Mélanie Geelkens

Une sacrée paire non mixte par Mélanie Geelkens (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Ah, mais fallait le dire tout de suite, que tout ça vous intéressait, messieurs. Non parce qu’alors, il s’agit là d’un terrible malentendu. Vu que, souvent, vous aviez l’air de ne pas écouter, de douter, de critiquer, de disqualifier, les féministes ont cru que vous n’en aviez rien à secouer, de leurs requêtes et volontés. Que le monde vous semblait très bien tel qu’il était et que celles qui ambitionnaient de le modifier étaient horripilantes. Alors celles-là se sont mises, parfois, à discuter entre elles. Juste entre elles, lasses des insultes, des moqueries, de l’indifférence, du scepticisme.

Mais donc fort bien. Super, que tout ça vous concerne au point d’estimer honteux, inacceptable, que, par exemple, une marche causante sur les effets de la pandémie auprès des femmes puisse être organisée sans vous. Parce que comme vous sembliez vous en ficher royal, depuis des lustres, que dans les cercles économiques, à la tête des entreprises, dans les organes de décision, etc. ne siègent que des détenteurs de service trois pièces, ça donnait l’impression que la non-mixité, ça vous allait, voire que vous en aviez capté les bienfaits.

Les bienfaits, tout à fait. Peut-être vaut-il mieux prendre, ici, un exemple non genré: les alcooliques anonymes. Leurs réunions ne sont ouvertes qu’aux alcooliques. Car sinon, ce serait très saoulant, pour celles et ceux dont l’horizon temporel se compte en verres, de s’entendre sermonner « mais enfin, Albert, c’est quand même pas compliqué de ne plus picoler, arrête d’acheter des bières », ou encore: « Es-tu vraiment sûre d’être une ivrogne, Bérangère? » Il y a des réalités que seules les oreilles concernées peuvent réellement écouter.

Après, serait-il pertinent d’organiser une conférence sur les ravages de l’alcool au sein de la société à destination exclusive des personnes reconnaissant souffrir d’un problème de boisson? Elles les perçoivent déjà fort bien, ces ravages. Au contraire de ceux qui sont dans le déni ou simplement dans l’ignorance et qui, dans l’objectif d’une société meilleure, devraient être sensibilisés les premiers.

Le problème de la non-mixité, version genrée, c’est qu’elle n’est plus seulement organisée comme un espace apaisant et sécurisé, par exemple à destination des victimes d’agressions sexuelles. Elle semble être devenue un moyen d’être plus féministe que les féministes. Exclure par envie, par mode peut-être, non par besoin. En quoi les effets de la Covid seraient-ils un sujet tellement sensible, tellement risqué qu’il ne faille en discuter qu’entre convaincues (mais probablement peu directement concernées)? OK, il est plus simple d’émettre un avis sans être « mansplainée ». Mais l’enjeu est tout autant d’apprendre aux uns à laisser les autres parler qu’aux unes à savoir s’imposer dans une conversation. Ainsi se propagent les idées: à force d’être largement et bruyamment assénées. Pas en étant serinées en petit comité.

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Le curseur semble s’être déplacé, de la non-mixité par nécessité vers la non-mixité de convenance. Peut-être plus confortable, mais sans doute peu efficace. Convaincre des convaincues… Plus simple que de faire entendre raison à des sourds. Mais, comme disait (presque) l’autre, il n’y a pas pire malentendant que celui qui ne veut entendre. Peut-être ceux qui radotent de ne pas avoir été conviés à un événement où ils n’auraient de toute façon pas mis les pieds pourraient-ils déjà commencer par écouter, pour changer.

62%

des volontaires de la Croix-Rouge francophone de Belgique, qui s’est retrouvée en première ligne lors des inondations de juillet dernier, sont des femmes. Soit 7 130 femmes et 4 401 hommes, selon les chiffres de 2020. Prendre soin, une aspiration décidément fort féminine…

Silence, elles tournent… peu

20% de réalisatrices, 35% de scénaristes, 41% de productrices, 7% de compositrices, 8% de cheffes opératrices. Pas fameuse, la présence des femmes dans les métiers de la production des oeuvres télévisées européennes, selon le récent rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, qui a analysé les séries produites entre 2015 et 2019. Une meilleure nouvelle: dans des rôles principaux, 43% des interprètes étaient des femmes. C’est déjà ça.

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