Vaccination : Pourquoi l’Europe (et la Belgique) est à la traîne
Les critiques sont de plus en plus nombreuses face à lenteur du démarrage des campagnes de vaccination en Europe. La nervosité devient palpable chez les politiques. Est-on vraiment si lent ? Le point.
Est-on vraiment trop lent à vacciner ?
Après une semaine de test où 700 personnes ont été vaccinées, la Belgique n’entame que ce mardi la campagne de vaccination à grande échelle contre le coronavirus. Environ 87.000 doses du vaccin Pfizer/BioNTech seront fournies chaque semaine. Dans une première phase, qui doit normalement durer trois semaines, elles seront administrées au personnel et aux résidents les plus fragiles des maisons de repos et de soins, sur base volontaire. Elle concerne 150.000 à 200.000 personnes dans les trois régions du pays.
Pourquoi il y a-t-il une différence entre la Wallonie et la Flandre ?
En Flandre, environ 6 700 résidents de centres de soins résidentiels seront vaccinés cette semaine. À Bruxelles, c’est environ 4 000 et 12000 en Wallonie. Une différence que les autorités fédérales et flamandes ont eu bien du mal à expliquer. Pour l’Agence flamande pour les soins et la santé, cela serait dû au choix de la Wallonie de vacciner le personnel. Mais aussi parce que les hôpitaux flamands, en charge de la décongélation et de la préparation des vaccins, ont demandé un démarrage à un « rythme plus calme », car pour ces derniers aussi c’est une nouveauté. « Nous voulons nous assurer que tout se passe bien, que tout est en harmonie et qu’il n’y a pas de gaspillage » se défendent les hôpitaux. Néanmoins, ce retard flamand devrait être rattrapé la semaine prochaine. En attendant, cela montre à nouveau à quel point la Belgique n’affiche pas une stratégie de vaccination cohérente.
Quoi qu’il en soit, même si on va au-delà des différences régionales, cela porte le nombre total de vaccinations au cours de la première semaine de vaccination réelle à 22 700, bien en deçà des 35 000 sur lesquelles avait compté la task force sur la stratégie de vaccination.
« Nous préférons que tout se passe bien plutôt que rapidement » précise pour sa part Vandenbroucke qui défend la stratégie de vaccination actuelle. Bien qu’il indique immédiatement que notre pays restera toujours dépendant de l’approvisionnement. Pour l’instant, il s’agit de 87 500 doses de vaccin Pfizer par semaine, qui devront encore être réduites de moitié, car les gouvernements s’en tiennent à la double dose convenue. Mais lui aussi reconnaît qu’il serait bien qu’on se presse un peu.
Un avis partagé par Hans-Willem Snoeck, professeur de microbiologie et d’immunologie à l’université Columbia de New York. Pour lui le temps presse et on est près d’une troisième vague. « Avec l’arrivée prochaine de la troisième vague, nous n’aurons pas une semaine de trop », a-t-il souligné hier soir à Terzake. « Nous sommes dans une situation où la forêt brûle à l’horizon et nous pouvons déjà sentir le feu. » Pour le professeur Snoeck on devrait dans cette optique vacciner en premier les personnes qui sont en première ligne plutôt que les résidents de maison de repos.
Un commissaire Corona malade
Le commissaire du gouvernement à la lutte contre le coronavirus, Pedro Facon, sera absent durant les prochaines semaines pour des raisons de santé, a annoncé le commissariat « corona » lundi dans un communiqué. Il sera remplacé par la commissaire adjointe, Carole Schirvel, et le « chief operating officer », Augustin Coppée. « Il a besoin de temps pour lui, pour le reste je ne vais rien dire », a déclaré la porte-parole de Facon. Il pourrait s’absenter pendant deux mois.
Qu’est-il prévu pour la suite ?
Malgré l’urgence, la suite semble pourtant encore floue puisqu’aucune date n’a encore été communiquée pour le début de la phase suivante, qui concernera les hôpitaux et les professionnels de la santé. On estime que la campagne va probablement s’étirer sur toute l’année 2021. La Commission corona du gouvernement espère qu’environ quatre millions de Belges seront vaccinés d’ici les mois d’été. Le processus pourra néanmoins être accéléré en cas d’autorisation d’autres vaccins.
