Paola, la dolce vita parfois assombrie
Qui est Paola Ruffo di Calabria, épouse du roi Albert II et sixième reine des Belges?
Visitons l’arbre généalogique de Paola pour dévoiler ses origines belges. Jacques Mosselman a vécu de 1719 à 1781. Il a été bourgmestre de Bruxelles. De son mariage sont nés deux fils, Corneille et François-Dominique. Corneille a eu un fils, Théodore. Celui-ci a eu une fille, Laure Mosselman (1851 – 1925). Celle-ci a épousé Fulco Ruffo di Calabria, qui a eu un fils du même nom : le père de Paola. Ainsi coule-t-il dans les veines de la sixième reine des Belges du sang bruxellois !
Les origines de sa famille se trouveraient aussi à Byzance et dans la Rome républicaine. Elle serait en effet issue de la gens Cornelia Rufa ou Rufina, à laquelle appartenait Sylla, le dictateur et consul qui mena la guerre contre Jugurtha. Parmi ses ancêtres, on trouverait aussi le marquis de La Fayette ou encore la nièce de Mazarin, Marie Mancini, dont Louis XIV tomba éperdument amoureux.
UNE JEUNE ROMAINE
Paola naît le 11 septembre 1937 dans une grande famille de sept enfants dont elle est la dernière. Elle suit l’enseignement, à Rome, de l’Istituto Villa Pacis et de l’Istituto Sant’Angela Merici.
Elle perd son père, as de l’aviation, en 1948. C’est son frère aîné, Fabrizio, qui devient le chef de la famille en rassemblant sous son nom une liste impressionnante de titres. Qu’on en juge : dixième duc di Guardia Lombarda, 18e comte de Sinopoli, prince de Scilla, prince de Palazzolo, duc de San Martino, marquis de Licodia, comte de Nicotera, baron de Calanna et Crispano, patricien napolitain. Et on ne sait trop si la liste est vraiment exhaustive!
Paola termine ses études gréco-latines au Liceo Caterina Volpicelli, à deux pas de la grande maison qu’elle habite non loin de la Borghese. La jeune fille aime sillonner la cité antique au guidon de sa Vespa, comme tous les Italiens de l’époque. Elle adore le cinéma, prendre une pause dans une trattoria en songeant au prochain bal des débutantes chez les Pallavicini, dont les armes nobiliaires remontent au Moyen Âge.
Comme toute jeune fille de la bonne société d’alors, Paola accompagne les malades au pèlerinage de Lourdes. Sportive accomplie, on la voit dévaler les pistes de Gstaad, station huppée helvétique, ou faire de l’équitation en Toscane. À moins qu’elle ne rame sur le lac de Bracciano dans le Latium ou qu’elle ne nage une brasse endiablée. Elle n’hésitera jamais, plus tard, à enfourcher la moto derrière son mari.
LE COUP DE FOUDRE
Si tous les Belges attendent avec impatience l’annonce du mariage de leur roi, la surprise vient de son frère et est indirectement provoquée par Baudouin. En cette année 1958, on attend la fumée blanche au Vatican annonçant l’élection du nouveau pape. Pie XII, dont la réputation souffre de son peu d’engagement contre le fascisme durant la guerre, vient de décéder. Le choix se porte sur Jean XXIII, un homme d’Église bien différent de l’allure aristocratique de son prédécesseur. Issu d’une famille modeste de 14 enfants, le nouveau souverain pontife, qui sera plus tard béatifié, va radicalement changer le visage de l’Église en convoquant le grand concile Vatican II, censé redécouvrir le message chrétien original.
