Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: l’inhumain chemin des écoliers (chronique)
Cinq ministres sommés de revenir avec un plan qui effacera vite cette vilaine tache de la carte de visite de la Flandre.
C’est l’histoire de Kobe, 2 ans et 1/2, tiré du lit chaque matin à 5 h 45 pour être cueilli à la porte du domicile par le bus scolaire entre 6 h 15 et 6 h 45. Voici celle de Finn, 3 ans, de retour à la maison à 19 h 30, réveillé à 6 h le matin. L’accompagnateur se chargera de leur donner le biberon ou de leur faire avaler leur tartine à bord du bus, sans oublier de jeter un oeil sur l’état des langes faute d’arrêt toilette. C’est vannés, affamés, que ces enfants tombent dans les bras de maman et papa, tout juste bons à être mis au lit avant une nouvelle journée de classe encadrée par d’interminables trajets.
Dur, dur d’être un petit écolier dans l’enseignement spécialisé en Flandre, comme le réseau catholique vient encore de le calculer: trois heures et demie de transport scolaire en moyenne chaque jour, jusqu’à six heures de trajet quotidien pour plus d’un millier d’élèves. Entre le bus et l’école, c’est pas une vie pour ces enfants déjà fragilisés.
L’affaire, relayée par la presse, ne pouvait que débouler dans l’hémicycle du parlement flamand. Un feu nourri de questions, des bancs de la majorité N-VA – Open VLD – CD&V comme de l’opposition Vooruit – Groen – PVDA (PTB) – VB, y attendait deux ministres, Lydia Peeters (Open VLD) au rayon Mobilité, Ben Weyts (N-VA) au guichet Enseignement. Un duo ministériel un brin penaud quoique pas exclusivement responsable d’une situation lamentable bien plus ancienne que leur arrivée aux affaires puisque déjà dénoncée par un rapport du commissariat flamand aux droits de l’enfant en… 2013. Inutile, d’ailleurs, de nier ou de feindre de tomber des nues puisque début septembre, lors du coup d’envoi de la rentrée scolaire, 1,8 million d’euros était injecté en urgence et quarante transports scolaires supplémentaires organisés en catastrophe pour pallier les situations les plus précaires.
Plus jamais ça. « Personne ne veut qu’un enfant se retrouve des heures durant dans un bus, ni le matin ni le soir. Ni vous ni nous », qu’elle a martelé Lydia Peeters tout en prévenant que « la problématique est complexe » et qu’ « une analyse approfondie s’impose pour aboutir à une solution structurelle », tandis que Ben Weyts sortait sa machine à calculer pour arguer de la nécessité de relever le défi par davantage d’ordre et de méthode: 107 millions d’euros consacrés au transport collectif dans l’enseignement spécialisé peuplé de 40 000 enfants, « cela fait près de 2 700 euros par élève ». L’approche strictement comptable n’a pas plu à l’opposition ni suffi à apaiser les esprits. « Si tous ces enfants étaient des animaux, poulets, chats, chiens, porcs ou vaches, Gaia serait déjà entrée en action », qu’il a osé clamer le PVDA Jos D’Haese, dans l’opposition. « Je me sens honteux comme parlementaire, le gouvernement doit aussi l’être, tout autant que cette Flandre prospère mais incapable de s’occuper de ses enfants dans le besoin », qu’il a carrément renchéri l’Open VLD Maurits Vande Reyde dans la majorité.
Allez, faut se remuer. Pas moins de cinq ministres (Peeters, Weyts, Beke, Somers, Dalle), soit la moitié du gouvernement, cinq cabinets et cinq administrations se mobilisent, sommés d’ici à deux mois de revenir avec un plan qui effacera au plus vite cette vilaine tache de la carte de visite de la Flandre.
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