Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: le néerlandais, valeur refuge (chronique)
Pour vivre en Flandre, il vaut mieux se mettre au néerlandais.
Lentement mais sûrement, chacun retourne vaquer à ses occupations, renoue avec les soucis, petits et grands, d’un quotidien déconfiné en veillant bien sûr à ne pas baisser exagérément la garde. Il est temps de doucement songer à remiser les outils engagés dans la lutte contre la Covid-19, d’envisager de démanteler les régimes d’exception instaurés ici et là pour cause sanitaire. Mine de rien, la Flandre aura bien donné en la matière, elle qui n’a pas hésité à se faire violence en tolérant que des libertés soient prises avec l’usage obligatoire du néerlandais par ses administrés.
En témoigne cette appli corona spécialement disponible en version multilangue, activée par l’ Agence régionale de l’intégration afin de pouvoir atteindre les ressortissants de langue étrangère durant la tourmente sanitaire et ne pas leur faire rater le train de la vaccination. L’outil ainsi linguistiquement configuré aura fait oeuvre plus qu’utile avec plus de 8 000 téléchargements au compteur. Le pérenniser sous cette forme serait néanmoins verser dans une dangereuse banalisation. Faire courir un grand danger à ce bien précieux mais ô combien délicat à conserver qu’est la langue de Vondel au nord du pays.
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Bart Somers
Un devoir de vigilance chasse l’autre. L’ occasion de remettre les pendules à l’heure néerlandaise s’est présentée au parlement flamand pour le ministre en charge des Affaires intérieures et de l’Intégration. Bart Somers (Open VLD) a administré la piqûre de rappel: le néerlandais est la langue administrative en Flandre et doit le rester à l’exclusion de toute autre. Toute exception en la matière ne peut en aucun cas devenir une règle, elle ne peut « se présenter chaque semaine, ni même chaque mois » mais doit rester une « grosse exception » qui ne se décrétera donc qu’exceptionnellement.
Force restera à la loi linguistique. Agir autrement reviendrait à céder à la facilité, à convertir le provisoire en définitif, à muer le temporaire en permanent. La Flandre, là encore, estime avoir déjà tant donné et se résigne à donner encore. « Pensons aux facilités linguistiques », rappelle la fraction parlementaire N-VA à l’appui du plaidoyer pour un retour rapide à une application stricte de la législation sur l’emploi des langues.
Mais Bart Somers ne souhaite pas n’être que le ministre du rappel à l’ordre. Il se dit aussi un ministre de l’Intégration rassuré, agréablement surpris par l’une des leçons tirées de l’appli corona. L’onglet invitant à rejoindre la page « apprendre le néerlandais » disponible sur le site de l’Agence pour l’ Intégration a été particulièrement sollicité et a grandement contribué à doper les visites sur ladite page: 12 149 consultations durant la crise sanitaire, soit huit fois plus que l’année précédant la pandémie. Bart Somers ne veut croire au seul effet du hasard, la peur se sera révélée en l’occurrence bonne conseillère: « On ne peut évidemment abandonner personne dans ces moments de crise mais ces moments ont sans doute poussé des gens à prendre conscience qu’il valait mieux se mettre au néerlandais. » Pour vivre en Flandre heureux. Et en bonne santé.
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