C’est Albert qui représente notre pays lors de l’intronisation de Jean XXIII. Mais le passage dans la capitale italienne pour un tel événement ne peut se concevoir sans une série de réceptions, dont un grand dîner donné par l’ambassadeur de Belgique auprès du Saint-Siège. Sachant le frère du roi sensible aux charmes féminins, on y a invité de jolies héritières de grandes familles italiennes. Comme le souligne si bien Patrick Weber, grand spécialiste de notre monarchie : « Le diplomate était loin de se douter qu’il était en train de jouer les entremetteurs et de donner à la Belgique une de ses futures reines. «
Parmi les convives, dans ce bien agréable cénacle, nul doute que Paola est la plus belle. Si fine qu’elle foudroie aussitôt du haut de ses 21 ans le coeur du jeune prince qui en a trois de plus. Tant et si bien que, peu désireux de rejoindre la grisaille bruxelloise, Albert ne se fait pas prier pour prolonger son séjour en Italie. Il en profite pour revoir à plusieurs reprises l’élue de son coeur, loin de toutes contraintes, comme son père l’avait vécu avec Astrid. Les tourtereaux apprennent à se connaître davantage lors de longues promenades à l’ombre des cyprès dans la campagne romaine.
Sûr de son choix, Albert présente la jeune fille aux membres de la famille royale, qui vit encore réunie au château de Laeken autour de Léopold III et de Lilian. L’annonce des fiançailles ne tarde pas, même s’il peut paraître incongru que le petit frère se marie avant l’aîné. Pourquoi titiller inutilement l’impatience des amoureux ? La perspective de cette union ne peut que ravir l’importante communauté italienne qui a rejoint la Belgique peu après la guerre, suite à un traité signé entre l’Italie et la Belgique. Trois ans plus tôt, elle a payé un lourd tribut à la mine lors de la catastrophe du Bois du Cazier, le 8 août 1956. Nul doute aussi qu’une princesse italienne favoriserait l’intégration parfois difficile dont souffrent cette nouvelle main-d’oeuvre et leurs familles.
UN GRAIN DE SABLE
Mais alors que tout a l’air de se dérouler sous de bien heureux auspices, un grain de sable vint enrayer la belle machine. S’étant rencontrés à l’occasion de l’intronisation du nouveau pape, il paraît normal aux fiancés que Jean XXIII bénisse leur union. C’est sans compter sur les anticléricaux auxquels on donne l’occasion de rappeler les liens trop étroits à leur goût que la famille royale entretient avec l’Église. D’autres, qui aiment les belles histoires de prince et de princesse, veulent vivre cet événement en Belgique, qui n’en a plus connu de pareil depuis plus de quarante ans. Enfin, une cérémonie de ce type est excellente pour les commerces. Pourquoi donc s’en priver ou laisser d’autres en profiter? Le gouvernement belge fait donc preuve de beaucoup de tact pour expliquer au Vatican qu’il faut renoncer à un tel projet, au nom de la raison d’État.
Le mariage, retransmis en direct à la télévision, a lieu à Saints-Michel-et-Gudule le 2 juillet 1959, un an à peine après l’Exposition universelle qui a fait de la Belgique l’éphémère centre du monde. Des larmes sont versées par Paola, certes, mais aussi par Lilian, qui a remplacé Astrid, cette maman enlevée si jeune à l’affection du prince, dans l’éducation d’Albert. Mieux encore, pour souligner parfaitement l’entente de cette famille recomposée, la princesse Marie-Christine a été choisie comme une des filles d’honneur. En revoyant les images, on voit aussi l’émotion du roi Léopold III et toute la solennité de Baudouin. À moins que la gravité de son visage ne renvoie une certaine mélancolie de n’être pas à la place de son frère, alors qu’il approche la trentaine. On voit également la reine Élisabeth affichant la grande forme, tout sourire de vivre ce si beau moment et très prévenante quand il s’agit de réajuster le voile de la mariée. Un journaliste lisant sur les lèvres du prince s’adressant durant l’office à Paola croit pouvoir discerner ces quelques mots : « Es-tu heureuse? Tu n’es pas malade? Je t’aime! »
Le couple élit domicile au Belvédère, qui a servi de salles de réception pendant l’Exposition universelle et de résidence à son commissaire, le baron Georges Moens de Fernig. Aux fourneaux pour nourrir tout ce beau monde, un certain Pierre Romeyer, qui sera chef de l’un des rares trois étoiles du pays. La demeure plaît tellement aux jeunes époux qu’ils l’habitent toujours actuellement et ne l’ont guère quittée durant toute la durée du règne.
