Aux Etats-Unis, l’anxiété climatique moteur de la protection de la planète
En Arctique, la fonte des glaces menace le mode de vie des populations. La montée du niveau des océans inquiète sur les côtes du monde entier, et dans l’Etat américain du Rhode Island, Kate Schapira et son mari ont décidé de ne pas avoir d’enfants.
Cette enseignante au département d’anglais de l’université Brown est angoissée par le changement climatique.
Même si elle veut épargner à sa progéniture de vivre sur une planète abimée, Kate Schapira, 40 ans, ne souhaite pas non plus que son « sens de la responsabilité face au monde se résume à une personne ».
Autre décision radicale pour l’environnement, Kate Schapira a décidé qu’elle n’allait sûrement plus jamais reprendre l’avion.
Autour d’elle, on envisageait son angoisse climatique comme un « problème individuel ». « J’ai voulu savoir si c’était le cas en réalité », raconte-t-elle à l’AFP.
En 2014, elle a donc décidé de mettre en place un petit stand mobile sur « l’anxiété climatique » dans des lieux publics.
Il ressemble d’ailleurs un peu à celui de Lucy dans la bande dessinée « Peanuts ». Les visiteurs viennent y exprimer toute sorte d’angoisse, de l’utilisation du plastique à la hausse du niveau de la mer.
Kate Schapira est aujourd’hui loin d’être la seule à ressentir de telles angoisses.
Environ six Américains sur dix disent être au minimum « un peu inquiets » par le réchauffement climatique, selon le dernier sondage conduit en mars et avril par les universités de Yale et de George Mason. Parmi les 1.291 adultes interrogés, environ un sur cinq (23%) se déclare « très inquiet ».
« Individualisme »
« L’idée reçue est que seulement la classe moyenne supérieure, blanche, instruite, progressiste de gauche se soucie du changement climatique. Cela s’avère faux », assène Anthony Leiserowitz, directeur du Yale Program on Climate Change Communication.
M. Leiserowitz répartit les Américains en six catégories en fonction de leur rapport au changement climatique, du groupe des « inquiets » aux « dédaigneux ».
Il conclut que tous ces groupes sont composés de populations hétérogènes. Sauf dans le cercle des « dédaigneux » où les hommes blancs conservateurs diplômés sont nombreux.
Le chercheur attribue en grande partie ce phénomène à ce que l’on dénomme « l’individualisme », particulièrement prononcé au sein de ce groupe.
Ce sont souvent eux qui contrôlent les hautes sphères du pouvoir aux Etats-Unis, de la Maison Blanche aux entreprises les plus riches du pays, comme dans l’industrie pétrolière.
Quand le monde entier aura les yeux rivés sur la COP25, sommet de l’ONU sur le climat qui s’ouvre à Madrid la semaine prochaine, le retrait par Donald Trump des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat ne manquera pas d’être rappelé.
« Anxiété climatique »
Lise Van Susteren, qui exerce non loin de la Maison Blanche à Washington, se penche depuis quinze ans sur les effets du changement climatique sur la santé mentale. Selon cette psychiatre, ce refus de reconnaître les risques potentiels est commun pour « les personnes qui essaient de nier qu’elles sont aussi vulnérables ».
« Je n’ai en réalité aucune hésitation à dire que dans une certaine mesure, je crois que tout le monde a maintenant de l’anxiété climatique », affirme-t-elle.
Les réponses psychologiques au changement climatique comme « le fatalisme, la peur, la détresse et la résignation augmentent », d’après un rapport de l’American Psychological Association et l’ONG ecoAmerica en 2017.
Elles coïncident avec des effets sur la santé physique comme l’asthme et les allergies.
Alicia Cannon, une jeune femme de 23 ans qui travaille dans l’environnement à Washington, une ville très progressiste, assure connaître de l’éco-anxiété. « Je pense que beaucoup de gens qui travaillent dans le climat ressentent une certaine anxiété climatique parce que c’est un problème tellement large », assure-telle.
Pour Lise Van Susteren, les comportements individuels peuvent aider à établir des normes sociales collectives.
Dans le centre de Washington, Debbie Chang a ainsi organisé en mai dernier une session sur la façon de gérer son éco-anxiété. A 43 ans, elle a également décidé de ne pas avoir d’enfants et essaie de n’émettre aucun déchet.
Par où commencer? Elle explique notamment garder des baguettes dans son sac pour ne pas avoir recourt aux couverts en plastique et avoir troqué les mouchoirs jetables en papier pour des mouchoirs en tissu.
Jusqu’à peu, elle se sentait parfois seule dans son combat. Mais maintenant, plus d’informations sont à la disposition du grand public: « Les gens commencent à comprendre que c’est un vrai problème ».
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