« Une sacrée paire de vélos »: verticaux ou inclinés, d’où viennent les cadres genrés? (chronique)
C’était un de ces dimanches confinés qui imitait l’été. Un sac à dos, deux vélos, trois heures de balade dans la campagne. Après un arrêt paysage, en rejoignant les deux bécanes patientant adossées à une haie, la question s’était subitement posée. Pourquoi son cadre, à lui, tout en horizontalité, contrairement au sien, à elle, tout incliné ?
Plus les jambes pédalaient, plus le cerveau trouvait bidon les bribes intuitives d’explication. Peut-être pour faciliter à ces demoiselles l’accès à la selle. Trop aimable, mais ces messieurs ne sont pas toujours exactement des modèles de souplesse… Ou alors pour éviter les chocs génitaux (ouille). Mais, alors, eux devraient être les premiers à privilégier une barre rabaissée. Vraiment, non, il ne semblait pas y avoir de raison.
En réalité, il n’y a plus de raison. L’entreprise Starley Brothers en avait une bonne, en 1889, pour inventer un modèle adapté aux femmes. L’émancipation : leur permettre de rouler, malgré leurs longs et lourds jupons. Avec, en prime, une protection à fixer à la roue arrière, pour éviter que les tissus ne s’y coincent. La bicyclette existait depuis une quarantaine d’années, mais il n’était pas de bon ton, pour mesdames, de la chevaucher. Agiter les jambes écartées, assises sur un truc dur… quelle indécence ! Qu’ont-ils pu digresser, les médecins masculins, sur ce deux-roues soupçonné à l’époque de rendre infertile et nymphomane. C’est sûr, elles allaient quitter le lit conjugal pour jouir sur leur selle…
Pédaler rendait surtout libre : de se déplacer hors du foyer (non accompagnée ! ), de se divertir, de se (dé)vêtir. Les jupes se raccourcirent, histoire que les tissus ramassent en chemin moins de crachats et de crottins. Puis les culottes bouffantes et les pantalons apparurent. Il fallut tout de même deux circulaires, en France (1), pour les autoriser à en enfiler, à la condition expresse de tenir en main » un guidon ou les rênes d’un cheval « .
Les shorts ont désormais remplacé les jupons mais la bicyclette » féminine » ne disparut étrangement jamais. Suffit de googler » vélo fille » : que de la barre inclinée (et du rose ! ). Pareil pour la variante » femme « . Ce serait finalement peu important si, pour bon nombre d’hommes, poser leur séant sur ce genre d’équipement n’était pas un rien dérangeant. Comme si ces cycles-là étaient moins virils, moins adaptés, moins performants.
Ils seraient, en tout cas, moins résistants ; une histoire d’angle de la soudure. Puis, moins rigides, donc nécessitant davantage d’énergie dans l’effort. D’ailleurs elle a toujours chevauché une barre haute, Jeannie Longo, comme toutes celles qui suent durant le Tour de France féminin (ça existe, oui, même si ça passe pas à la télé).
Faudrait donc arrêter, avec ces cadres genrés. Qu’il faille adapter la selle, les pédales, les poignées en fonction de la morphologie, OK. Le reste n’est qu’un héritage désormais non justifié du passé. Certaines veulent fendre la bise avec une barre horizontale. Grand bien leur fasse. Certains jalousent les assises bien rembourrées et rêvent de ne plus avoir à lever la jambe si haut pour enfourcher leur monture. Qu’ils se laissent donc aller, il paraît que ça fait jouir. Ah non ? !
(1) En France, une loi datant de 1800 interdisait le » travestissement des femmes « , soit le droit de porter un pantalon. Celles qui voulaient y déroger devaient se présenter à la police pour en obtenir l’autorisation. Ce texte, revu en 1882 puis en 1909 pour autoriser donc l’exception cyclable et équine, n’a été complètement abrogé qu’en… 2013.
» Je suis née blanche comme d’autres sont nés hommes. Le problème n’est pas de se signaler « mais moi je n’ai jamais tué personne » comme ils disent « mais moi je ne suis pas un violeur ». Le privilège, c’est avoir le choix d’y penser, ou pas. Je ne peux pas oublier que je suis une femme. Mais je peux oublier que je suis blanche. Ça, c’est être blanche. Y penser, ou ne pas y penser, selon l’humeur. En France, nous ne sommes pas racistes mais je ne connais pas une seule personne noire ou arabe qui ait ce choix. » Virginie Despentes, dans une lettre diffusée sur France Inter le 3 juin, à la suite d’un rassemblement en mémoire d’Adama Traoré, jeune homme noir mort suite à un contrôle policier.
58,5 millions de dollars gagnés en 2019. Un salaire qui fait de Lisa Su, directrice du fabricant de microprocesseurs Advanced Micro Devices, la mieux payée des PDG américains d’entreprises cotées en Bourse. Une première ! Jamais une femme n’avait décroché cette première place. Dans ce classement, établi pour le compte d’Associated Press, sur 329 noms cités, on dénombre 20 femmes.
A côté de » covid » et » déconfinement « , un nouveau mot a fait son entrée dans l’édition 2021 du Petit Robert, sortie le 4 juin : » pansexuel « . Se dit d’une personne attirée indifféremment par une autre peu importe qu’elle soit homme, femme, trans ou sans genre. Une sorte d’amélioration du mot » bisexuel « , dont le préfixe » bi » sous-entend le sexe comme un concept binaire, hommes vs femmes. Là où » pan » signifie » tout « .
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