Mélanie Geelkens
Une sacrée paire de vacancières, par Mélanie Geelkens (chronique)
Paraît que les agences sont prises d’assaut. Alors, comme tout le monde a envie de se casser et que, désormais, partir à l’étranger n’est plus un péché sanitaire, il y a fort à parier que les blogs et magazines féminins vont ressortir leurs marronniers: « ce qu’il faut savoir avant de voyager seule », « 8 destinations sûres pour les femmes en solo », « oser voyager seule », « voyager seule quand on est une femme: tous les conseils », « oui, les femmes aussi ont droit à l’aventure! »… Titres véridiques. Qui défilent, sur des pages et des pages de résultats sur Google. Alors que pour une même recherche, mais au masculin (« voyager seul homme »), l’affaire est vite réglée: les articles référencés renvoient principalement… à ces dames qui s’aventurent en solitaire dans ce vaste monde.
Une bourlingueuse non accompagnée perturbe car il est socialement peu accepté qu’une dame puisse se débrouiller par elle-même.
Comme s’il s’agissait d’une anomalie. « Pourquoi n’ai-je pas fait une fille normale? », s’était d’ailleurs exclamée cette maman lorsque sa rejetonne de 32 ans lui avait annoncé ses prochaines trois semaines en Thaïlande. « On peut vouloir l’égalité mais bon, même si c’est injuste, y a des trucs que les femmes ne peuvent pas se permettre », avait décrété ce trentenaire. Bah oui, c’est dangereux: le fameux mythe de l’agression par un inconnu au coin de la rue. Finalement plus rassurant à se raconter que la réalité des faits: dans quasi 90% des cas de violences sexuelles, l’auteur est connu. Une gamine a donc statistiquement davantage de probabilités de se faire tripoter par son oncle Dédé ou violer par son rencard Tinder que de se faire emmerder par un quidam sur une plage ensoleillée.
Mais « sois prudente », surtout. Sois sage. Sous-entendu: garde les cuisses serrées. Autre grand mythe des épopées solitaires féminines: celles qui s’y adonnent doivent forcément emporter des capotes avec leur crème solaire, les coquines. D’ailleurs n’osent-elles pas le plus souvent après une rupture? Ou parce qu’elles rêvent de grands frissons les cinquante balais dépassés (il existe, soit dit en passant, des agences qui leur sont dédiées)? Et quand bien même ce serait vrai? Nul ne s’étonne des jeunes mecs qui s’envolent pour Magaluf avec l’ambition d’écumer autant de bières que de prostituées. Ni des vieux bedonnants qui arpentent l’Asie à la recherche de nymphettes à peine pubères. Ah, les clichés!
En voici un autre, tiens: « Nombreux sont ceux qui pensent que les globe-trotteuses se font financer par un tiers (famille, campagne de crowdfunding ou juste par un mec, quel qu’il soit) », assure un site spécialisé. Ajoutant sérieusement: « Une femme peut se payer son voyage seule. » Incroyable. Bon, elle partira peut-être moins loin, à cause de l’écart salarial, la précarité, tout ça, mais là, c’est un autre débat.
Une bourlingueuse non accompagnée étonne, intrigue, perturbe car il est socialement peu accepté qu’une dame puisse se débrouiller par elle-même (alors que, franchement, au sein d’une famille, qui organise les vacances, habituellement? ), voire qu’elle délaisse conjoint et enfants pour pérégriner. Mère indigne! Qui va faire à bouffer? Le contraire ne fait bien entendu jamais sourciller. C’est finalement l’idée de liberté qui dérange. L’autonomie féminine a toujours effrayé. D’ailleurs, une femme seule n’a pas l’habitude de déambuler. Observez: en rue, elle tiendra toujours une main, portera un sac de courses, conduira une poussette, se pressera pour attraper son bus, courra pour garder la forme. Sinon, c’est une touriste. Ou une prostituée.
@unesacreepaire
81 %
des femmes belges, et 48% des hommes, ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie. Tel est le principal enseignement d’une vaste étude menée auprès de plus de 5 000 personnes par l’université de Gand, en collaboration avec l’ULiège. Les faits les plus fréquents sont les violences sans contact physique (78 et 41%). 38% des répondantes ont déclaré avoir été abusées sexuellement (pour 18% des répondants) et 16% avoir été violées (5% chez les hommes). Avec tous les problèmes de santé mentale que cela engendre.
Les seniors aussi victimes
Les violences sexuelles ne s’arrêtent pas avec l’âge! Cette même étude de l’université de Gand a mis en évidence que 8% des personnes de plus de 70 ans en avaient été victimes au cours des douze derniers mois (soit entre mars 2019 et mars 2020), et 44% au cours de leur vie. Les faits les plus fréquents étant les regards et remarques à connotation sexuelle et les baisers non consentis. Les auteurs sont en général des personnes plus jeunes (50 ans en moyenne) et appartenant au cercle familial.
Le féminisme selon Wilfried
Pourquoi la Belgique francophone dépense-t-elle tant pour les sportifs mais si peu pour les sportives? Peut-on relire Simenon sans haut-le-coeur sexistes? Pourquoi y a-t-il si peu de lesbiennes dans le monde politique, où les gays sont davantage représentés? Pourquoi les femmes votent-elles plus à gauche que les hommes? Petite sélection de sujets au sommaire du dernier numéro du trimestriel Wilfried, sorti le 18 juin dernier et consacré au « féminisme, une révolution politique en cours ». Lecture estivale hautement recommandée!
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