Trois enfants naissent de cette union. Philippe, le 15 avril 1960, Astrid, le 5 juin 1962, et Laurent, le 19 octobre 1963. Laissons à Jo Gérard, historien et journaliste, le soin de nous tracer les grandes lignes de leur personnalité : « Philippe par tant de traits de son caractère fait songer à Albert Ier, tandis que son frère cadet Laurent ressemble plutôt à notre régent Charles, son grand-oncle, donc fantaisiste, guère discipliné et jouissant de la vie sans se corseter de contraintes doctrinales. Laurent a hérité de l’intuition maternelle comme Charles de celle de la reine Élisabeth. La princesse Astrid ne ressemble guère à sa mère, sauf par leur commun amour envers la peinture et les artistes. Astrid est moins imprévisible que Paola, plus organisée. »
En décembre 1960, le visage du roi Baudouin s’illumine enfin au bras de Fabiola. La Belgique a enfin une reine.
L’ORAGE
Malheureusement, des nuages assombrissent le couple princier. Est-ce l’Italie qui manque à « Dolce Paola », pour reprendre le titre de la chanson que le chanteur Salvatore Adamo lui consacre en 1965? Elle y retourne souvent, trop souvent, au point d’enfreindre alors les règles les plus élémentaires : elle s’est vu refuser l’entrée du Vatican parce que sa jupe était trop courte. On prête au couple des aventures extraconjugales, supposées ou confirmées. Le divorce frappe à la porte.
Baudouin et Fabiola mettent toute leur puissance de conviction à ramener l’harmonie dans le couple, notamment par la force de la religion et du renouveau charismatique. « Albert, décrypte Patrick Weber, aurait vécu comme un terrible échec la faillite de son couple, lui qui avait toujours cherché à créer un modèle familial qui lui avait tellement manqué pendant son enfance. Le prince est un homme pragmatique et il ne fait aucun doute qu’il aurait pu surmonter l’épreuve d’une séparation définitive. Mais la blessure qui se serait ouverte l’aurait assurément fait souffrir durant le reste de sa vie. »
TOUS AZIMUTS
À la fin des années 1970, redevenue plus proche de son mari, on aperçoit rarement Paola en public. Bien que femme du prince héritier dans l’ordre de succession au trône, elle n’a aucune fonction officielle bien définie et ne prononce jamais aucune allocution. Elle se contente alors d’être la présidente d’honneur de l’OEuvre royale des berceaux princesse Paola, les fameux noirauds, fondée au départ pour sauver de la faillite une crèche de Bruxelles. Notons que pour faire taire la polémique autour de leur grimage, que d’aucuns perçoivent comme raciste, les Noirauds sont devenus de nos jours tricolores, en alliant dans leur maquillage les trois couleurs nationales!
En 1973, Paola accepte de présider la section belge de l’Association mondiale des amis de l’enfance et le cercle Vivaldi de Belgique, fondée en 1953 par trois étudiants passionnés par l’oeuvre du grand compositeur italien quasi inconnu. Elle assistera à plusieurs reprises à des concerts consacrés aux opus de l’auteur des Quatre saisons.
UNE COURONNE IMPRÉVUE
Au décès du roi Baudouin, en 1993, le prince Albert devient roi et Paola reine. Elle n’a alors pas d’autre fonction que celle d’accompagner son mari lors des cérémonies et visites officielles, dans les voyages à l’étranger et aux réunions réunissant le gotha de la planète. En vingt ans de règne, le couple royal a effectué vingt-neuf voyages d’État à l’étranger, moins que certains présidents de la République, mais la liste demeure impressionnante.
La voici : Grand-Duché de Luxembourg, Suède et Espagne en 1994, Danemark et Allemagne en 1995, Finlande et Japon en 1996, Norvège et Autriche en 1997, Russie et Italie en 1998, Pologne et Portugal en 1999, Pays-Bas, Tchéquie et Suisse en 2000, Grèce en 2001, Hongrie en 2002, Bulgarie et France en 2003, Maroc en 2004, Chine en 2005, Lituanie en 2006, Lettonie et Irlande en 2007, Estonie et Inde en 2008, Roumanie en 2009, et à nouveau l’Allemagne en 2011.
