Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: la fachosphère fait dans l’humanitaire (chronique)
« Amis wallons, tenez bon! » De Grammont à Fraipont, 175 bornes sont à couvrir mais on ne compte pas quand on aime son prochain plongé dans la détresse et qu’on ne songe plus qu’à lui porter secours. Au départ de la bien nommée Vlaams Huis Celtic s’est ainsi nouée une de ces chaînes de solidarité Nord-Sud qui ont fleuri par centaines après le déluge qui a accablé la Wallonie.
Du 19 au 29 juillet dernier, quatre convois de combis emplis de dons font ainsi la navette entre la localité de Flandre-Orientale et l’entité sinistrée où on apprécie comme de bien entendu le coup de main providentiel de cette dizaine de gaillards accourus parmi les premiers pour distribuer des colis, cuisiner, aider à nettoyer. Entre victimes du sud du pays et bons samaritains venus du nord, on fait connaissance, on taille une bavette comme on peut, on finit par boire un coup. Bravo les gars, beau boulot, y a pas de quoi, la générosité des Flamands fait tellement plaisir à voir quand les pouvoirs organisés manquent cruellement à leurs devoirs. Il y a bien l’un ou l’autre propos qui finit par intriguer, ainsi ce coup de chapeau adressé au « héros »Jürgen Conings, ce militaire d’extrême droite en cavale et lourdement armé qui a jeté le pays dans l’émoi cet été avant de se donner la mort dans le Limbourg.
Sur la banquette arriu0026#xE8;re d’un des vu0026#xE9;hicules, le drapeau frappu0026#xE9; du Zwarte zon cher aux nu0026#xE9;onazis.
Mise au parfum, la zone de police Secova s’en vient jeter un oeil sur le manège en cours. La religion du commissaire Pelet, directeur des opérations, est vite faite: sous couvert d’aide humanitaire, « des extrémistes flamingants sont occupés à faire du prosélytisme », nous explique-t-il. Aucun signe vestimentaire ne trahit la mouvance, excepté le port de pantalons militaires tellement commodes quand il faut travailler dans la boue. Excepté surtout ce drapeau sur la banquette arrière d’un des véhicules, frappé du Zwarte zon ou Soleil noir cher aux néonazis.
Relevé d’identités accompli, il apparaît que ce petit monde où on se revendique « templiers » est en pleine opération de séduction sous couverture. Jugée indésirable, sa présence sur les lieux prend gentiment fin sans incident. « Il n’était pas évident de séparer le bon grain de l’ivraie, prolonge le commissaire Pelet, mais aux yeux des sinistrés, il est clair que je passais pour le mauvais dans cette histoire. »
De retour au bercail, le porte-parole des refoulés hurle au scandale d’Etat. De s’être vus traités en criminels après tant de jours passés au chevet des sinistrés ne peut être qu’un acte policier de basse vengeance dicté par « une politique fédérale de gauche qui craint comme la peste que les Wallons ne découvrent que les Flamands ne sont pas les méchants des dessins animés et qu’on les trompe à ce sujet depuis des décennies, par volonté de sauver l’Etat belge », en flamand dans le texte posté sur Facebook par une cheville ouvrière de la chaîne humanitaire rompue, le dénommé Tomas Boutens dont le CV vaut un détour: ex-militaire fiché d’extrême droite, flamingant, ex-fondateur et leader du groupe néonazi Bloed, Bodem, Eer en Trouw (BBTE), condamné en 2014 à cinq ans de prison pour diffusion d’une idéologie violente et projet de déstabilisation de l’Etat. Reconverti en juillet 2021 « en facho sympa » en tournée à Fraipont pour manifester un amour assez singulier à son prochain wallon.
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