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Aleksandar Vucic, un président qui tient fermement les rênes du pouvoir

Le Vif

Le chef de l’Etat serbe Aleksandar Vucic, qui a revendiqué la victoire à la présidentielle dès le premier tour dimanche, joue avec habileté de ses alliances rivales avec l’Est et l’Ouest tout en étant accusé de tendances autoritaires à la maison.

Ancien collaborateur ultranationaliste de l’ex-homme fort Slobodan Milosevic, le géant au visage poupin s’est reconverti en ami de l’Occident. Parallèlement, son pays de sept millions d’habitants candidat à l’Union européenne entretient des liens étroits avec le « grand frère » russe et attire des milliards d’investissement chinois.

Mais les détracteurs du président de 52 ans lui reprochent de s’être assuré un contrôle quasi total sur la société. « Vucic est partout, sur toutes les télés, dans tous les journaux, il a usurpé tout l’espace public, c’est insupportable », dit à l’AFP Nebojsa Pantelic, informaticien de 42 ans. « Même Milosevic n’avait pas cette emprise sur ce pays ».

Dans ces médias largement sous influence, le président se présente comme un leader infatigable qui se dépense sans compter pour favoriser les investissements et créer des emplois. On l’a vu à la télévision participer au sauvetage d’un enfant piégé par une tempête de neige, dénigrer publiquement ses collaborateurs ou partager une vidéo où il dit apprendre l’allemand en écoutant l’ex-chancelière Angela Merkel. « Il veut se dépeindre en homme de la rue mais aussi en surhomme », dit à l’AFP l’analyste politique Boban Stojanovic.

Aleksandar Vucic, un président qui tient fermement les rênes du pouvoir
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Le chef de l’Etat est très attentif à son image. « Il commande quotidiennement des sondages, regarde toutes les émissions politiques et lit tous les tweets qui parlent de lui », poursuit-il.

Ligne de crête

Il se présentait pour ce scrutin comme le seul antidote aux incertitudes découlant de la guerre en Ukraine, avec ce slogan: « Paix. Stabilité. Vucic ». Il s’enorgueillit aussi d’avoir parachevé durant une décennie de règne de vastes programmes d’infrastructures, notamment un réseau autoroutier. De nombreux Serbes lui savent gré de refuser de reconnaître l’indépendance déclarée en 2008 du Kosovo, l’ex-province vue comme un berceau historique. « Vucic a donné une chance aux gens ordinaires de vivre mieux, il a tenu ses promesses, il défend avec acharnement notre Kosovo, c’est tout simplement l’homme qu’il nous fallait », déclare Branislav Ristic, employé de banque de 47 ans.

Il est également crédité d’avoir usé de son entregent international pour procurer à la Serbie des millions de vaccins anti-Covid, chinois, russes et occidentaux quand les doses étaient rares. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie cependant, la ligne de crête est devenue plus étroite. Si la Serbie a condamné l’agression russe à l’ONU, elle s’est refusée à s’aligner sur les sanctions européennes contre Moscou qui continue à lui fournir du gaz à prix d’ami.

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« Il a été accommodant avec tout le monde, la Chine pour qu’elle exporte ses industries sales en Serbie et la Russie pour qu’elle y étende son influence politique », dit l’analyste Stojanovic.

« Erosion des droits »

« Le fait de coopérer avec l’Occident lui assure un soutien pour sa politique intérieure, ce qui signifie que l’Occident n’est pas vraiment intéressé par la situation en Serbie ». Un revirement impressionnant pour celui qui fut le ministre de l’Information de Milosevic. Il a longtemps défendu les leaders serbes de Bosnie accusés d’atrocités pendant le conflit de 1992-95. « Si vous tuez un Serbe, nous allons (tuer) cent Musulmans », menaçait-il en 1995, peu après le massacre de Srebrenica où 8.000 musulmans furent tués par les forces serbes bosniennes. La mue a été soudaine pour cet homme considéré au fond comme un pragmatique. En 2008, il quitte le Parti radical ultra nationaliste et fonde le Parti serbe du progrès (SNS), conservateur et pro-européen, vainqueur aux législatives de 2012.

Premier ministre adjoint, Premier ministre, président, la carrière politique de cet avocat de formation connut dès lors une trajectoire fulgurante. Mais ses contempteurs le taxent de populisme et d’autoritarisme, alors que les voix dissonnantes sont mises au ban pour être des traîtres à la solde de l’étranger ou des dégénérés. Le président a mis ses opposants à genoux via « l’érosion des droits politiques et des libertés civiles, les pressions sur les médias indépendants, l’opposition politique et les organisations de la société civile », écrit l’ONG américaine Freedom House dans son rapport 2021.

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