Mais à l’instar de Fabiola, Paola se montre particulièrement prévenante lorsque le couple royal accueille des hôtes étrangers. Elle assiste également à de nombreuses remises de distinctions ou de diplômes à des Belges méritants. Elle n’est jamais présente aux audiences royales, qui demeurent une prérogative du roi. Néanmoins, ce principe souffre d’une exception peu après l’affaire Dutroux, quand on réunit au palais de Bruxelles toutes les familles des victimes de la violence.
Dans le domaine social, la reine poursuit l’action remarquable du secrétariat social de la reine Fabiola qui reçoit chaque année un nombre incalculable de demandes de personnes en difficulté ou en précarité. Ses collaborateurs tentent de trouver une solution, en coordination avec les ministères, les Centres publics d’aide sociale et de bien d’autres institutions. Les cas les plus dramatiques font l’objet d’un petit coup de pouce financier d’un fonds géré par Les OEuvres de la reine.
LA FONDATION ET AUTRES
Et la Fondation reine Paola? Elle tient particulièrement à coeur à la souveraine qui, aujourd’hui encore, s’y implique énormément en organisant des rencontres avec des jeunes, en présidant des concerts philanthropiques dans des lieux prestigieux tout en s’appuyant sur de nombreux bénévoles. Si l’on en croit le site fort complet de la fondation : « Établissement d’utilité publique, la fondation princesse Paola (devenue ensuite fondation reine Paola) a été créée en décembre 1992 pour soutenir des projets concrets émanant d’organisations ou de personnes venant en aide à des jeunes particulièrement éprouvés par la vie, confrontés à des problèmes familiaux, de formation ou de réinsertion. Les interventions sont toujours attribuées pour un projet déterminé, disposant d’un budget précis et éventuellement pluriannuel. Depuis l’année scolaire 1996-1997, la reine remet chaque année le prix reine Paola pour l’Enseignement à des projets pédagogiques intéressants et novateurs d’enseignants, alternativement du primaire et du secondaire. La fondation reine Paola a aussi mis en oeuvre le programme L’École de l’Espoir, qui soutient inancièrement des écoles belges travaillant dans un milieu social difficile. »
La reine accepte aussi la présidence d’honneur du centre Child Focus, dans lequel elle sera remplacée par la reine Mathilde, en 2014. Paola invite d’autres pays à créer de tels centres en faisant visiter à toutes les épouses des chefs d’État en visite en Belgique les bureaux de l’association. Elle est également présente en 1999 à la conférence internationale organisée en Pologne pour le 10e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant et organise une semblable réunion au Palais royal de Bruxelles en 2004 et en 2010.
Les associations où la reine est active à l’époque – et parfois encore de nos jours – sont particulièrement nombreuses et variées aussi bien dans le domaine social qu’artistique. Citons parmi d’autres : l’OEuvre nationale des aveugles, l’Institut Albert Ier et Élisabeth, l’opération Simon et Odil pour les enfants hospitalisés, la Croix jaune et blanche, l’association Lucia… En ce qui concerne la culture, elle a accordé son haut patronage au Festival et au Concours international de chant baroque du château de Chimay, à l’association The New Belgica, à la Galerie de prêt d’oeuvres d’art du château Malou (créée en 1972), au Printemps musical de Silly 2010 et au Concours poétique biennal Pyramides 2008, organisé par l’université de Liège. Et la liste est loin d’être exhaustive.
Elle assure toujours de nos jours avec beaucoup de bonheur la présidence de la Chapelle musicale reine Élisabeth à Waterloo à laquelle elle rend régulièrement visite pour y écouter un concert ou rencontrer les élèves.
L’OMBRE DE DELPHINE
À la suite de la révélation de l’existence d’une fille qu’il aurait hors mariage, le roi Albert adresse son message télévisé traditionnel à ses chers compatriotes, la reine à ses côtés, en 1999. Il se confie en toute simplicité en reconnaissant que son couple n’a pas été un long fleuve tranquille, mais qu’aujourd’hui, la confiance est revenue dans le couple, même si le vivre représente un combat quotidien.
Depuis lors, nul nuage ne semble assombrir la relation entre Paola et Albert malgré la longue bataille juridique qui oppose depuis des années les avocats du roi et de Delphine Boël. Celle-ci s’affirme comme étant sa fille naturelle, qu’il aurait eue de sa liaison avec Sybille de Sélys Longchamps, et demande à être reconnue par le roi. Si les conclusions s’avèrent favorables à Delphine, il n’y aurait que bien peu de Belges à reprocher à quiconque une faute ou une faiblesse.
