Mélanie Geelkens
Une sacrée paire de stérilets: pourquoi ce désintérêt?
En 2019, 24% des avortements réalisés en Belgique concernaient des femmes prenant la pilule. Pour 1% utilisant le DIU.
» Moi, mon job, c’est que des gamines de 16 ans ne tombent pas enceintes! » Alors, oui, ce jeune généraliste prescrit massivement la pilule à ses patientes et, non, il ne les informe pas des effets secondaires éventuels (perte de libido, problèmes de circulation sanguine, irritabilité, etc.). Parce que, bon, « c’est la base. Si on dit à quelqu’un qu’il risque d’avoir tel symptôme, le lendemain, il revient en affirmant qu’il l’a. » Autant maintenir les emmerdeuses potentielles dans l’ignorance. Et pourquoi ne pas conseiller le stérilet? « Ça ne convient pas à toutes. » Certes, mais les contraceptifs hormonaux non plus. « Ça fait mal, quand on l’installe. » Peut-être, mais pas toujours, et puis il reste l’option de l’anesthésie. « Il y a des risques d’inflammation. » D’accord, mais pourquoi seraient-ils plus inquiétants que les dangers précités?
Donc pourquoi? Pourquoi ce désintérêt, cette méfiance, ce rejet du DIU (dispositif intra-utérin)? Lors de cette conversation informelle, ce médecin ne l’a pas mentionné, mais il n’est pas interdit de penser à ceci: une boîte de pilules est en général trimestrielle, donc nécessite quatre consultations par an pour le renouvellement de la prescription. Là où un stérilet est placé pour cinq ans en moyenne. Mais trêve de cynisme: évidemment que les soignants sont davantage préoccupés par la santé que par leur intérêt financier!
Et socialement, alors? Pourquoi ne pas promouvoir cette méthode contraceptive, la seule non hormonale? Ne fût-ce que pour le bien-être des caisses de l’Etat, qui rembourse (sous certaines conditions). Une boîte de pilules = en moyenne 15 euros par trimestre, donc 60 euros par an, donc 300 euros sur cinq ans. Sur la même période, un stérilet = environ 50 euros.
Quand bien même l’impact sur les finances publiques importerait peu, il ne devrait pas en être de même en matière de santé. En 2019, 24% des avortements réalisés en Belgique concernaient des femmes prenant la pilute, pour 1% utilisant le DIU. Pourtant un comprimé, c’est tellement sûr, c’est tellement simple! Suffit de l’avaler. Sans jamais l’oublier, à heure fixe, en veillant à ne jamais le régurgiter, en l’emportant partout avec soi, en n’étant jamais à court d’ordonnance… Rien de plus facile que de se faire poser un bout de métal dans l’utérus et de ne plus y penser pendant plusieurs années, assurément. Elles doivent être dingues, ces Chinoises, ces Egyptiennes, ces Suédoises, ces Anglaises qui s’en font massivement équiper.
L’impact du sexisme sur la qualité des soins
Bien sûr, ce dispositif ne convient pas à toutes: pas de prosélytisme. Mais beaucoup continuent de le discriminer en invoquant des motifs erronés. Ne peut être placé sur des nullipares: faux. Provoque la stérilité: faux. Augmente les risques d’IST: faux. Permet trop d’insouciance: et si c’était vrai? C’est la thèse défendue par la Française Coline Gineste, qui a réalisé une étude sur l’impact du sexisme sur la qualité des soins gynécologiques. Elle postule que, si les médecins prescrivent des pilules comme saint Nicolas distribue des bonbons, en particulier chez les jeunes filles, c’est peut-être comme « mode d’éducation: tu as une sexualité débridée? Désormais, tu devras te soucier chaque jour de ta santé au risque de tomber enceinte. La prescription trimestrielle est d’ailleurs un moyen de garder les personnes de sexe féminin sous contrôle, en les obligeant à consulter régulièrement, en les soumettant à un interrogatoire préliminaire (série de questions sur l’état général, le mode de vie, éventuellement les pratiques sexuelles) et parfois à des examens invasifs (toucher vaginal, palpation de la poitrine). » Tant qu’elles ne viennent pas se plaindre d’effets secondaires…
L’Italie condamnée
En 2008, une jeune Italienne avait porté plainte pour viols perpétrés par sept hommes dans une voiture. En 2013, six d’entre eux étaient condamnés, avant d’être acquittés deux ans plus tard. La cour d’appel de Florence avait émis des doutes sur la crédibilité de la plaignante, en s’appuyant sur sa vie personnelle avant les faits. Celle-ci avait ensuite saisi la Cour européenne des droits de l’homme, qui vient de condamner l’Italie pour ce jugement basé sur des « préjugés [quant au] rôle de la femme qui existent dans la société italienne », et pour n’avoir pas pu protéger la plaignante d’une victimisation secondaire. Celle-ci recevra 12 000 euros de dommages et intérêts.
100
femmes inspirantes présentées durant 100 jours: tel est le défi (virtuel) lancé par le viticulteur liégeois Frank Delandshere, sous le mot dièse #100womensnames. En voyant passer un tweet incitant les hommes à mettre à l’honneur une personnalité féminine admirée, il s’est dit « pourquoi seulement une? » et a invité ses contacts à être plus ambitieux. Qui pour l’imiter?
Etre gay (et torturé) en Tchétchénie
Depuis fin mai, le documentaire Bienvenue en Tchétchénie (initialement diffusé sur Arte) est disponible en libre accès sur YouTube. Un film du journaliste américain David France, qui raconte les persécutions vécues par les homosexuels tchétchènes, femmes et hommes, et le combat des activistes LGBT pour les exfiltrer de ce pays qui semble cautionner un programme d’extermination à leur encontre. Glaçant.
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