Carte blanche
Que faire de ses déchets électriques et électroniques ?
La réutilisation ou réemploi du matériel ancien et déclassé : un enjeu environnemental majeur pour le futur à Bruxelles ! Contribution au débat sur la gestion régionale des déchets.
L’histoire de la gestion des déchets en Europe tient à la propreté publique et parfois à des visions hygiénistes de l’espace public, bien plus qu’à des préoccupations environnementales plutôt récentes.
Aujourd’hui, la notion même des déchets se confond avec celle de matières premières à réutiliser dans un contexte de pénuries stratégiques mondiales et de profusion de rejets polluants.
Certains industriels et éco-organismes communiquent d’ailleurs sur le bénéfice planétaire du recyclage qui, au final, reste un processus de destruction d’objets pour en récupérer certains éléments économiquement plus ou moins viables.
Dans le secteur des plastiques par exemple, « la faible part de plastiques recyclés dans l’Union européenne représente une lourde perte pour l’économie ainsi que pour l’environnement. On estime que 95% de la valeur des matériaux d’emballage en plastique sont perdus au terme d’une première utilisation très brève ».
Il faut sans doute dépasser cette approche qui ne règle pas, à terme, les déséquilibres des systèmes environnementaux et économiques de la planète.
La notion de réutilisation ou de réemploi des objets ou matières – dont l’upcycling qui vise à recréer avec d’anciens éléments de nouveaux produits – complète une hiérarchie d’actions positives à mener tant du côté des entreprises que des particuliers.
Pourtant si la réutilisation est donnée comme un élément gagnant, elle n’est pas facile à mettre en place.
Elle bute sur de nombreuses difficultés qui touchent à des intérêts industriels contradictoires, les difficultés techniques propres au recyclage, mais aussi à de vieilles habitudes de collecte ou de gestion des déchets.
Le système est conçu comme un entonnoir qui ne récupère, au bout du compte, que ce qui a échappé au broyage et aux nombreuses ponctions informelles des acteurs présents dans la chaine. Les pertes globales dans un domaine tel que les déchets électriques et électroniques sont énormes, et chiffrées dans un rapport des Nations Unies à 60% en Europe. Elles alimentent en outre des filières criminelles.
De nombreux objets de consommation courante ou industrielle présentent pourtant des éléments technologiques récupérables pour l’upcycling. Mais il n’existe pas ou très peu de lieux qui pratiquent a priori une analyse et un tri des parties réutilisables. Les déchets d’une ville telle que Bruxelles s’exportent bien loin et ne profitent pas ni d’une action productive locale ni aux populations non qualifiées en recherche d’un travail. C’est donc en inversant le système que l’on pourrait améliorer son efficacité environnementale. On se prend à rêver d’un tissu local en ville d’ateliers pouvant réutiliser et extraire avant recyclage les objets et matières utiles.
Il faut noter que des expériences existent, mais qu’elles se heurtent souvent à une organisation qui traite les gisements de déchets (ou de ressources) dans une autre perspective, générant des manques d’accès aux gisements. La collecte « préservante », qui « sauf garde » les qualités d’un objet avant recyclage, n’est pas répandue, loin de là !
Il faut pourtant noter un point positif dans le chef de certains consommateurs. Nous constatons de manière croissante un intérêt des Bruxellois à comprendre ce que l’objet amené ou donné peut devenir dans le futur. Il n’est pas rare de voir des citoyens s’inquiétant du sort d’un objet qui leur tient à coeur.
Notre volonté est d’ouvrir cette perspective tant du côté citoyen que du côté des entreprises.
La question n’est pas tant de se débarrasser rapidement de ce qui encombre nos caves, mais de le faire mieux : c’est-à-dire en promouvant les activités les plus vertueuses pour le développement local et le futur de notre planète.
C’est dans ce cadre que CF2D développe un projet, lauréat régional BeCircular 2018, visant à améliorer écologiquement la collecte et le traitement d’équipements informatiques et de petits électroménagers. Par ailleurs, ce projet est mené en partenariat avec la FEBRAP (Fédération bruxelloise d’Entreprises de Travail Adapté (ETA)) et plus spécifiquement avec l’APAM (une entreprise de travail adapté bruxelloise qui met à l’emploi des personnes en situation de handicap). Ensemble, nous visons le développement d’emplois locaux pour des travailleurs précarisés sur le marché de l’emploi.
Face à une certaine confusion des discours que nous rencontrons, c’est un message qu’avec d’autres, nous aimerions faire passer !
Bernard Goffinet, directeur CF2D – Economie sociale et transition écologique, dans le secteur des déchets électriques et électroniques
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