En 2002, Paola, devenue reine, s’adresse publiquement en ces termes : « Je pense qu’un mariage dure tant que la volonté de continuer ensemble est présente. Au début, l’attirance physique joue certes un rôle, mais avec le temps, le respect mutuel, l’estime l’un pour l’autre deviennent d’une importance capitale. Comme beaucoup de couples, le roi et moi avons connu des moments de bonheur, mais aussi des moments pénibles. ».
SES PASSIONS
Ce qu’Albert et Paola aiment par-dessus tout, c’est la bonne cuisine, à laquelle Paola ajoute toute l’élégance italienne dans la nuance des sauces et des épices, mais aussi dans la présentation du plat, car un mets se dévore d’abord avec les yeux. Et dans ce domaine également, la souveraine adore innover.
Italienne jusqu’au bout des ongles, esthète accomplie, Paola adore restaurer, transformer, décorer comme se montrer ambassadrice des meilleurs couturiers belges comme Édouard Vermeulen et la maison Natan ou encore Olivier Strelli, mais sans ostentation ni dans les accessoires, ni dans le choix des couleurs, même s’il lui arrive de laisser exprimer, à travers certaines tenues, toute son exubérance latine. À cette in, il lui arrive de faire appel à Giorgio Armani.
Le palais du Belvédère n’est jamais ouvert au public et les réceptions y sont rares, ce qui n’empêche pas la reine de soigner sa décoration en la remettant au goût du jour, tout comme le jardin qu’elle chérit au point qu’elle ne veut pour rien au monde le quitter pour le palais de Laeken. Ce choix ne l’empêche pas de remettre en état la maison que Léopold III a fait construire dans le parc de Laeken. Il abrite les jeux des enfants royaux et est le théâtre du premier anniversaire de la future princesse Élisabeth. C’est sous l’impulsion de Paola également que la chapelle du château de Ciergnon, où seront baptisés les petitsenfants des souverains, retrouve tout son lustre. Albert et Paola deviennent aussi citoyens d’honneur de l’île de Salina dont ils financent de leurs propres deniers la restauration de l’église.
La reine n’a pas peur d’innover – ce que d’aucuns ont pu qualifier de sacrilège – en demandant à plusieurs artistes de donner un fameux coup de modernité au palais de Bruxelles. Elle crée un comité artistique dans le but d’harmoniser des oeuvres contemporaines à la rigidité d’un bâtiment classique. Cette magnifique initiative, sans doute unique en Europe, permet d’inaugurer, en octobre 2002, trois oeuvres d’artistes belges : une série de photos de Dirk Braeckman, sept toiles de la peintre Marthe Wéry et le revêtement du plafond de la salle des Glaces par Jan Fabre. Il peut surprendre. Mais de tout temps, les bâtiments ne sont jamais restés figés et le palais en est un exemple, puisqu’il a déjà été complètement transformé par Léopold II. En juillet 2004, une quatrième oeuvre est dévoilée dans la salle Empire : Les Fleurs du Palais Royal, conçue par Patrick Corillon, sont en fait onze pots dorés et onze histoires évoquant des légendes autour des fleurs originaires des dix provinces de Belgique.
C’est toujours avec le souci de faire connaître les grands talents artistiques de notre pays, notamment lors des visites d’État à l’étranger, que Paola demande à de grandes compagnies belges de se produire. Avec pertinence, Patrick Weber rappelle la remarquable prestation que fit la compagnie Charleroi-Danse en Hongrie devant tout le gratin de cette république d’Europe centrale.
