Il y a 40 ans, la France abolissait la peine de mort: bourreau et guillotine prenaient leur retraite
Il y a quarante ans, la France supprimait la peine de mort et mettait au rebut la guillotine, tristement célèbre dans le monde entier depuis la Révolution, et qui sera restée jusqu’au bout le moyen officiel dans le pays d’exécuter les condamnés.
C’est une abolition tardive pour une démocratie: la France est le 35e pays, et le dernier de la Communauté européenne de l’époque, à en finir avec la peine de mort. C’est aussi le succès d’un homme, l’avocat Robert Badinter, qui en avait fait le combat de sa vie. Nommé ministre de la Justice par le président socialiste François Mitterrand, dont l’abolition était une des promesses de campagne, c’est lui qui fera voter le 30 septembre 1981 la fin de cette « barbarie », alors que les sondages de l’époque font encore état de 67% de Français favorables à son maintien.
– 1791, la guillotine –
Inventée peu avant la Révolution, la machine de Dr Guillotin est présentée au roi Louis XVI comme une façon plus humaine d’exécuter le condamné.
Pour les membres de l’aristocratie, à qui est jusque-là réservée la mort « noble » par décapitation, Guillotin explique qu’il s’agit de ne plus voir « le bourreau frapper dix fois de sa hache avant de parvenir à ses fins ». Pour les autres condamnés, elle remplace la pendaison mais aussi parfois la roue, l’écartèlement, le bûcher ou d’autres morts plus imaginatives.
Le 1er juin 1791, le gouvernement révolutionnaire impose la guillotine comme seul mode de mise à mort autorisé, excepté pour les militaires, les émeutiers ou les espions.
– 1939, dernière exécution publique –
La dernière exécution publique aura lieu le 17 juin 1939, à Versailles, sur la personne d’Eugen Weidmann, un Allemand de 31 ans, condamné pour six assassinats commis en France. La foule déborde le service d’ordre et ses comportements hystériques, comme ceux des journalistes, provoquent un vif émoi au plus haut sommet de l’État.
Le chef de l’Etat, Edouard Daladier, constate que les exécutions en « places publiques » n’ont pas eu « l’effet moralisateur » attendu, mais « pratiquement donné des résultats opposés ». Le 24 juin 1939 un décret stipule que « l’exécution se fera désormais dans l’enceinte de l’établissement pénitentiaire », en présence de neuf personnes.
– Bourreaux de père en fils –
Trois générations de Deibler, six générations de Sanson ont produit les plus célèbres bourreaux de France.
Les Deibler (1822-1939) sont restés célèbres pour avoir été les derniers à guillotiner en public, les Sanson (1688-1842) pour avoir coupé toutes les têtes de la Révolution française à Paris, notamment celles de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
Au début du XXe siècle encore, le bourreau est un personnage célèbre, adulé parfois. Les Deibler défendront leur « art ». Une parfaite synchronisation réduit le temps de l’exécution à une quinzaine de secondes alors qu’un mauvais bourreau peut mettre une minute, diront-ils.
– 1981, l’abolition –
Les deux dernières exécutions capitales en France, en 1977, seront celles de Jérôme Carrein pour viol et meurtre d’une enfant et de Hamida Djandoubi, pour l’assassinat d’une jeune femme. Les condamnés suivants seront tous graciés.
Le 30 septembre 1981, six mois après l’élection de François Mitterrand, la loi portant abolition de la peine de mort défendue par le ministre Robert Badinter est adoptée. Elle sera promulguée le 9 octobre.
« Il n’a jamais, jamais, été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante », soulignera M. Badinter. « La vraie signification politique de la peine de mort », ajoute-t-il, « c’est bien qu’elle procède de l’idée que l’Etat a le droit de disposer du citoyen jusqu’à lui retirer la vie. C’est par là que la peine de mort s’inscrit dans les systèmes totalitaires ».
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