Cela peut sembler peu quand on voit qu’en Israël 1,22 million de personnes avaient déjà reçu leur première injection de vaccin le 3 janvier, que le 27 décembre ils étaient déjà 944 000 au Royaume-Uni, et qu’aux États-Unis ils sont plus de 4,5 millions de personnes à avoir reçu un vaccin.
Une Europe trop prudente ?
Avant d’être distribués vers les différents pays, les vaccins en cours de développement doivent d’abord passer par le processus décisionnel européen. Un processus qui prend son temps et qui commence à en crisper certains.
Ainsi le porte-parole du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a déclaré « Nous comprenons que tout doit être organisé de manière sûre et responsable. Mais il serait bon que les choses s’accélèrent ». On notera tout de même que la critique autour de la lenteur de la distribution des vaccins vaut pour toute l’Europe. Ainsi des voix s’élèvent en France et Allemagne.
Si, l’UE est à la traîne c’est parce que l’approbation des vaccins par l’Agence européenne des médicaments (EMA) prend plus de temps. Contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, l’Europe n’a pas sauté d’étapes pour pouvoir une certitude absolue quant à la sécurité et à l’efficacité des vaccins. L’autre raison est que la Commission européenne a davantage tardé à réserver des vaccins. Par exemple quand Les États-Unis avaient déjà réservé 100 millions de vaccins auprès de Pfizer/BioNTech en juillet, l’UE va attendre novembre pour passer une première commande. La commission a aussi cherché à obtenir des prix plus compétitifs, ce qui pourrait freiner une livraison rapide. Enfin, l’Europe a aussi misé sur d’autres vaccins qui eux ne sont pas encore approuvés. Un pari qui met la patience européenne à rude épreuve.
Pourquoi ne pas acheter des vaccins supplémentaires juste pour la Belgique ?
Si chaque pays se mettait à acheter des vaccins dans son coin, cela risque d’être un coup fatal pour le projet européen si les pays les plus grands ou les plus riches brûlaient la politesse aux pays plus petits ou plus pauvres. Ainsi, si L’Allemagne a effectivement réservé encore plus de doses de Pfizer/BioNTech, celles-ci ne seront livrées qu’une fois que toutes les obligations européennes auront été remplies, soit au cours du second semestre de l’année prochaine. De façon plus cynique, on peut également préciser qu’il est de toute façon trop tard pour répondre aux besoins actuels au vu du délai d’attende avant d’être livré.
Qu’en est-il du Moderna ?
Après le vaccin Pfizer/BioNTech, nous devrions bientôt compter sur un deuxième vaccin : celui de l’Américain Moderna. Contrairement à ce qui était annoncé hier, il n’a toujours pas obtenu son feu vert.
Mais même s’il obtient le fameux sésame, on ne sait toujours pas quand et combien de doses pourront être livrées à la Belgique. Seule certitude, notre pays a commandé 2 millions de doses via l’Europe, qui devaient être livrées en plusieurs livraisons au cours des premier, deuxième et troisième trimestres. Selon Dirk Ramaekers, chef de la task force sur la vaccination, le Moderna représente la plus petite commande pour notre pays.
Où en est-on avec l’AstraZeneca et le vaccin de Johnson & Johnson ?
AstraZeneca risque d’être décisif puisque c’est ce vaccin que l’Europe a commandé en masse avec 400 millions de doses, dont 7 millions sont destinés à notre pays.
Si au Royaume-Uni, l’autorité sanitaire a donné le feu vert juste avant le Nouvel An, l’UE n’en n’est pas encore là. L’EMA a demandé à la société des informations complémentaires, car le vaccin a fait l’objet de critiques notamment sur certains groupe test où la moyenne d’âge était relativement faible. AstraZeneca a annoncé qu’elle soumettrait son dossier final à l’EMA fin janvier. En fonction de l’avancement du dossier, il peut s’écouler jusqu’à un mois avant qu’on ne donne un éventuel feu vert.
En ce qui concerne le Johnson & Johnson, la société mère de Janssen Pharmaceutica a annoncé qu’elle soumettrait son dossier final à l’EMA d’ici la fin du mois prochain.
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