Friday « , qui a lieu ce vendredi 29 novembre, s’attire de plus en plus de détracteurs. Des collectifs, des universitaires, des marques de mode ou encore, des militants écologistes organisent la contre-attaque. Tour d’horizon.
Ces derniers jours, personne n’aura pu échapper au matraquage du « Black Friday » organisé ce vendredi 29 novembre. Tradition venue en droite ligne des Etats-Unis organisée au lendemain de la fête de Thanksgiving, cet évènement hyper commercial marque le coup d’envoi de la période des achats de fin d’année. Des réductions à go go fusent de partout, tous secteurs et toutes marques confondus.
En réponse à cette action commerciale, plusieurs initiatives ont vu le jour au fur et à mesure que la tradition américaine s’ancrait dans les habitudes de (sur)consommation des Européens. Ces actions citoyennes ou initiées par des marques ont pour objectifs une consommation plus responsable et durable. Hasard du calendrier ou plutôt ironie du sort, cette année, la ruée consumériste coincide avec la « Journée internationale sans achat ».
Le Green Friday initié par le réseau Envie en est à sa troisième édition. Le mouvement est devenu un collectif sous l’impulsion d’Altermundi, en 2018, avec le soutien de la Mairie de Paris, rapidement rejoint par des associations comme Dreamact, Ethiquable et Emmaüs. Au total, 400 structures, entreprises et associations engagées dans l’économie circulaire, y adhèrent en France et en Belgique.
Concrètement, le Green Friday a pour vocation de boycotter son pendant « black » en refusant de céder aux sirènes de la surconsommation et des promotions alléchantes. Les entreprises participant à l’opération organisent des ateliers de sensibilisation au développement durable. Elles ne proposeront pas de réductions à leurs clients et s’engagent à reverser 10% de leur chiffre d’affaires de la journée au profit d’associations engagées pour une consommation responsable telle que HOP, Zéro Waste, etc. Des « Repair Day » seront aussi organisés, une journée dédiée au recyclage et à la réparation de vêtements.
Préserver les ressources de la planète
Face au constat que chaque année, 500 millions de vêtements sont jetés en France, 600 marques, la plupart des jeunes griffes de mode, réunies sous le collectif « Make Friday Green Again » s’engagent dans une contre-campagne pour une consommation raisonnée et responsable. Pour elles, « la seule réduction qui compte, c’est celle de notre empreinte écologique« . « Nous ne voulons pas participer à cette journée infernale de surconsommation imposée par le marché. Le vrai coût de cette journée est social et environnemental. Elle rend précaires les emplois (…). Elle participe d’autre part au dérèglement climatique en encourageant la surproduction », laisse entendre le collectif.
Selon les statistiques, 60% des Français ont des vêtements ou des objets de consommation qu’ils n’utilisent jamais. A la place d’achats impulsifs et déraisonné, le mouvement propose plutôt de faire le tri dans sa garde-robe et d’en premier lieu penser à réparer ou recycler le superflu pour créer une économie circulaire qui vise à moins puiser dans les ressources de la planète.
« Block Friday »
D’autres initiatives plus individuelles sont aussi lancées. Certains labels estampillés « bio, éthiques et écologiques » ont décidé de fermer leurs boutiques en signe de protestation. C’est le cas du label français WeDressFair avec sa campagne d’affiches percutantes « BlockFriday« .
Sous le même slogan, des groupes de militants écologistes, comme Extinction Rebellion, Youth for Climate, ont prévu des actions ce vendredi pour dénoncer « la grande braderie de la planète » que représente, selon eux, le « Black Friday ». Les jeunes militants pour le climat de Youth for Climate promettent sur Twitter « une grosse action de désobéissance civile » dans Paris.
