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Vaccination: « Pour convaincre, nous dialoguerons avec les citoyens » (entretien)

Olivier Mouton Journaliste

Yvon Englert, ancien recteur de l’ULB, devenu Monsieur Covid Wallonie et Monsieur Vaccination, explique la façon dont il compte tenter de réussir ce fameux défi. Maître mot: la transparence absolue pour répondre aux inquiétudes des citoyens et lutter contre les anti-vaccins.

Médecin, académicien, ancien recteur de l’ULB, Yvon Englert est la « pointure » chargée de coordonner la communication au sujet de la stratégie de vaccination pour la Belgique, qui devrait débuter début janvier. L’enjeu n’est pas mince, tant le scepticisme est grand dans une partie de la population et les mouvements anti-vaccins mobilisés. Il en est conscient et nous explique comment il compte procéder.

Quels sont les enjeux pour convaincre la population de se faire vacciner?

Il y a trois priorités importantes pour mener ce travail à bien. Tout d’abord, il faut un bon produit, un bon médicament, efficace, avec peu d’effets secondaires désagréables. Deuxièmement, la communication sera essentielle pour emporter la conviction du public: le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas gagné et c’est normal. Trois: l’accessibilité. Toutes les études montrent que s’il y a une file d’une heure, 2500 papiers à remplir, cela ne peut pas marcher pour une telle campagne de masse.

La qualité du produit est évaluée au niveau européen…

Tout est conditionné, en effet, au feu vert de l’Agence européenne des médicaments (EMA): c’est elle qui garantit l’efficacité du vaccin et qui garantit l’équilibre entre les risques et les bénéfices. J’insiste sur le fait que c’est un travail basé sur des faits, en toute indépendance, par une structure ayant beaucoup d’expérience.

La transparence au sujet de ces vaccins, partielle pour l’instant, dépend de ce feu vert?

Quand le médicament est enregistré, en effet, toutes les données deviennent publiques, pas avant. La procédure a été accélérée par rapport à d’autres vaccins et c’est, à mes yeux, un gage de sécurité: les entreprises ont accepté une évaluation en continu de la part de l’Agence et ont ouvert leurs données en cours de route. On estime que c’est une année gagnée, environ. Les données seront donc publiques.

Les nouvelles dont on dispose au sujet de son efficacité sont enthousiasmantes: elles montrent que celle-ci est importante et que ces vaccons sont aussi efficaces chez les personnes âgées, ce qui n’est pas toujours évident. Il n’y a, en outre, pas trop d’inquiétudes au sujet des effets secondaires: d’ailleurs, les entreprises auraient elles-mêmes arrêté le processus s’il y en avait eu de trop importants.

Mais il reste à convaincre via la communication et ce n’est pas gagné…

Evidemment, c’est un élément très important. Un article scientifique publié par des chercheurs de Yale et Harvard soulignait que c’était un point plus important encore que le qualité du vaccin, ce qui n’allège pas la pression sur mes épaules.

Ce qu’il est important de comprendre, c’est que l’on va changer de paradigme par rapport à ce qui se faisait depuis le début de l’épidémie. Jusqu’ici, les autorités prenaient des décisions de façon bottom/up: elles étaient simples, dissuasives par rapport à certains comportements et – normalement – devaient pouvoir être communiquées de façon claire. Ici, dès lors que le vaccin n’est pas obligatoire, il s’agira de convaincre qu’il y a un intérêt massif à se faire vacciner pour que l’on sorte enfin de ce calvaire. Ce n’est pas parce que l’on aura ce vaccin que l’on pourra abandonner du jour au lendemain les gestes barrière, mais c’est une nouvelle arme qui peut être décisive si elle est massive.

Pour tenter d’y arriver, nous allons entamer un dialogue d’égal à égal. C’est normal que les gens soient inquiets et c’est même plutôt sain: cela montre qu’ils sont soucieux de leur santé.

Comment arriver à convaincre?

Une des caractéristiques de cette communication, c’est qu’elle doit être honnête et transparente. Quand on ne sait pas, on le dit et on reste prudent tant que l’on n’a pas les données effectives. Plusieurs pistes sont envisagées pour mener ce dialogue. Nous allons travailler via des panels de citoyens représentatifs afin de voir avec eux ce qui les inquiètent, les informations qu’ils souhaitent obtenir…

Nous organisons déjà des réunions avec les représentants des maisons de repos, qui seront vaccinées en première instance, du personnel soignant, les médecins, les infirmiers, tous ceux que la population consulte afin de les informer au mieux. On ne peut évidemment pas dialoguer directement avec les onze millions de Belges, mais nous tentons de répondre à toutes les questions posée par cette hésitation vaccinale qui, je le répète, est normale. L’élaboration de cette stratégie de communication est en cours et sera validée mi-décembre par la conférence interministérielle de la santé.

Nous avons déjà mené des campagne de vaccination contre la polio, le tétanos, la rage, l’héptaite B, c’est une domaine de la médecine dans lequel on a accumulé les succès.

Comment répondre aux mouvements anti-vaccins et ceux qui argumentent de façon presque idéologique?

Vous pouvez enlever le ‘presque’… Beaucoup ont compris avec les épisodes de Trump que les fake news sont une réalité et qu’il faut être attentif. C’est pour cela que nous voulons être transparents, clairs et que nous entendons donner à tous les citoyens les données pour qu’ils puissent choisir en âme et conscience. Il y a déjà des informations qui circulent affirmant, par exemple, que ces vaccins modifient le code génétique, c’est évidemment faux et ceux qui lancent ces informations le savent parfaitement aussi.

Tout le monde est aussi conscient des immenses dommages collatéraux de cette épidémie: le remplissage des hôpitaux et les décès, bien sûr, mais aussi la santé mentale, la convivialité disparue, pour ne pas parler des emplois perdus et des dégâts économiques…

Le troisième élément important concerne l’accessibilité de ce vaccin. Au début, ce sera facile puisque nous irons là où les gens se trouvent, dans les maisons de repos, nous avons déjà pris contact avec leurs représentants, avec les médecins qui y travaillent… Pour le personnel soignant, le dialogue est en cours avec les fédérations d’hôpitaux.

Votre mission n’est pas mince?

Je suis conscient qu’il s’agit d’une mission importante et je peux vous dire que je dors très peu. Mais je ne crois pas aux hommes providentiels, je ne crois qu’au travail et au sérieux.

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