Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: moucharder n’est pas flamand (chronique)
Après l’ouverture d’un point de contact où il serait loisible de dénoncer, sous un courageux anonymat, toute fraude dans le logement social, Matthias Diependaele (N-VA), ministre régional du Logement s’injurge: non, « les Flamands n’ont pas une mentalité de balance ».
Matthias Diependaele (N-VA) est ministre régional du Logement et, à ce titre, du Logement social aussi. Pas forcément un cadeau, le secteur n’a pas toujours bonne presse, sa réputation pâtit de rumeurs persistantes: les tricheurs trouveraient là un biotope où proliférer et s’épanouir. Le mieux à faire est d’y ramener justice et équité. Comme dit le ministre, il y va de l’intérêt « du locataire social comme du Flamand qui paie le système ». Que celui, tous bords politiques confondus, qui pense autrement ose lever le doigt.
Le gouvernement Jambon Ier (N-VA – CD&V – Open VLD) a donc autorisé Matthias Diependaele à passer à la vitesse supérieure. « Opération mains propres », la chasse aux profiteurs est ouverte et se pratiquera désormais bien au-delà des frontières, jusque dans quarante et un pays. Locataire social en Flandre et propriétaire d’une ou de plusieurs maisons à l’étranger: le « scandale » existe et rien qu’à Lierre (36 600 habitants), vingt-cinq ménages vont perdre leur logement social pour avoir tu la possession d’un bien immeuble sous d’autres latitudes. L’émoi suscité par le coup de filet a contribué à ce que la campagne de détection monte en puissance: appel sera fait à des bureaux de détectives privés spécialisés pour mener ce type d’enquête. Histoire de priver les sociétés de logement social (quatre-vingts en Flandre) de l’excuse d’un manque de moyens pour ne pas passer à l’action, le pouvoir régional prendra en charge, totalement ou partiellement, la facture des recherches. Cinq millions d’euros par an seront dégagés.
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Pas d’objection dans la salle? Mis à part quelques inquiétudes du côté de l’opposition Groen – Vooruit quant à la robustesse du cadre juridique prévu pour agir de la sorte, le principe ne trouve pas de véritables détracteurs. Le Vlaams Belang non plus ne s’est pas insurgé. Normal, le logement social, ses locataires d’origine immigrée, ses fraudeurs invétérés: l’extrême droite est dans son élément, flaire le thème électoralement porteur, ne manque jamais d’apporter sa touche xénophobe. Traquer les locataires sociaux propriétaires de biens à l’étranger: pour sûr, Turcs et Marocains n’ont qu’à bien se tenir, salive le Belang qui n’hésite jamais à relancer le ministre N-VA du Logement pour l’inciter à aller encore plus loin sur ce terrain glissant et à frapper toujours plus fort.
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Pas plus tard qu’en janvier dernier, c’était pour lui suggérer de goûter à sa dernière recette de la chasse aux pommes pourries: l’ouverture d’un point de contact où il serait loisible de dénoncer, sous un courageux anonymat, toute fraude dans le logement social. Servie par le député VB et chef de file de Forza Ninove Guy D’Haeseleer, la mixture a été repoussée avec un haut-le-coeur par Matthias Diependaele: non, « les Flamands n’ont pas une mentalité de balance », hors de question de flatter l’instinct du mouchard qui sommeillerait chez certains d’entre eux, et d’ailleurs « j’éduque mes enfants de sept et neuf ans à leur dire que « rapporter » n’est pas beau. C’est apparemment là que diverge fondamentalement notre vision de l’identité du Flamand. » C’est apparemment là ce qui distingue fondamentalement la N-VA du Vlaams Belang. Pourvu que ça dure.
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