Changement climatique: le monde a encore une chance d’éviter le pire
Les promesses « creuses » entrainent la planète vers un réchauffement désastreux de 3°C mais le monde a encore une chance d’éviter le pire: transformer radicalement l’économie et faire plafonner les émissions d’ici moins de trois ans, en commençant par se désintoxiquer des énergies fossiles.
Le troisième volet de la trilogie scientifique des experts climat de l’ONU (Giec) publié ne laisse pas de place au doute: sans une réduction « rapide, radicale et le plus souvent immédiate » des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, il ne sera pas possible de limiter le réchauffement à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, ni même à +2°C.
Mais les Etats qui s’y sont pourtant engagés en signant l’accord de Paris ne sont pour l’instant pas à la hauteur de l’enjeu, alors qu’un réchauffement de +1,1°C rend d’ores et déjà « très vulnérable » la moitié de l’humanité, frappée par des canicules, sécheresses, tempêtes et inondations qui se multiplient.
« Certains gouvernements et responsables d’entreprises disent une chose et en font une autre. Pour le dire simplement, ils mentent« , a d’ailleurs dénoncé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en qualifiant « d’accablant » ce nouveau rapport du Giec sur les solutions pour limiter le réchauffement.
Selon le rapport, sans un renforcement des politiques actuelles, le monde se dirige vers un réchauffement de +3,2°C d’ici la fin du siècle, et même si les engagements pris par les gouvernements pour la conférence climat de l’ONU COP26 l’an dernier étaient tenus, le mercure monterait de +2,8°C, alors que chaque dixième de degré supplémentaire provoque son lot de nouvelles catastrophes climatiques.
Pour ne pas aller droit vers cet avenir de souffrance, il faudrait que les émissions atteignent leur pic avant 2025, dans seulement trois ans, et diminuent de près de la moitié d’ici 2030 par rapport à 2019, selon le Giec.
« Un tournant »
« Nous sommes à un tournant. Nos décisions aujourd’hui peuvent assurer un avenir vivable », insiste le patron du Giec Hoesung Lee, assurant que ce nouveau rapport donne les « outils » pour le faire.
Ainsi, pour respecter +1,5°C, l’usage sans capture de carbone (technologie non mature à grande échelle) du charbon devrait être totalement stoppé et ceux du pétrole et du gaz réduits de 60% et 70%, respectivement, d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 2019.
La « quasi-totalité de la production mondiale d’électricité devant provenir de sources zéro ou bas-carbone », insiste le Giec.
Un scénario qui prend une lumière particulière avec la guerre en Ukraine qui a exposé la dépendance des économies aux énergies fossiles, dénoncée de longue date par les défenseurs du climat.
« Cela me brise le coeur, en tant que militante climat ukrainienne, de vivre une guerre qui porte en son coeur l’argent des fossiles », a commenté Olha Boiko, membre du Climate Action Network. « L’argent que nous avons supplié de ne pas investir dans l’énergie sale vole désormais au dessus de nos têtes sous forme de bombes ».
Au delà de l’énergie, qui représente environ un tiers des émissions, tous les secteurs (transports, industrie agriculture, bâtiments…) doivent également entamer leur mue rapide, de la réduction de la déforestation à la rénovation énergétique des logements, en passant par l’électrification des véhicules (à condition qu’ils soient alimentés par une électricité bas carbone).
Sans oublier le déploiement de méthodes de captage et de stockage du carbone qui seront « inévitables » pour parvenir à la neutralité carbone au début des années 2050 et limiter le réchauffement à +1,5°C.
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Sobriété
Pour la première fois, les experts de l’ONU consacrent également un chapitre entier à la demande, estimant qu’agir sur ce levier pourrait réduire les émissions de 40 à 70% d’ici à 2050.
« Disposer des politiques publiques, des infrastructures et de la technologie pour rendre possibles les changements dans nos modes de vie et nos comportements (…) offre un important potentiel (de réduction) inexploité », souligne Priyadarshi Shukla, un des coprésidents du groupe de travail ayant produit ce rapport de quelque 2.800 pages.
Alors que tous ces sujets touchent à l’organisation même de nos modes de vie, de consommation et de production, dans des pays aux ressources et aux niveaux de vie différents, l’approbation ligne par ligne, mot par mot, du « résumé pour les décideurs » a débordé de plus de 48 heures sur les deux semaines prévues.
Selon des sources internes des discussions, la question clé des flux financiers nécessaires aux pays en développement pour faire leur transition a été très disputée dans la dernière ligne droite de ce marathon en ligne et à huis clos.
Comme le souligne le rapport, « pour faire face à l’ampleur de ce défi, il faudrait que les flux de financement climatique soient multipliés par quatre à huit d’ici à 2030 », a souligné lundi Madeleine Diouf Sarr, au nom du groupe des Pays les moins avancés. « Sans compter le financement de l’adaptation et le financement des pertes et préjudices ».
Des inégalités entre pays mais aussi entre riches et pauvres en général, avec les 10% des ménages avec les plus hauts revenus dans le monde qui représentent entre 36 et 45% des émissions, relève le Giec.
L’inaction est « coûteuse », il faut aller « plus vite et plus loin »
La ministre fédérale en charge du Climat, Zakia Khattabi, a qualifié de « nouvelle sonnette d’alarme » le dernier rapport du Giec.
Le rapport est alarmant, mais montre aussi qu’il « est encore possible de changer le cours des choses, en activant tous les leviers d’une économie à faible émission de carbone et en repensant nos modèles de production et de consommation », communique en fin de journée le cabinet de la ministre Ecolo. « Nous savons que non seulement l’inaction est coûteuse sur le plan économique, elle l’est aussi en termes de vies humaines », ajoute Zakia Khattabi.
Il faut aller « plus vite et plus loin »: telle est la lecture que fait le cabinet de la ministre du rapport dévoilé lundi. Dans un premier temps, il est crucial « d’atteindre la cible de 2030, c’est-à-dire une réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial », pointe-t-il. Dans l’UE, cela doit se traduire par les ambitions sur lesquelles les 27 se sont accordés, à -55% net de GES d’ici 2030 (par rapport à 1990).
Réduire de moitié les gaz à effet de serre suppose une « suppression progressive de toute utilisation de combustibles fossiles mais également de transformer les systèmes énergétiques, industriels, de transport, les villes, les bâtiments. C’est ambitieux mais possible », affirme la ministre Zakia Khattabi.
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