Le monde au chevet de la nature
Des espèces menacées de disparition, des paysages ravagés par les flammes ou les pluies, la vie sauvage mise à mal par l’homme: la plus grande organisation de protection de la nature, l’UICN, réunit à partir de vendredi à Marseille son congrès chamboulé par le Covid-19, au moment où la destruction de la nature s’accélère dramatiquement.
« L’UICN est vraiment unique car elle rassemble gouvernements et ONG, (…) grandes comme petites », avec 1.400 membres et le soutien de 16.000 experts, souligne à l’AFP Susan Lieberman, vice-présidente de l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS).
Le congrès, organisé habituellement tous les quatre ans, se tiendra du 3 au 11 septembre après deux reports dus à la pandémie.
Depuis sa dernière édition à Hawaï en 2016, les signaux d’alarme sur l’état de la planète se multiplient. Selon les experts biodiversité de l’Onu, l’IPBES, jusqu’à un million d’espèces animales et végétales sont menacées de disparition. La nature « décline plus vite que jamais dans l’histoire humaine », avertissaient-ils en 2019.
Dès le 4 septembre, la mise à jour de la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN permettra d’ailleurs de prendre la température.
Eau potable, air respirable, nourriture, énergie, médicaments… Les humains dépendent de la bonne santé des écosystèmes qu’ils sont en train de détruire.
Des négociations internationales sont en cours pour tenter d’inverser la tendance, dans le cadre de la COP15 biodiversité qui se tiendra en Chine en avril 2022.
Sans être un espace de négociations à proprement parler, le congrès de l’UICN y jouera un rôle, en réunissant différents acteurs et en définissant des priorités pour les prochaines années.
« Quand l’UICN dit +ceci est notre position+, ce n’est pas celle d’une association de protection de la nature de plus, c’est la position éclairée de presque tous les gouvernements et ONG », souligne Susan Lieberman.
Point positif, « la sensibilisation du public est bien plus grande » qu’en 2016, de même que celle du monde économique, constate Gavin Edwards de WWF International.
Prévenir la prochaine pandémie
L’UICN doit également voter une série de motions lors de ce congrès.
Elle adoptera une déclaration finale qui devrait porter sur « la place de la nature dans les plans de relance économiques post-Covid », « une nouvelle stratégie mondiale de la biodiversité ambitieuse » s’accompagnant d’un « plan d’action mondial pour les espèces », et « la contribution de la nature à la lutte contre le changement climatique », indique Sébastien Moncorps, directeur de l’UICN France, à l’AFP.
Bousculé par le Covid-19, le congrès se tiendra aussi en virtuel, avec plus de 5.000 participants inscrits, dont 3.600 à Marseille, contre 15.000 espérés et une participation moindre des pays en voie de développement, faute notamment de vaccins.
Nouveauté cette année : il comprendra une partie dédiée au grand public et gratuite.
Le président français Emmanuel Macron est attendu à Marseille, alors que pour la première fois depuis la création en 1948 de l’UICN à Fontainebleau, le congrès mondial de la nature se tient en France.
Autre nouveauté, les organisations des peuples autochtones membres pourront voter. Leur rôle est de plus en plus reconnu pour protéger la nature et ils participeront « avec l’objectif unique de revendiquer notre droit à exister comme peuple, à vivre avec dignité sur nos territoires », fait savoir à l’AFP José Gregorio Diaz Mirabal, de la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien.
Les questions économiques et financières tiendront aussi une place centrale. « Il faudrait entre 750 et 1.000 milliards de dollars chaque année d’investissements positifs pour la nature d’ici 2030, on estime qu’on est aujourd’hui à 150, dont 80% d’argent public », constate Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement (AFD).
Les « solutions fondées sur la nature », qui permettent de préserver ou de restaurer des écosystèmes mais aussi de lutter contre le changement climatique sans infrastructures ou technologies, comme par exemple le maintien de la mangrove plutôt que des digues pour éviter la submersion du littoral, seront aussi « un sujet brûlant », estime Gavin Edwards.
Sans oublier un point essentiel: alors que l’hypothèse d’une transmission du virus Covid-19 de la faune sauvage à l’homme est sur la table, « nous devons nous en occuper pour éviter la prochaine pandémie », avertit Susan Lieberman.
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