En mai tonte à l’arrêt: « Mettre des priorités selon l’utilisation de son jardin »
Particulièrement nocifs pour la biodiversité, les pesticides restent encore fréquents dans nos jardins. Pour l’asbl Adalia, il est crucial d’y adopter les techniques de gestion différenciée.
Pulvériser pour contrôler. Pendant des décennies, le recours aux pesticides s’est fait dans une relative insouciance, avant d’en cerner les méfaits. En octobre 2009, l’Europe adoptait une directive pour une « utilisation des pesticides compatible avec le développement durable », transposée par la Belgique en 2013 dans un plan d’action national (le Napan) et par des programmes pluriannuels propres à chaque Région. Partenaire de l’opération « En mai, tonte à l’arrêt » du Vif, l’asbl Adalia est l’un des membres de la coupole du Programme wallon de réduction des pesticides (PWRP). Entretien croisé avec Marie André, sa directrice, et Bastien Domken, conseiller technique pour les particuliers.
Les programmes successifs de réduction des pesticides portent-ils peu à peu leurs fruits?
Bastien Domken : Il est encore tôt pour le savoir, parce que l’on n’a pas encore le recul nécessaire. On a toutefois l’impression que le grand public est plus sensible à la problématique. Les médias ont aussi joué un rôle en ce sens, puisque l’affaire avec Monsanto et le glyphosate a fait beaucoup de bruit. Mais beaucoup d’autres pesticides sont encore utilisés aujourd’hui. Il reste donc du chemin à parcourir.
Marie André: Cette sensibilisation est difficile à évaluer. Ce que l’on peut mesurer, en revanche, ce sont les concentrations de pesticides agricoles ou domestiques dans les sols, les eaux de surface et souterraines. A l’heure actuelle, il y a toujours des endroits, par exemple dans le Brabant wallon, où le taux de pesticides mesuré par certaines stations est trop élevé, et présente donc un risque pour la bonne utilisation de l’eau. Or, on sait que ceux-ci sont d’origine domestique.
Au niveau quantitatif, le recours aux pesticides est-il plus problématique dans l’agriculture que dans les jardins?
B. D.: C’est une question à nuancer. Il est certain que l’utilisation est plus grande dans l’agriculture comme dans l’horticulture, de l’ordre de 80 à 90% du total. Mais si on regarde l’utilisation au mètre carré dans les parcs et jardins de particuliers, on se rend compte que la concentration de pesticides y est jusqu’à quatre fois plus importante que dans des exploitations agricoles. D’où la nécessité d’informer les citoyens, qui ne prennent pas toujours le temps de s’approprier d’autres techniques.
M. A.: En 2019, une enquête Ipsos avait notamment révélé que 34% des Belges utilisaient des pesticides, ce qui n’est pas négligeable. Et parmi ceux-ci, 30% disaient ne pas lire les notices. Contrairement aux professionnels, le jardinier du dimanche qui utilise les pesticides ne procède parfois pas non plus à la bonne dilution.
Quelles sont les principales nuisances causées par les pesticides?
M. A.: Cela varie en fonction du type de pesticides utilisé. En ce qui concerne la santé humaine, on parle toujours d’impact potentiel, car il n’y a pas, à ce jour, d’étude qui établit avec certitude un lien de causalité. Au niveau de l’environnement, en revanche, il y a un impact clair sur les organismes aquatiques et sur la vie microbienne du sol. Il faut aussi avoir conscience qu’un pesticide visant à éliminer une espèce altérera les autres maillons de l’écosystème, qui ne sont pourtant pas directement ciblés. Si un produit cible les limaces, il affectera tous leurs prédateurs qui, eux, ne dérangent absolument pas les particuliers, comme les hérissons ou les oiseaux. Soit parce qu’ils seront intoxiqués, soit parce qu’ils mourront de faim. Et puis, au-delà de la chaîne alimentaire, les pesticides ont aussi un impact sur la chaîne des habitats, puisque les plantes abritent des espèces.
Se passer des pesticides requiert du temps et un apprentissage.
M. A.: Pour réduire le recours aux pesticides, il y a des alternatives mécaniques, thermiques ou chimiques. Or, ces méthodes sont beaucoup plus chronophages. Sans pesticides, on ne peut donc plus se permettre de gérer certains jardins de la même manière, ni dès lors d’en préserver l’aspect visuel. C’est là tout l’enjeu de la gestion différenciée. Elle consiste à mettre des priorités en fonction de l’utilisation des espaces de son jardin. Certaines parties resteront en gazon et d’autres seront gérées de manière plus libre, dans une logique de végétation spontanée. Comme plusieurs techniques de gestion différenciée existent, notre rôle est de conseiller les gens en fonction des contraintes rencontrées.
B. D.: Quand on laisse faire la nature, il est clair que des espèces que l’on ne souhaite pas avoir risquent d’apparaître. Si une prairie fleurie devient un champ de ronces et de chardons, ce n’est évidemment pas l’idéal. Comprendre pourquoi ces espèces poussent permettra d’utiliser les bonnes techniques pour résoudre le problème de manière très ciblée. Cette question est purement subjective: certains aimeront laisser des orties pour attirer des papillons ou en faire de la soupe, tandis que d’autres n’en voudront pas. Il est logique qu’un jardin reste fonctionnel.
M. A.: Si une politique volontariste amenait tous les citoyens à gérer leur jardin de cette autre manière, par exemple en interdisant tout pesticide sur le domaine privé, un énorme effort de sensibilisation et de formation serait nécessaire pour éviter un rejet massif.
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