D’anciens chasseurs pygmées tentent de sauver les derniers éléphants de Centrafrique (en images)
Le pas de Jean est rapide, malgré l’enchevêtrement des branches et des racines au sol. Il scrute la moindre trace de passage de l’éléphant qu’il piste depuis trois heures, au coeur de la réserve de Dzanga-Sangha, épargnée –mais pour combien de temps encore– du braconnage qui menace la survie des grands mammifères de la Centrafrique.
Il se fige soudain, un pied fiché au centre d’une large trace, l’empreinte de la patte d’une femelle adulte.
L’ancien chasseur pygmée a mis sa parfaite connaissance de cette forêt primaire équatoriale dense et sombre du sud-ouest de la Centrafrique au service de la préservation de la faune, en devenant guide du parc. Le long de la large rivière Sangha, ce territoire est devenu réserve spéciale en 1990. Dzanga-Sangha est aujourd’hui le dernier sanctuaire des éléphants et des gorilles centrafricains, décimés ailleurs dans le pays par les braconniers.
« Mais cela ne va pas durer », se lamente Luis Arranz, en charge du parc et de la formation de ses gardiens, des pisteurs pygmées recrutés dans les villages alentours mais aussi des rangers, militaires chargés de la protection de la faune. Les éléphants ont disparu du nord de la Centrafrique, les braconniers pourraient se rabattre rapidement sur la Dzanga-Sangha, s’émeut ce cadre espagnol, du WWF(World Wildlife Fund), l’ONG internationale de protection de l’environnement, qui gère la réserve en partenariat avec le gouvernement.
Le rhinocéros pour sa corne, l’éléphant pour son ivoire, la girafe pour sa peau, le pangolin pour son écaille, le gorille pour sa viande… La faune est la cible des braconniers dans tout le continent.
Le groupe de scientifiques qui accompagnent Jean répertorie les animaux présents.
Sur les traces de l’éléphante pistée, ils débouchent dans une grande clairière au centre de laquelle les eaux de la forêt s’écoulent pour former un grand marécage. Là, une centaine des 8.000 éléphants de la forêt de Dzanga Sangha s’ébattent, cherchant le sel du bout de la trompe dans la boue. Deux mâles s’affrontent, un autre poursuit des bongos.
A l’autre bout du parc, le personnel d’une base scientifique, perdue à 50 kilomètres de la première ville, Bayanga, étudie les gorilles. Au milieu des magnolias, Kumba, un vieux mâle au dos argenté de 40 ans, toise les chercheurs. Il veille sur sa femelle et ses des jumeaux nouveaux-nés, même s’il est habitué à la présence des scientifiques.
Dans un pays en guerre civile depuis 2013, le braconnage a explosé. Un rapport d’Ecofaune, organisme de protection de la faune du nord de la Centrafrique, estime que, sur trente ans, la population des grands mammifères s’est réduite de 94% dans le pays.
Les frontières poreuses ont permis d’innombrables raids de braconniers venus des pays voisins.
« Les girafes ont disparu du nord, le rhinocéros aussi », souffle Luis Arranz, dépité. « Aujourd’hui il n’y a plus d’éléphants de savane non plus… les braconniers vont forcément finir par venir ici », redoute-t-il, fataliste. Le parc de Manovo-Gounda Saint Floris, dans le nord, a ainsi été classé dans la liste du Patrimoine mondial en péril par l’UNESCO.
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