Carte blanche
Le nucléaire, solution à la transition énergétique
Lettre ouverte aux informateurs royaux Georges-Louis Bouchez et Joachim Coens.
Messieurs les informateurs royaux,
L’année qui se termine a atteint des sommets de désinformation en matière de climat et de son corollaire, l’énergie, sommets qui frisent la manipulation. Les deux auteurs de cette carte blanche ne sont pas nécessairement d’accord sur toutes les questions à l’entour de ces débats, mais ils le sont sur un double triste constat. D’une part, l’hystérie actuelle n’est ni appropriée, ni constructive. D’autre part, les solutions proposées pour contrer le changement climatique ne sont pas adaptées.
Le climat change, il a toujours changé et il changera encore, car c’est un phénomène naturel lié à la physique du système Soleil-Terre. Les activités humaines – essentiellement les émissions de dioxyde de carbone (CO2) qui résultent de l’utilisation des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) – contribuent également, d’après la théorie de l’effet de serre, à ce changement.
Depuis la révolution industrielle qui a été rendue possible par l’usage des énergies fossiles la température globale a augmenté de 1,24°C dont presque un degré jusqu’à 2000. Une relation de cause à effet a été établie par le GIEC entre cette augmentation et la croissance des émissions de CO2 d’origine anthropique. Mais l’ampleur et la régionalisation des impacts de ce réchauffement global sur la Terre restent complexes à établir. La science du climat, que l’un de nous a apportée en Belgique, est une science jeune, et partant, il ne peut être question de prétendre que nous savons tout de ce phénomène et qu’il n’y aurait plus qu’à agir. C’est la raison pour laquelle les rapports du GIEC sont extrêmement prudents et – comme il convient en science – utilisent de nombreux conditionnels. La marge d’incertitude est particulièrement grande dans l’estimation des impacts des activités humaines sur le climat, mais une chose est sûre : le catastrophisme est hors de propos.
Or, nous avons assisté cette année à la rupture des amarres du bon sens. Les annonces les plus invraisemblables sont propagées par les médias et les réseaux sociaux ce qui a conduit le monde politique européen à suivre cette inflation. Citons juste pour montrer l’exagération qui prévaut aujourd’hui que le phénomène régulier de « l’acqua alta » à Venise et les inondations en zones inondables seraient dus exclusivement à nos émissions de CO2 et donc à nos vols en avion ou à notre consommation de viande rouge.
Cette frénésie aux antipodes de la science pousse le monde politique à prendre des décisions en matière de politique énergétique tout aussi inconsidérées que le catastrophisme ambiant.
Depuis 2000 on estime que l’UE et ses États membres ont dépensé de l’ordre d’un trillion d’euros (un million de million !) pour arriver à une part de 1,9% d’énergie éolienne et 0,5% d’énergie photovoltaïque dans le bilan en énergie primaire de l’UE. C’est économiquement aberrant. Avec de tels résultats aussi décevants pourquoi continuer à dépenser l’argent public – que nous avons de moins en moins – dans l’espoir de faire mieux ? Il est plus que temps de constater l’échec des politiques en faveur des énergies renouvelables.
Ne serait-il pas temps dès lors de faire comme l’UE l’a fait avec les biocarburants ? Alors que la directive de 2009 prévoyait un minimum de 10% de biocarburants dans le domaine des transports, devant l’échec économique et environnemental, l’UE a été contrainte d’imposer dans la directive de 2018 non plus un minimum mais un maximum de 1% en plus de ce qui avait été obtenu sur base de l’obligation de la directive initiale.
Cela doit être mis en perspective avec l’augmentation spectaculaire des émissions de CO2 mondiale depuis la COP-1 : + 58% ! Nous sommes en train de pénaliser notre économie avec des nouvelles taxes sur le CO2 en vue, alors que le reste du monde continue à utiliser des énergies fossiles toujours plus abondantes et compétitives. Rappelons que la Chine continue d’investir massivement dans les centrales nucléaires et dans des centrales au charbon hypermodernes et propres qui fonctionneront encore 40 ans. L’échec cuisant des COP-22 à la récente COP-25 en est un symptôme incontestable. Non, les émissions de CO2 ne diminueront pas et ce n’est pas la Belgique – avec ses 0,4% des émissions mondiales – qui montrera l’exemple au monde.
Messieurs les informateurs royaux, il n’y a que deux solutions pour réduire les émissions de CO2. Premièrement, la récession économique. Mais il faut la combattre comme vous le voulez et ce, afin d’accélérer le bien-être de la population belge.
La seconde solution est le recours à l’énergie nucléaire comme il a été amplement démontré par la corrélation entre son développement et la réduction historique des émissions de CO2.
Il est indéniable que les énergies intermittentes que sont l’éolien et le photovoltaïque requièrent d’utiliser en parallèle une capacité équivalente pour sécuriser l’approvisionnement et répondre à la demande (c’est l’objet de la loi sur le Mécanisme de Rémunération de Capacité). Les sources d’énergies renouvelables sont donc automatiquement associées à des sources non-renouvelables et émettrices de CO2 alors que la production en énergie nucléaire n’en émet pratiquement pas.
Le président Macron l’a fait savoir lors du récent Sommet européen puisque, dans ses Conclusions, le Conseil du 13 décembre reconnait – enfin ! – le droit des États à y avoir recours. Oui, le nucléaire reste la production d’énergie la plus décarbonnée et la plus souveraine non intermittente comme le clament d’ailleurs haut et fort d’autres personnalités mondiales.
Dans votre rapport au Roi, nous espérons que vous choisirez le langage de la vérité. Soyez non politiquement corrects, il y va de l’avenir du pays !
André Berger – Professeur de science du climat à l’UCL et docteur honoris causa de 5 universités.
Samuel Furfari – Professeur de géopolitique de l’énergie à l’ULB, vient de publier Energie 2019: Hystérie climatique et croissance des énergies fossiles.
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