UE: De Croo met en garde le Premier ministre polonais, la Pologne condamnée à une astreinte d’un million d’euros par jour
Le Premier ministre Alexander De Croo a mis en garde son homologue polonais contre une escalade du conflit à propos des règles de base de l’État de droit et du projet européen lors d’un discours prononcé au collège d’Europe de Bruges. Ses propos interviennent alors que la Pologne a été condamnée à une astreinte d’un million d’euros par jour par la justice de l’UE.
« À ceux qui donnent des interviews incendiaires dans le Financial Times et pensent qu’il est nécessaire de déclarer une nouvelle guerre mondiale, je veux dire : vous jouez à un jeu dangereux, vous jouez avec le feu lorsque vous partez en guerre contre vos collègues européens pour des raisons de politique intérieure« . Alexander De Croo évoquait les mots durs de Mateusz Morawiecki dans l’édition de lundi du journal financier britannique.
M. Morawiecki a menacé d’utiliser « tous les moyens disponibles » si l’Union européenne continue de s’opposer aux réformes judiciaires que son gouvernement nationaliste a mises en oeuvre dans son pays. Selon le gouvernement polonais, elles sont nécessaires pour éradiquer la corruption. Mais, selon l’UE, elles sapent la séparation des pouvoirs dans le pays. Le différend a atteint son paroxysme lorsque la Cour constitutionnelle de Varsovie, à la suite d’une question de M. Morawiecki, a statué que certaines parties des traités européens violaient la constitution polonaise.
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Selon Alexander De Croo, cette attaque est « totalement inacceptable ». « Une écrasante majorité d’États membres, des États baltes au Portugal, conviennent que notre Union est une union de valeurs, pas un distributeur automatique ». Selon lui, un « Polexit » n’est toutefois pas la solution pour sortir de l’impasse. « Nous devons les contester. Nous ne devons pas tomber dans leur piège, mais écouter le message des 100.000 citoyens polonais qui sont descendus dans la rue avec les drapeaux polonais et européens, côte à côte », a déclaré le Premier ministre.
Selon Alexander De Croo, les États membres ne devraient pas laisser cette bataille à la Commission européenne et à la Cour européenne de justice. « Il s’agit d’un problème politique fondamental qui requiert une solution politique, de la part du Conseil et du Parlement européen : en énonçant et en consacrant les règles de base de notre Union, l’État de droit, la démocratie et tous les droits fondamentaux – des choses qui ont été prises pour acquises depuis si longtemps. Et en rendant ces règles de base applicables, mieux qu’elles ne le sont actuellement. »
Le contentieux avec Bruxelles s’aggrave
Le contentieux s’est encore alourdi mercredi avec la condamnation de la Pologne à une astreinte d’un million d’euros par jour par la justice de l’UE.
Cette décision sanctionne le non respect par la Pologne d’un arrêt de la Cour de justice de l’UE qui avait ordonné le 14 juillet la cessation immédiate des activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise.
Dans une première réaction, Varsovie a accusé la Cour d' »outrepasser et d’abuser » de ses compétences en matière de sanctions financières, par la voix d’un secrétaire d’Etat à la Justice, Sebastien Kaleta.
Le chef du gouvernement conservateur nationaliste polonais, Mateusz Morawiecki, s’est engagé encore récemment à abolir cette chambre, dont la suppression avait déjà été annoncée en août par Varsovie mais qui continue à fonctionner.
Cet organe, mis en place dans le cadre d’une réforme controversée de la justice polonaise, est chargée de superviser les juges, avec le pouvoir de lever leur immunité pour les exposer à des poursuites pénales ou de réduire leurs salaires.
La CJUE avait estimé en juillet que cette chambre « n’offrait pas toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance » et n’était « pas à l’abri d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif ».
« Le respect des mesures provisoires ordonnées le 14 juillet est nécessaire afin d’éviter un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union européenne ainsi qu’aux valeurs sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l’Etat de droit », a souligné la Cour mercredi.
Une sanction financière avait été réclamée à la Cour le 7 septembre par la Commission européenne au motif que « les systèmes judiciaires de l’UE doivent être indépendants et équitables ».
Plan de relance gelé
Selon une source européenne, l’astreinte devait s’appliquer dès mercredi, une fois la Pologne notifiée de l’ordonnance rendue par la Cour.
Le plan de relance post-Covid de la Pologne d’un montant de 36 milliards d’euros est actuellement gelé par la Commission qui réclame des garanties sur l’indépendance du système judiciaire polonais.