A Marseille, une situation « affolante » sur le front du logement indigne ou insalubre
L’effondrement de trois immeubles vétustes du centre de la cité phocéenne a relancé le débat sur l’habitat insalubre à Marseille, où les chiffres liés à ce problème sont « affolants », selon la Fondation Abbé Pierre (Fap).
Dans la ville, selon un rapport remis au gouvernement en 2015, « un parc privé potentiellement indigne » présente « un risque pour la santé ou la sécurité de quelque 100.000 habitants ». 40.000 logements sont concernés, soit 13% du parc de résidences principales.
Ces proportions ne sont vues « nulle part ailleurs en France », déplore Florent Houdmon, directeur régional de la Fap. « C’est le résultat de décennies d’inaction publique ». L’habitat indigne désigne des logements dangereux, dans des immeubles menaçants de s’effondrer, mais aussi des habitations insalubres, qui peuvent affecter la santé des résidents.
Pour la Fap, l’effondrement soudain de ces immeubles à Noailles, un quartier populaire et métissé à deux pas du Vieux-Port, est en lien direct avec « la défaillance totale, dès le repérage, des pouvoirs publics ».
« La situation des deux immeubles effondrés (ndlr: numéros 63 et 65 rue d’Aubagne) était connue de tout le monde », dit Patrick Lacoste, porte-parole de l’association d’habitants « Un centre-ville pour tous ». Oscillant entre colère et émotion, il déplore « des gens morts pour rien, alors qu’on savait ».
« A la mairie, ils sont au pouvoir depuis 25 ans et ils laissent pourrir des immeubles sur pied, ils ne s’intéressent pas à la population de Noailles et ne veulent pas de logement social dans le centre », accuse-t-il.
Deux des trois immeubles qui se sont écroulés lundi étaient murés et théoriquement inhabités. L’un d’eux, au numéro 63 de la rue d’Aubagne, frappé par un arrêté de péril, avait fini par être entièrement acquis par la mairie au bout de 10 ans de démarches, a rappelé lundi sur place l’adjointe à l’urbanisme Arlette Fructus, déplorant les procédures judiciaires engagées par les propriétaires pour éviter l’expropriation.
– « Taudis » –
Selon le site d’investigation local Marsactu, après cet arrêté de péril pris il y a plus de 10 ans, « la ville avait inscrit le n°63 dans la liste des 500 immeubles visés par le plan d’éradication de l’habitat indigne (EHI) et confiés à deux opérateurs ». La mairie envisageait notamment d’y aménager une micro-crèche, dans le cadre d’un vaste plan de réaménagement du centre-ville sur 15 ans.
L’immeuble mitoyen, le numéro 65, qui s’est lui aussi effondré lundi matin, était occupée par une copropriété de 10 appartements. Pourtant, depuis 2007, les signaux d’alerte se multipliaient: effondrement du plafond du hall d’entrée, fissures inquiétantes… Un expert agréé auprès du tribunal avait visité l’immeuble le 18 octobre sans préconiser de l’évacuer.
Plus généralement dans le quartier de Noailles, de nombreux immeubles sont dans un état inquiétant. Dans des documents publiés en janvier 2018, la Société locale d’équipement et d’aménagement (Soleam), justement chargée de mettre en oeuvre le réaménagement du centre-ville, y décrivait « une forte dégradation du bâti notamment liée à vétusté des immeubles ».
« Sur les 3.450 logements recensés, le diagnostic a mis en évidence que 48% des immeubles, soit environ 1.600 logements, sont considérés comme du bâti indécent ou dégradé », concluait-elle. Noailles ne compte que 5% de logements sociaux selon la Soleam, mais un important « parc privé dégradé » incluant des « taudis ».
La mairie, sollicitée par l’AFP, n’a pas souhaité communiquer sur la question mardi. Lundi, dans un communiqué, elle avançait pour expliquer la catastrophe l’hypothèse des « fortes pluies qui se sont abattues sur Marseille » ces derniers jours.
Selon un architecte expert auprès du TGI de Marseille, dans le quartier en pente de Noailles, la question peut aussi entrer en ligne de compte : « il y a souvent aussi un problème au niveau des toitures décalées les unes par rapport aux autres. Quand c’est dégradé, il n y a plus d’étanchéité et l’eau passe ».
Mais pour cet expert qui a souhaité rester anonyme, « c’est un miracle qu’il n’y ait pas d’accidents tous les jours à Marseille ».
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