Autre Exemple parmi d’autres, à Bruxelles, la créatrice Valérie Berckmans, pionnière de la mode durable belge, lance un vendredi vert et solidaire. Elle invite à consommer durable et éco-responsable en cette journée qui symbolise pour elle toutes les dérives de l’industrie textile. « Il semble, déclare-t-elle, que l’on arrive à la fin d’une civilisation, quand l’industrie textile se met à tout prix à refourguer son immense production, dont les gens n’ont plus besoin parce qu’ils ont trop, et qu’elle est obligée d’inventer des Black Friday ou des ‘Mid Season’ Sales pour vendre ses stocks (…) Quel signal négatif et quelle concurrence déloyale pour les créateurs, les artisans, les petits commerçants, les petits entrepreneurs. » La boutique bruxelloise Chouke a, elle, décidé de boycotter le « Black Friday », se justifiant de la sorte : « Nous ne voulons plus brader nos valeurs et notre travail aux profits de la surconsommation et des multinationales. » A la place, pour tout achat au-dessus de 30 euros, elle reversera 3 euros au profit de l’association Reforest’Action dont la mission première est de sensibiliser et d’agir pour les forêts.
Si ces multiples initiatives solidaires et partages de valeurs responsables peuvent paraître louables, certains leur reprocheront une attitude quelque peu opportuniste, consistant à se mettre en avant et de quand même profiter de l’effet marketing de ce jour emblématique de la surconsommation.
Vers une interdiction
Autre action de résistance, une tribune coordonné par le collectif Attac et signée par de nombreux universitaires, auteurs ou acteurs de la chaîne du livre en France, qui appelle à un boycott de la plateforme Amazon en ce « vendredi noir ». Titrée « Stop Amazon et son monde« et sous le hashtag #VendrediNoirpourAmazon, la pétition se donne pour objectif de renverser le « Black Friday », désigné comme un « évènement clef d’un capitalisme féroce et d’une ode à la surconsommation [ayant] des conséquences environnementales, sociales et fiscales dramatiques« , en une période de mobilisation citoyenne. La pétition critique les conditions de travail autant intenables qu’inacceptables auquel le géant soumet ses employés tout comme les ravages environnementaux.
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La folie consumériste du « Black Friday » et ses dérives vont même jusqu’à faire réagir les députés français. Ils ont donné en début de semaine leur accord en commission à une interdiction des futures campagnes de promotions de cette journée d’achat intensive. Ils considèrent que ces publicités agressives donnent l’impression aux consommateurs de bénéficier de soldes, alors que ce n’est pas la période.
Chaque année, l’ONG Greenpeace dénonce de son côté, les ravages de « ce vendredi noir pour la planète et les droits humains ». L’organisation de protection de l’environnement attire l’attention des consommateurs sur le fait que le retour gratuit des colis génère de nombreux invendus qui finissent souvent à la broyeuse. Et de pointer la problématique des renvois d’articles en tout genre : « Plus on commande, plus on renvoie (…) chaque paquet a un impact sur le climat », dénonce l’ONG. Une étude réalisée par ses soins montre que les jeunes acheteurs de moins de 30 ans retournent un quart de leurs commandes auprès du site marchand. Elle insiste notamment sur l’impact environnemental des biens de consommation textiles et électroniques, en tête des ventes lors du « Black Friday », et davantage encore lors du « Cyber Monday » le lundi suivant…
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Un peu d’histoire
Le « Black Friday » aurait vu le jour dans la seconde moitié du XXe siècle aux Etats-Unis, le lendemain de la Thanksgiving, qui est fêtée chaque année le quatrième jeudi du mois de novembre. Ce « vendredi noir » inaugure la période des achats de fin d’année. On attribue généralement l’origine du terme au langage comptable, lorsque les bilans étaient encore écrits à la main. Les comptes en perte étaient notés en rouge. Or, à l’approche des vacances, les revenus repartaient à la hausse, ce qui permettait de renouer avec la rentabilité, et les résultats positifs. Son appellation anglo-saxonne viendrait donc du fait de sortir les comptes de l’entreprise du rouge vers le noir (on parle d’encre), en vendant les surplus.
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