Maryse Wolinski témoigne des épreuves vécues depuis les attentats contre Charlie Hebdo
Maryse Wolinski, la compagne du dessinateur de Charlie Hebdo, décrit les cinq années vécues depuis l’attentat. De l’impossible résilience à la détermination à combattre.
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Quelques mois après l’attentat au cours duquel son compagnon, le dessinateur Georges Wolinski, avait été froidement assassiné, Maryse Wolinski avait publié le récit de ces heures tragiques sous le titre « Chérie, je vais à Charlie », les derniers mots qu’il lui avait adressés (1). Dans son nouveau livre, Au risque de la vie (2), elle parcourt les cinq années vécues depuis le drame en s’adressant directement à son principal auteur, Chérif Kouachi. Avec une grande sincérité, Maryse Wolinski parle de l’extrême douleur de l’absence, insiste sur l’impact de la violence subie dont beaucoup n’ont pas conscience et décrit l’autre combat qu’elle a dû engager, contre le cancer. Morceaux choisis.
Face à la terreur. « Désormais, la terreur est de mon côté. Tout autant que la violence, elle ne m’habite pas, elle m’envahit. Comme elle a envahi le coeur de ma fille. Certains soirs, elle appelle. Sa voix craque dès la première phrase, un flot de sanglots dit son chagrin, son désespoir, sa désillusion face à la vie. Ils s’aimaient fort, tous les deux. » Pourtant, le 7 janvier, jour de l’attentat, Maryse Wolinski avait enjoint à sa fille : « Nous ne pleurerons pas. »
Face à la résilience. « J’entends dire autour de moi : « La résilience viendra, ne t’enferme pas dans le passé, tu vas te reconstruire… » Ceux qui parlent ainsi n’ont rien compris à l’impact de la violence de l’attentat, la violence de l’annonce de l’attentat comme celle de l’annonce du décès, la violence de ceux et celles qui restent dans le déni de la monstruosité vécue et vous demandent de rester vivante quand vous êtes à moitié morte. » D’où cette cohabitation forcée avec la violence : « Notre deuil ne ressemble pas aux autres. Il a subi la violence de l’attentat et les autres violences qui ont suivi. J’ai posé et je pose des actes de résilience mais je ne suis pas résiliente pour autant. La violence fait partie de moi-même. »
Face au cancer. Maryse Wolinski s’interroge sur l’origine de son cancer. « La violence de l’attentat et toutes les autres violences traversées depuis ont dégradé mon système immunitaire, bouleversé mes émotions. Au point de faire exploser la maladie ? » Est-elle capable de transformer celle-ci en force ? « Je veux croire à la lumière qui jaillira des ténèbres dans lesquelles tu as voulu m’enfermer, Chérif. Le cancer aurait pu devenir, comme il l’est pour beaucoup de malades, une « explosion de désespoir », selon la formule de l’écrivain Fritz Zorn. […] L’oncologue elle-même m’a placée devant la mort, et moi, pourtant, je résiste, malgré la violence et l’absence, j’ai confiance en une suite au-delà de l’horizon. […] Ce qui compte, ce n’est peut-être pas de gagner, mais de combattre. »
Face à l’avenir. « La violence de l’attentat m’a détruite même si demeure la force intérieure. Tu m’as blessée, Chérif, blessure profonde, mais tu ne m’as pas terrorisée, tu n’as pas gagné ma haine. Malgré mes cauchemars, je reste « celle qui va », décidée à combattre sans relâche le mal que tu as provoqué. »
(1) « Chérie, je vais à Charlie », par Maryse Wolinski, Seuil, 2016, 142 p.
(2) Au risque de la vie, par Maryse Wolinski, Seuil, 156 p.
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