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« Une inflation durablement élevée nous catapulterait dans un monde très différent »

Les prix vont-ils augmenter à l’approche de la fin de la crise du coronavirus? Le spectre d’une inflation élevée rend les économistes nerveux.

« L’inflation est aussi violente qu’un agresseur, aussi effrayante qu’un gangster à main armée et aussi mortelle qu’un tueur à gages », aurait dit le président américain Ronald Reagan un jour. Pour de nombreux économistes, l’inflation, c’est-à-dire l’augmentation généralisée du prix des biens et des services, est l’un des paramètres les plus importants de l’économie. La Banque centrale européenne (BCE), par exemple, vise à maintenir l’inflation juste en dessous de 2 % par an, car c’est le niveau idéal pour que l’économie fonctionne sainement, selon les économistes.

Si les prix baissent, dans le jargon de la déflation, c’est mauvais pour l’économie. Les gens reportent leurs achats, parce que demain les prix seront plus bas, et l’économie stagne. Lorsque les prix augmentent trop vite, une hyperinflation s’installe et on a une dépréciation de la monnaie : on peut acheter de moins en moins pour la même somme d’argent, et cela aussi est mauvais pour l’économie. Non, l’idéal c’est une augmentation de près de 2 % par an du coût de la vie. L’économiste louvaniste Wim Moesen a dit un jour : une inflation légère, c’est comme rouler à vélo avec un petit vent dans le dos. En cas de déflation, le vent vous fait reculer, en cas d’hyperinflation, le vent est si fort que vous vous retrouvez au fossé.

Ces dernières décennies, l’inflation était bien inférieure à 2 %. En janvier, elle était de 1,4 % aux États-Unis, de 0,9 % dans la zone euro et de 0,6 % en Belgique. Mais aujourd’hui, l’inflation pourrait bien augmenter rapidement. Il y a de nombreuses raisons à cela. L’une d’entre elles est le plan du président américain Joe Biden qui doit stimuler l’économie à l’aide d’une injection de 1900 milliards de dollars, en plus des 900 milliards déjà alloués à la fin du mandat de Trump. C’est beaucoup d’argent. Si tout est dépensé, cela fera monter les prix et donc l’inflation.

Entre-temps, les prix des matières premières comme le cuivre et l’aluminium sont déjà en forte hausse. Tout comme les prix de l’énergie. En novembre, le prix du baril de Brent était de 40 dollars, désormais, il atteint les 70 dollars. Ces prix vont-ils continuer à augmenter lorsque l’économie mondiale se relancera? Les produits finis vont devenir plus chers et donc faire monter l’inflation. La politique de la BCE de ces dernières années y contribue également : en injectant de l’argent dans l’économie, la monnaie est devenue très bon marché. Vous pouvez emprunter à un taux d’intérêt historiquement bas, et les économistes soulignent que tôt ou tard, cela conduira à l’inflation.

Nous voyons déjà des signes d’une augmentation des prix. Avez-vous été chez le coiffeur ? Avez-vous également dû payer plus ? Pour une coupe de cheveux (pour les hommes) qui coûtait 25 euros avant la pandémie, il faut maintenant payer 27 euros. Cela représente une augmentation de 8 %. Le tourisme, les hôtels et restaurants et les magasins vont-ils également augmenter leurs prix lorsque la crise du coronavirus sera terminée ? En outre, l’année dernière, les Belges ont placé 15 milliards supplémentaires sur leurs comptes d’épargne. S’ils recommencent à dépenser cet argent, cela aura également pour effet d’augmenter les prix. Les salaires qui en Belgique sont liés à l’indice, vont également augmenter et, la spirale inflationniste sera imminente : salaires plus élevés, produits plus chers, inflation plus élevée, etc.

Les économistes se creusent la tête pour savoir si nous ne sommes confrontés qu’à un pic d’inflation ponctuel ou si nous nous dirigeons vers des années de hausse et d’inflation élevée. S’il s’agit d’un événement de courte durée, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, mais si nous partons pour un long voyage, les implications sont importantes à de nombreux niveaux. Des économistes tels que Paul De Grauwe ont déjà déclaré que si l’inflation risque de devenir un problème, la BCE doit intervenir à temps. Au lieu d’essayer d’augmenter l’inflation en imprimant de la monnaie, comme elle l’a fait ces dernières années, elle devrait réduire l’inflation en retirant de l’argent du marché.

Gert Peersman (Université Gand) a déclaré qu' »un peu plus d’inflation ne fera pas de mal, tant qu’elle ne dépasse pas 10 %. Parce qu’alors, ça fait vraiment mal à l’économie ». Si l’inflation continue à augmenter, les conséquences seront graves. Les taux d’intérêt historiquement bas vont prendre fin. Le refinancement de la dette publique et le remboursement d’un prêt hypothécaire deviendront alors plus coûteux. Pour toute personne disposant d’économies, une inflation élevée est une mauvaise nouvelle, car la différence entre les taux d’intérêt et l’inflation va augmenter, ce qui réduira votre pouvoir d’achat. Pour tous ceux qui ont des dettes, une inflation élevée est une bonne nouvelle : les dettes vont fondre. Une inflation durablement élevée nous catapulterait dans un monde très différent.

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