Quand best-sellers et documentaires relancent des enquêtes enlisées
C’est grâce à l’ADN que les enquêteurs viennent de retrouver la trace du tueur en série présumé du « Golden State », mais ses crimes, parfois vieux de quarante ans, avaient bénéficié d’un regain d’attention grâce à un best-seller.
« Et je disparaîtrai dans la nuit » est un livre de Michelle McNamara, morte brusquement dans son sommeil en 2016 avant d’avoir fini de l’écrire. Publié à titre posthume en février, il a fait un carton en librairie et va être adapté en docu-série pour HBO.
Dès l’annonce de l’interpellation de Joseph James DeAngelo, accusé d’être l’auteur de 12 meurtres, environ 50 viols et 120 cambriolages, de nombreuses personnalités ont rendu hommage au travail de Michelle McNamara, comme le roi du thriller Stephen King et l’acteur Rob Lowe.
« Je crois que tu l’as eu, Michelle », a tweeté son mari, le comédien et humoriste Patton Oswald.
C’est la dernière en date des enquêtes policières non résolues ou enlisées à connaître un nouveau souffle grâce à des écrivains ou cinéastes, comme celle sur le millionnaire Robert Durst, soupçonné de meurtres.
Le shérif du comté de Sacramento, Scott Jones, a nié que le livre de Michelle McNamara ait mis les enquêteurs sur la trace du psychopathe qui a échappé aux autorités pendant plus de 40 ans, mais a admis qu’il avait ravivé l’intérêt du grand public et généré un flot d’informations nouvelles.
– « Le marketing compte » –
McNamara, aux faux airs de Jodie Foster en agent du FBI dans « Le silence des agneaux », était convaincue que pour résoudre une enquête, « le marketing compte ». C’est pour cela qu’elle avait trouvé le surnom facile à retenir de « tueur du Golden State » pour DeAngelo.
Les autorités l’ont autorisée à reproduire pour un article en 2013 un plan de quartier retrouvé sur l’une des scènes de crime, probablement dessiné par le tueur. Elles espéraient ainsi motiver des appels, des indices.
L’enquêteur désormais à la retraite Paul Holes, qu’elle avait contacté pour son livre, la considérait comme « une partenaire », a-t-il déclaré dans l’émission « 48 heures » consacrée au meurtrier et diffusée sur CBS l’an dernier.
« C’était bon de pouvoir parler à quelqu’un qui connaissait si bien le dossier et pouvait secouer les choses », a renchéri Erika Hutchcraft, de l’unité des crimes sexuels du comté d’Orange.
McNamara suspectait le tueur d’avoir eu une formation militaire ou policière, vu son habileté au maniement des armes, son soin à porter des gants et à ne pas laisser de traces, à s’échapper à toute vitesse dans la nuit.
L’écrivaine a écrit qu’elle connaissait presque tout de lui: « Son groupe sanguin, la taille de son pénis (très petit). Je sais qu’il avait la carrure d’un coureur ou d’un nageur ».
– « Tu te souviens quand on jouait? » –
Elle raconte à la fin de son livre qu’il harcelait ses victimes au téléphone, parfois avant son crime avec un « je vais te tuer », parfois des années après: « Tu te souviens quand on jouait ? ».
Avant son brusque décès, même si elle avait la conviction que les policiers, aidés par les progrès des technologies d’ADN, allaient débusquer le tueur, cette insomniaque était épuisée, à bout de nerfs.
Elle a commencé à prendre des anxiolytiques et antalgiques puissants qui ont contribué à sa mort.
« Je me répète +Il ne peut pas me faire de mal+ sans réaliser qu’à chaque heure sans sommeil (…) il m’en a déjà fait », a-t-elle écrit.
Ces dernières années, « The Jinx », diffusé en 2015 sur HBO, a coïncidé avec l’arrestation de Robert Durst, richissime héritier suspecté de plusieurs meurtres.
Dans ce docu-série d’Andrew Jarecki, Durst semblait avouer en aparté, sans se savoir enregistré, des crimes vieux de trente ans non élucidés: « Je les ai tous tués ». Là aussi, la police assure que son arrestation était sans lien avec le documentaire.
Toujours en 2015, « The Making of a Murderer », sur Netflix, a ramené dans l’oeil du public le cas de Brendan Dassey, jugé coupable du meurtre d’une femme.
Le docu-série montrait des failles dans l’enquête, laissant entendre que Dassey avait subi des pressions pour avouer le meurtre et lançant un débat national sur les procédures judiciaires aux Etats-Unis.
Dans le genre florissant des programmes sur les « vrais crimes », le feuilleton radiophonique Serial a entraîné la levée de la condamnation d’Adnan Syed, condamné à perpétuité pour le meurtre de son ex-petite amie en 1999.
Serial, l’un des podcasts les plus téléchargés de l’histoire, et son auteure Sarah Koenig mettaient en avant des biais dans le travail de l’avocate de Syed. Ce dernier devrait bénéficier d’un nouveau procès.
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