On connaît l’intérêt qu’ont porté tous nos souverains à la beauté de la nature, sa préservation et l’agencement des jardins. Léopold Ier a été à bonne école d’abord à Cobourg et ses nombreuses forêts, puis en Angleterre aux côtés de Charlotte, sa première épouse. Léopold II a aménagé parcs et avenues arborées à Bruxelles, sans compter les magnifiques serres qui, à Laeken, chaque printemps, sont ouvertes au public. Amateur des espaces grandioses que lui offraient les montagnes qu’il aimait tant escalader, le roi Albert Ier a aussi été un amateur éclairé de la flore. Léopold III, dans ses expéditions lointaines, a découvert et photographié des régions alors vierges, et qui ont complètement disparu. Dès les années 1930, il évoquait la nécessité de la protection de l’environnement et son action se perpétue aujourd’hui dans la Fondation qu’il présida à cette fin. Sa fille Esmeralda a remarquablement repris le flambeau. On lui doit notamment un livre parfaitement documenté dans lequel elle a interrogé les grands témoins de notre planète et de son écologie. Elle a également produit, avec le réalisateur Nicolas Delvaulx, un magnifique documentaire sur le parc de Virunga, au Congo, refuge des gorilles. Et cet été 2019, elle n’a pas hésité à gravir, avec sa fille et un cousin, le Kilimandjaro au profit d’une oeuvre.
Paola n’a rien à envier à ce panel royal puisqu’elle est devenue véritablement une architecte de jardin en s’inspirant de maîtres à penser comme le célèbre René Pechère. Créatrice de l’arboretum de Kalmhout, c’est dans la demeure que le couple royal a acquis en 1967 à Feneffe qu’elle a donné libre cours à tous ses talents. Elle a fait de même dans le parc de Ciergnon, qui avait besoin d’un sérieux coup de jeune. Celui de Laeken a repris vie sous les conseils avisés de la souveraine. D’ailleurs, elle a accordé son haut patronage à l’asbl Open Tuinen van België-Jardins Ouverts de Belgique, créée par la baronne Jelena de Belder.
L’ABDICATION EN FAVEUR DE PHILIPPE
Le 21 juillet 2013, le roi Albert abdique en faveur de son fils Philippe. Depuis, les souverains continuent à mener une vie tranquille loin des obligations protocolaires qu’ils ont réduites au strict minimum, peu désireux de faire de l’ombre à Philippe et Mathilde.
Mais ne masquons pas les difficiles relations entre les deux rois, notamment lors des crispations nées autour de la dotation royale qu’Albert se voit réduire par le gouvernement. Il en va de même pour les liens souvent chaotiques que Laurent entretient avec le reste de la famille et qui éclatent souvent au grand jour. Les petits-enfants et leur arrière-petite-fille que leur a donnés Amadeo, le fils d’Astrid, sont sans nul doute un réconfort et c’est toujours quasi au complet que la famille assiste aux grands événements familiaux.
C’est à la chapelle musicale reine Élisabeth, à Waterloo, que toute la famille royale se réunit à l’occasion des 80 ans de la reine Paola. Quelque temps plus tard, en septembre 2018, la reine doit être rapatriée d’urgence à cause d’un malaise survenu alors que le couple royal était à Venise. Heureusement, elle se rétablit rapidement.
TELS DE SIMPLES CITOYENS
Désormais, loin des clichés glamour des sixties, Albert et Paola se promènent comme des citoyens lambda, main dans la main, saluant avec simplicité un compatriote qui les reconnaît sur leurs lieux de vacances à Châteauneuf-de-Grasse, où ils possèdent une propriété, ou encore dans les ports où accoste le yacht royal, piloté de main de maître par Albert, qui a été officier de marine.
Pour terminer, Patrick Weber rappelle qu’en 2002, Paola n’a pas hésité à donner ses réponses aux questions qui lui ont été posées par de citoyens. Elle parle alors de son admiration pour Fabiola et Baudouin, sa grande émotion et celle de son mari devant les victimes de Marc Dutroux, sa première rencontre avec les Italiens exilés dans le Borinage, sa méconnaissance du néerlandais et son amour pour les créations artistiques contemporaines déclarant à ce sujet : » Je serais heureuse si l’on pouvait retenir que j’ai essayé de mettre la beauté en valeur, toute la beauté qui est en nous et hors de nous. La beauté peut se partager et ce partage rapproche. » Des Belges, elle dit : » Ce que j’apprécie le plus ici en Belgique, c’est que les gens ont du coeur. Mais je dois ajouter que, parfois, ils sous-estiment trop leurs qualités et celles de notre pays. «
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