Anne-Sophie Bailly
Wallonie: le pari risqué de la dette (édito)
Quand il s’agira de refinancer les milliards d’euros de dette de la Région wallonne, qui peut certifier que la politique monétaire de la Banque centrale européenne sera toujours si accomodante? L’édito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif.
C’était en juin dernier. La Cour des comptes pointait l’augmentation de 120% de la dette wallonne entre les 31 décembre 2015 et 2020, endettement qui atteint désormais 17,4 milliards d’euros contre 7,9 milliards cinq ans plus tôt. Elle attirait surtout l’attention sur la hausse importante des dépenses – 26,6% quand même – alors que celle des recettes n’ était que de 4,4%.
Evidemment et heureusement, les cordons de la bourse à chaque niveau de pouvoir ont été largement déliés pour faire face à la crise sanitaire et financer une série de mesures d’urgence. C’était nécessaire. La Région wallonne faisait alors le pari qu’une relance économique soutenue permettrait d’engranger suffisamment de gains pour combler cet accroissement du déficit. Un pari audacieux et volontariste.
Cela, c’était avant qu’une catastrophe soudaine et violente ne dévaste la Wallonie et ne sinistre la Région, laissant dans son sillage des morts trop nombreux, de la désolation, des drames. Elio Di Rupo, ministre-président de la Région wallonne, a rapidement annoncé le déblocage de deux milliards d’euros pour venir en aide aux sinistrés et financer la reconstruction. Un soutien indispensable pour une population en proie à la plus grande des détresses humaines et matérielles. Mais qui n’est pas pour autant exempt de toute question.
Le montant, par exemple, interpelle, tant il semble impossible à l’heure actuelle d’évaluer le coût des dommages. L’Allemagne qui a également payé un lourd tribu humain, et où les dégâts dans certains Länder sont encore plus importants, n’a pour l’instant débloqué que 200 millions d’euros à l’échelon fédéral et les Régions des montants identiques.
Question aussi sur le financement de la manne. Huit cents millions d’euros européens qui devaient être consacrés à la relance le seront désormais à la reconstruction. Et un milliard au moins sera emprunté dès la rentrée sur les marchés financiers. La Région devrait facilement lever ce milliard et, qui plus est, le faire à un taux d’intérêt des plus favorables.
Lire à ce sujet notre interview de Jean-Luc Crucke: « Ne nous leurrons pas, sinon nous serons déçus »
Cela étant, il ne faudrait pas perdre de vue que la dette wallonne se finance par emprunt et que, dans dix ans, quand il s’agira de refinancer ces milliards, qui peut certifier que la politique monétaire de la BCE (Banque centrale européenne) sera toujours si accommodante? Que l’environnement des taux sera toujours aussi favorable même si, dans l’interview qu’il nous a accordée, le ministre wallon du Budget Jean-Luc Crucke (MR) se montre optimiste sur les capacités de la Région wallonne à soutenir sa dette.
Bien entendu, aider les personnes sinistrées est une priorité absolue mais le pari de gestion de la dette qui était jusqu’à hier audacieux et volontariste est aujourd’hui risqué.
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